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plus lumineux que le solide, on mêle l’un & l’autre avec des pommades, il les rend lumineuses. On fait aussi un onguent mercuriel lumineux, en unissant une demi-dragme de mercure avec une dissolution de dix grains de phosphore dans deux dragmes d’huile d’aspic. Le phosphore se crystallise dans l’huile où il a été dissous comme le soufre ; les crystaux s’enflamment à l’air, ils perdent cette propriété s’ils sont seulement trempés dans l’esprit-de-vin ; alors exposés à l’air pendant quinze jours, selon les expériences de M. Grosse, ils n’ont pas diminué de poids, ils s’enflamment néanmoins comme le phosphore s’ils sont frottés ou échauffés. Le phosphore se dissout aussi, mais difficilement, dans l’éther, & mieux dans le nitreux que le vitriolique ; il leur communique une foible vertu phosphorique. Le phosphore digéré avec l’esprit-de-vin, il se change en une espece d’huile blanche & transparente qui reste au fond du vase sans le laisser dissoudre ; cette huile ne se coagule qu’à un grand froid, mais lavée plusieurs fois dans l’eau, le phosphore recouvre sa consistance, s’enflamme plus difficilement par la chaleur, ne brille plus dans l’obscurité, & a perdu la couleur jaune ; l’esprit-de-vin qu’on a retiré de dessus cette huile, sent fortement le phosphore, mais a une foible vertu lumineuse, encore ne l’a-t-il que dans l’instant qu’on le mêle avec de l’eau. Le phosphore trituré avec le camphre, le nitre, ou la limaille de fer, donne à ces substances, restant uni avec elles, la propriété phosphorique. La trituration ne les enflamme pas selon Hoffman ; nous assurons néanmoins le contraire avec Vogel au sujet du nitre. Le phosphore est décomposé & dissous par l’alkali fixe, réduit en liqueur à-peu-près comme le soufre ; Vogel a retiré de cette union des sels neutres, qu’il a cru être analogues au tartre vitriolé & au sel marin. L’argent, le fer, le cuivre, & d’autres métaux exposés aux vapeurs du phosphore, ou poussés au feu dans une cornue mêlé avec lui, éprouvent des changemens singuliers qui ont néanmoins quelque rapport avec ce qui arrive à ces mêmes corps traités avec le soufre. Voyez les expériences de Christian Democrite, de Stalh & Junker. Les acides alterent beaucoup le phosphore distillé avec l’acide nitreux ; il y demeure quelque tems indissoluble, mais très-lumineux ; la cornue étant bien échauffée, le mélange déflagre avec éclat & explosion du vaisseau, l’acide vitriolique concentré, jetté seul sur le phosphore ou mêlé avec de l’eau, le réduit en poudre. Dans cette espece de dissolution, il s’éleve beaucoup de vapeurs qui sont lumineuses dans l’obscurité, & la liqueur qui surnage la poudre, garde long-tems la propriété phosphorique. Il est aisé de voir combien peu de propriétés on a encore reconnu à cette matiere ; sa rareté étant diminuée avec la difficulté d’en produire, il y a espérance que l’on étendra les connoissances que l’on a déja acquises. Son acide a aussi des propriétés particulieres sur lesquelles voyez Sel microscomique. Cet article est de M. Willermoz, docteur en Médecine, & démonstrateur royal de Chimie en l’université de Montpellier.

PHOSPHORIES, s. f. pl. (Antiq. greq.) φωσφόρεια, fête chez les Grecs en l’honneur de Phosphorus & de Lucifer. Voyez Potter, archæol. græc. tom. I. p. 436. (D. J.)

PHOSPHORIQUE, colonne, (Archit.) Cette épithete, tirée du grec φωσφόρος ; porte-lumiere, caractérise une colonne creuse à vis, élevée sur un écueil, ou sur le bout d’un mole, pour servir de fanal à un port ; & en général toutes les colonnes qui dans les fêtes, réjouissances, & places publiques, portent des feux & des lanternes, comme autrefois les colonnes groupées de la place des Victoires, à Paris. (D. J.)

