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lande a les planches gravées assez proprement, mais sans goût.

De la Chausse, romanum Musæum, &c. Romæ, 1690, in-fol. editio secunda, Romæ 1707, in fol. editio tertia, Romæ 1746, 2 vol. in-fol. item en françois, Amsterdam 1706, fol. fig.

Michel Ange de la Chausse, parisien, savant antiquaire, étoit allé assez jeune à Rome, & son caractere, autant que son goût, l’y avoit fixé. Le corps d’antiquités qu’il intitula Musæum romanum, est une collection qui réunit les plus singulieres antiquités qui se trouvoient dans les cabinets de Rome au tems où l’auteur éerivoit. Les figures sont accompagnées d’éxplications aussi curieuses qu’instructives. Jamais ouvrage ne fut mieux reçu ; Grœvius l’insera tout entier dans son grand recueil des Antiquités romaines. Il fut traduit en françois, & imprimé à Amsterdam en 1706 ; mais l’édition originale fut suivie d’une seconde, à tous égards préférable à la premiere, pareillement faite à Rome en 1707, & considérablement augmentée par l’auteur même ; on en donna tout-de-suite une troisieme édition à Rome en 1746, en 2 vol. in-fol. fort inférieure à la seconde, & dans laquelle le libraire n’a cherché qu’à induire le public en erreur, & à abuser de sa confiance.

La premiere partie du recueil de M. de la Chausse, comprend une suite assez nombreuse de gravures antiques, qui presque toutes sont des morceaux d’élite, dont le public n’avoit point encore joui dans aucun ouvrage imprimé.

M. de la Chausse a encore publié à Rome, en 1700, in-4°. fig. un recueil de pierres gravées antiques, avec ses observations : le choix des pierres est fait avec discernement ; les explications écrites en italien sont judicieuses & pleines d’érudition ; les planches, au nombre de deux cens, gravées par bartholi, ne sont qu’au trait.

Musæum florentinum, cum observ. Ant. Franc Gori, Florentiæ, 1731, 1732, 2 vol. fol. maj. cum fig. &c.

Qui ne connoit pas le prix de cette rare & immense collection ? jusqu’à présent on n’en a vû, je crois, que six volumes, mais c’en est assez pour admirer le plus beau cabinet de pierres gravées qu’il y ait au monde. Les deux premiers volumes donnés en 1731 & 1732, contiennent toutes les pierres gravées du grand duc, qui méritent quelque considération. Le premier volume contient plus de huit cens pierres gravées, qui occupent cent grandes planches ; & le second quatre cens dix-huit pierres gravées, rangées comme dans le premier sur cent planches ; les éditeurs n’ont point craint d’excéder, ni par rapport à la largeur des marges, ni pour la grosseur des caracteres, ni dans la disposition des titres : l’épaisseur du papier répond à sa grandeur ; aucun des ornemens dont on a coutume d’enrichir les livres d’importance. n’ont été épargnes dans celui-ci ; en un mot c’est un ouvrage d’apparat, & qui remplit parfaitement les vûes de ceux qui l’ont fait naître ; ce livre coûte fort cher, même aux souscrivans, & pour comble de malheur, la grande inondation de l’Arno, qui a fait périr sur la fin de 1740, une partie de l’édition mise dans le palais Corsini, n’en a pas fait baisser le prix.

