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presque tous les diamans, pour peu qu’ils eussent d’épaisseur.

Mais depuis qu’on a perfectionné l’art de la taille, on ne forme plus guere les diamans autrement qu’en rose, ou en brillant. La premiere de ces deux especes de taille est assez ancienne parmi nous, & elle est presque la seule qui soit admise chez les Orientaux ; ils prétendent que tout diamant taillé autrement, n’a point le jeu qu’il doit avoir, ou qu’il papillote trop. Autrefois quand un diamant brut étoit trop épais, on le clevoit, c’est-à-dire qu’on le séparoit en deux, pour trouver deux diamans dans la même pierre ; & encore aujourd’hui il y a des occasions où l’on est obligé d’user de cette pratique. Elle consiste à tracer dans tout le pourtour ou circonférence du diamant, un sillon ou ligne de partage, en observant de suivre le vrai fil de la pierre ; & lorsque cette ligne a acquis assez de profondeur, on prend une lame de couteau d’acier bien aiguisée & bien trempée, on la présente sur cette raye, & d’un seul coup sec & frappé juste sur la pierre, posée droite & bien à-plomb, on la divise net en deux parties à-peu-près égales.

Les diamans ainsi élevés, sont très-propres pour faire des roses ; car le diamant-rose doit être plat par-dessous comme les pierres foibles, tandis que le dessus qui s’éleve en dôme, est taillé à facettes. Le plus ordinairement on y exprime au centre six facettes qui décrivent autant de triangles, dont les sommets se réunissent en un point, & les bases vont s’appuyer sur un autre rang de triangles, qui posés dans un sens contraire aux précédens, viennent se terminer à leur sommet sur le contour tranchant de la pierre, qu’on nomme en terme de l’art le feuilletis, laissant entr’eux des espaces qui sont encore coupés chacun en deux facettes. Cette distribution donne en tout le nombre de 24 facettes. La superficie du diamant-rose étant ainsi partagée en deux parties, la plus éminente s’appelle la couronne, & celle qui fait le tour du diamant, prend le nom de dentelle.

Le diamant rose darde de fort grands éclats de lumiere, & qui sont même à proportion, plus étendus que ceux qui sortent du diamant brillant, ou brillanté ; mais il est vrai que celui-ci joue infiniment davantage, ce qui est l’effet de la différence de la taille. Les pierres épaisses ont nécessairement dû faire naître l’idée du diamant brillant ; car ce dernier est divisé dans son épaisseur en deux parties inégales, de la même maniere, & dans la même proportion que les pierres épaisses ; c’est-à-dire qu’environ un tiers est pour le dessus du diamant, & les deux autres tiers pour le dessous, nommé la culasse. Mais au-lieu que la table de la pierre épaisse n’est environnée que de simples biseaux ; dans le brillant, le pourtour de la table qui est à huit pans, est taillé en facettes, les unes triangulaires & les autres losangées, & le dessous de la pierre qui n’étoit qu’un prisme renversé, est encore taillé à facettes, appellées pavillons, précisement dans le même ordre que les facettes de la partie supérieure ; car il est essentiel que tant les facettes de dessus, que celles de dessous, se répondent les unes aux autres, & soient placées dans une symmétrie parfaite, autrement le jeu seroit faux.

Il n’y a guere plus d’un siecle qu’on a commencé à brillanter ainsi les diamans, ce qui les a mis en bien plus grande faveur qu’ils n’étoient : on ne les a que pour la parure, ainsi quiconque veut paroître préférera toujours ce qui attirera davantage les regards. On comprend facilement que comme il est aisé de faire un brillant d’une pierre épaisse, il ne doit presque plus rester de celles qui avoient reçu anciennement cette derniere taille ; & il ne me paroît pas moins superflu de faire observer que c’est de la multiplicité des facettes, & de l’arrangement régulier de ces mêmes facettes, qui étant en opposition se reflé-

chissent & se mirent les unes dans les autres, que naît

tout le jeu du diamant brillant, & l’extrème vivacité qui en sort.

Il est encore plus à la connoissance de tout le monde que les diamans les plus parfaits, les plus chers & les plus rares, sont les plus gros, qui joignent à une belle forme, de la hauteur & du fond ; ceux de la plus belle eau, c’est-à-dire les diamans les plus blancs, & dont la couleur extrèmement vive, ne souffre aucune altération, & ne participe d’aucune couleur étrangere & sourde, comme celle du feu, de l’ardoise, &c. ceux enfin qui sont les plus nets, & exempts de taches, de points & de glaces : on a donné ce dernier nom à de petits interstices ou vuides, remplis de globules d’air, qui s’étant logés dans la pierre lors de sa formation, ont empêché la matiere de se lier également par tout, & y font paroître des déchirures, si je puis me servir de ce terme, dont les facettes multiplient encore le nombre par la réflexion. Il ne faut qu’un choc, qu’un coup donné inconsidérément & à faux sur un diamant, non seulement pour l’étonner & y découvrir une glace cachée, ou en étendre une autre qui n’occupoit qu’un petit espace, mais pour fendre même la pierre. Le seul mouvement du poinçon, appuye trop fortement en sertissant, a causé plus d’une fois de pareils dommages. Quant aux points ou dragons, ce sont des parties métalliques qui pareillement engagées dans de corps du diamant, se montrent comme autant de petites taches, ou du moins une partie, & se dissipent en mettant le diamant dans un creuset, & le poussant à un feu violent ; mais on n’est pas toujours sûr de réussir, & il arrive même que les parties métalliques venant à se dissoudre, la couleur du diamant en souffre, & en est singulierement alterée.

Personne n’ignore qu’à l’égard des diamans sales, noirs, glaceux, pleins de filandres & de veines, en un mot de nature à ne pouvoir être taillés, les Diamantaires les mettent au rebut pour être pulvérisés dans un mortier d’acier fait exprès, & les emploient ainsi broyés à scier, tailler & polir les autres diamans.

Enfin ils ont donné le nom de diamant parangon, aux diamans qui sont d’une beauté, d’une grosseur & d’un prix extraordinaire. Tel est, par exemple, celui du grand-mogol, celui que possédoit le grand-duc de Toscane, & celui qu’on appelle en France le diamant de sancy, corrompu de cent-six, qui est le nombre de karats qu’il pese.

Voilè le lecteur instruit de la taille du diamant, & même de la langue du lapidaire ; il sait présentement ce que c’est que pointes naïves, diamans bruts ingénus, diamans de nature, diamans brillans, diamans rose, diamans parangon, diamans d’une belle eau, diamans glaceux ou gendarmeux, pierres épaisses, pierres foibles ou pierres taillées en table : il entend les mots de biseau, couronne, culasse, dentelle, dragons, feuilletis, pavillon. En un mot, en s’éclairant de la taille du diamant, il a ici passé en revue la plus grande partie des termes de l’art ; mais les Planches de cet ouvrage rempliront complettement sa curiosité, & dévoileront à ses yeux toute la manœuvre du lapidaire sur cette pierre, qui, graces à notre luxe, ne perd rien de sa valeur en devenant tous les jours plus commune.

Si l’on desire de plus grands détails, on les trouvera dans quelques ouvrages particuliers, entre autres dans celui de Robert de Berquen, maître orfevre, intitulé les merveilles des Indes orientales & occidentales, ou, traité des pierres précieuses, Paris 1661, in-4°. & dans Jefferies (David), a treatise of diamonds and pearls, London 1750, in-8°. avec figures : ce dernier est traduit en françois.

Je ne dois pas oublier de remarquer en finissant,