PHOSPHORUS, se dit, en Astronomie, de l’étoile

du matin, c’est-à-dire, de la planete de Vénus, quand elle précede le soleil. Voyez Vénus.

Les Latins l’appellent Luciser ; le peuple, en France, la nomme l’étoile du berger ; les Grecs, Phosphorus, qui est composé de φῶς, lumiere, & de φέρω, je porte. Chambers.

PHOTINIENS, s. f. pl. (Hist. ecclés.) secte d’anciens hérétiques qui parurent dans le quatrieme siecle, & qui nioient la divinité de Jesus-Christ. Ils furent ainsi nommés de Photin leur chef, évêque de Sirmich, disciple de Marcel d’Ancyre, & célebre par son savoir & par son éloquence. L’abus qu’il fit de ces talens, le précipita dans l’erreur. Non content de renouveller celles d’Ebion, de Cerinthe, de Sabellius, & de Paul de Samosate, il soutenoit que non seulement Jesus-Christ n’étoit qu’un pur homme, mais encore qu’il n’avoit commencé à être le Christ que quand le Saint-Esprit descendit sur lui dans le Jourdain ; & qu’il est appellé Fils unique par la seule raison que la sainte Vierge n’en eut point d’autre. Il fut d’abord condamné par les évêques d’Orient dans un concile tenu à Antioche en 345, & par ceux d’Occident au concile de Milan, en 346 ou 347 ; & enfin déposé dans un concile tenu à Sirmich en 351. L’hérésie des Photiniens a été renouvellée dans ces derniers tems par Socin. Voyez Socinianisme.

PHOTOSCIATÉRIQUE, adj. terme dont quelques auteurs se servent pour désigner la Gnomonique. Voyez Gnomonique. Ce nom vient de ce que la Gnomonique apprend à déterminer les heures non seulement par l’ombre d’un gnomon, ce qui l’a fait nommer sciatérique, mais quelquefois aussi par la lumiere du soleil, comme dans les cadrans qui marquent l heure par un point lumineux, &c. à-travers lequel passent les rayons du soleil. Ce mot vient de σκιὰ, ombre, & de φῶς, lumiere. Voyez Gnomonique, Cadran, Gnomon, &c. Au-reste le mot de photosciatérique ne s’emploie plus aujourd’hui. Chambers. (O)

PHOXOS, (Léxic. médec.) φοξός est celui qui a le sommet de la tête extrèmement pointu, & par conséquent difforme. Homere nous dépeint Thercite avec une pareille tête. Ce mot φοξός se rencontre deux fois dans le sixieme livre des épidémiques d’Hippocrate.

PHRÆNIAN, (Botan. anc.) nom donné par les anciens botanistes grecs & romains à une sorte d’anémone qu’ils employoient dans les bouquets, les guirlandes & autres semblables ornemens. (D. J.)

PHRASE, s. f. c’est un mot grec francisé, φράσις, locutio ; de φράζω, loquor ; une phrase est une maniere de parler quelconque, & c’est par un abus que l’on doit proscrire que les rudimentaires ont confondu ce mot avec proposition ; en voici la preuve : legi tuas litteras, litteras tuas legi, tuas legi litteras ; c’est toujours la même proposition, parce que c’est toujours l’expression de l’existence intellectuelle du même sujet sous le même attribut : cependant il y a trois phrases différentes, parce que cette même proposition est énoncée en trois manieres différentes.

Aussi les qualités bonnes ou mauvaises de la phrase sont-elles bien différentes de celles de la proposition. Une phrase est bonne ou mauvaise, selon que les mots dont elle résulte sont assemblés, terminés & construits d’après ou contre les regles établies par l’usage de la langue : une proposition au contraire est bonne ou mauvaise, selon qu’elle est conforme ou non aux principes immuables de la morale. Une phrase est correcte ou incorrecte, claire ou obscure, élégante ou commune, simple ou figurée, &c. une proposition est vraie ou fausse, honnête ou deshonnête, juste ou injuste, pieuse ou scandaleuse, &c. si on l’envisage par rapport à la matiere ; & si on l’envisage dans le discours, elle est directe ou indirecte,