10°. Des collections de pierres gravées. Non-seulement l’antiquité nous fournit des exemples de passions pour les pierres gravées, mais elle nous fournit des génies supérieurs, & les plus distingués dans l’état, qui formoient de ces collections. Quels hommes que César & Pompée ! Ils aimerent passionnément l’un & l’autre les pierres gravées, & pour montrer l’estime qu’ils en faisoient, ils voulurent que le public fût le dépositaire de leurs cabinets. Pompée mit dans le Capitole les pierres gravées, & tous les autres bijoux précieux qu’il avoit enlevés à Mithri-

date, & César consacra dans le temple de Vénus,

surnommée genitrix, celles qu’il avoit recueillies lui-même avec des dépenses infinies ; car personne n’égaloit sa magnificence, quand il s’agissoit de choses curieuses. Marcellus, fils d’Octavie, & neveu d’Auguste, dépota son cabinet de pierres gravées dans le sanctuaire du temple d’Apollon, sur le mont Palatin. Marcus Scaurus, beau-fils de Sylla, homme vraiment splendide, avoit formé le premier un semblable cabinet dans Rome. Il falloit être bien puissant pour entreprendre alors de ces collections. Le prix des belles pierres étoit monté si prodigieusement haut, que de simples particuliers ne pouvoient guere se flatter d’y atteindre. Un revenu considérable suffisoit à peine pour l’achat d’une pierre précieuse. Jamais nos curieux, quelques passionnés qu’ils soient, ne pousseront les choses aussi loin que l’ont fait les anciens. Je ne crois pas qu’on rencontre aujourd’hui des gens, qui semblables au sénateur Nonius, préferent l’exil, & même la proscription, à la privation d’une belle bague.

Il est pourtant vrai que depuis le renouvellement des beaux arts, les pierres gravées ont été recherchées par les nations polies de l’Europe avec un grand empressement ; & ce goût semble même avoir pris de nos jours une nouvelle vigueur. Il n’y a presque point de prince qui ne se fasse honneur d’avoir une suite de pierres gravées. Celles du roi & celles de l’impératrice reine de Hongrie, sont considérables. Le recueil de M. le duc d’Orléans est très-beau. On vante en Angleterre les pierres gravées recueillies autrefois par le comte d’Arundel, présentement entre les mains de mylady Germain, celles qu’avoit rassemblé mylord Pembrock, & la collection qu’en avoit fait le duc de Dévonshire, l’un des plus illustres curieux de ce siecle.

C’est néanmoins l’Italie qui est encore remplie des plus magnifiques cabinets de pierres gravées. Celui qui avoit été formé par les princes de la maison Farnese, a fait un des principaux ornemens du cabinet du roi des deux Siciles ; la collection du palais Barberin, tient en ce genre un des premiers rangs dans Rome, qui de même que Florence & Venise, abondent en cabinets particuliers de pierres gravées. Mais aucune de ces collections n’égale celle que possédoit le grand duc, qui paroît être la plus singuliere & la plus complette qu’on ait encore vû, puisque le marquis Maffei assure qu’elle renferme près de trois mille pierres gravées. On sait que les plus remarquables se trouvent dans le musæum florentinum ; aussi faut-il convenir que les peuples d’Italie sont à la source des belles choses. Fait-on la découverte de quelque rare monument, de ceux d’une ville même, d’un Herculanum, par exemple, elle se fait pour eux : ils sont les premiers à en jouir ; ils peuvent continuellement étudier l’antique qui est sous leurs yeux ; & comme leur goût en devient plus sûr & plus délicat que le nôtre, ils sont aussi généralement plus sensibles que nous aux vraies beautés des ouvrages de l’art.

11°. Des belles pierres gravées. Pour avoir des pierres gravées, exquises en travail, il faut remonter jusqu’au tems des Grecs ; ce sont eux qui ont excellé en ce genre, dans la composition, dans la correction du dessein, dans l’expression, dans l’imitation, dans la draperie, en un mot en tout genre. Leur habileté dans la représentation des animaux, est encore supérieure à celle de tous les autres peuples. Ils étoient mieux servis que nous dans leurs modeles, & ils ne faisoient absolument rien sans consulter la nature. Ce que nous disons de leurs ouvrages au sujet de la gravûre en creux, doit également s’appliquer aux pierres gravées en relief, appellées camées ou camayeux. Ces deux genres de gravûre ont toujours chez les Grecs marché d’un pas égal. Les Etrusques ne les ont point