Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/488

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

journées de la ville d’Elat ou Ailat, vers l’orient : c’est cette ville qui donnoit le nom au desert de Pharan.

PHARANGIUM, (Géog. anc.) forteresse de la Perse arménienne. Procope, liv. II. chap. xxv. dans son Histoire de la guerre contre les Perses, dit qu’il y avoit des mines d’or aux environs, & que Cavade à qui le roi de Perse en avoit donné la direction, livra le fort de Pharangium aux Romains, à la charge qu’il ne leur donneroit rien de l’or qu’il tiroit des mines. Procope dit plus bas, liv. II. chap. xxix. que le fleuve Boas prend sa source dans le pays des Arméniens qui habitent Pharangium, proche des frontieres des Traniens. (D. J.)

PHARE, s. m. (Littérature.) tour construite à l’entrée des ports ou aux environs, laquelle par le moyen des feux qu’on y tient allumés, servent sur mer à guider pendant la nuit ceux qui approchent des côtes.

Ces tours étoient en usage dès les plus anciens tems. Leschès, auteur de la petite Iliade, qui vivoit en la trentieme olympiade, en mettoit une au promontoire de Sigée, auprès duquel il y avoit une rade où les vaisseaux abordoient. Il y avoit des tours semblables dans le pirée d’Athenes & dans beaucoup d’autres ports de la Grece. Elles étoient d’abord d’une structure fort simple ; mais Ptolomée Philadelphe en fit faire une dans l’île de Pharos, si grande & si magnifique, que quelques-uns l’ont mise parmi les merveilles du monde. Cette tour, élevé l’an 470 de la fondation de Rome, prit bientôt le nom de l’île ; on l’appella le phare, nom qui depuis a été donné à toutes les autres tours servant au même usage. Voici l’histoire des phares d’après un mémoire de dom Bernard de Montfaucon, inseré dans le recueil de Littér. tom. VI.

Les rois d’Egypte joignirent l’île de Pharos à la terre par une chaussée, & par un pont qui alloit de la chaussée à l’île. Elle avoit un promontoire ou une roche contre laquelle les flots de la mer se brisoient. Ce fut sur cette roche que Ptolomée fit bâtir de pierre blanche la tour du phare, ayant plusieurs étages voûtés, à-peu-près comme la tour de Babylone, qui étoit à huit étages, ou plutôt, comme Hérodote s’exprime, à huit tours l’une sur l’autre.

L’extraordinaire hauteur de cette tour faisoit que le feu que l’on allumoit dessus paroissoit comme une lune, c’est ce qui a fait dire à Stace :

Lumina noctivagæ tollit Paros æmula lunæ.

Mais quand on le voyoit de loin, il sembloit plus petit, & avoit la forme d’une étoile assez élevée sur l’horison, ce qui trompoit quelquefois les mariniers, qui croyant voir un de ces astres qui les guidoient pour la navigation, tournoient leurs proues d’un autre côté, & alloient se jetter dans les sables de la Marmarique.

Le géographe de Nubie, auteur qui écrivoit il y a environ 650 ans, parle de la tour du phare comme d’un édifice qui subsistoit encore de son tems ; il l’appelle un candélabre, à cause du feu & de la flamme qui y paroissoit toutes les nuits. Il n’y en a point, dit-il, de semblables dans tout l’univers ; quant à la solidité de sa structure, elle est bâtie de pierres très dures jointes ensemble avec des ligatures de plomb. La hauteur de la tour, poursuit-il, est de trois cens coudées ou de cent statures ; c’est ainsi qu’il s’exprime pour marquer que la tour avoit la taille de cent hommes, en comptant trois coudées pour la taille d’un homme. Selon la description du même auteur, il falloit qu’elle fut fort large en bas, puisqu’il dit qu’on y avoit bâti des maisons. Il ajoute que cette partie d’en bas, qui étoit si large, occupoit la moitié de la hauteur de cette tour ; que l’étage qui étoit au-dessus de la premiere voûte étoit beaucoup plus étroit que le précédent, ensorte qu’il laissoit

une galerie où l’on pouvoit se promener. Il parle plus obscurement des étages supérieurs, & il dit seulement qu’à mesure qu’on monte, les escaliers sont plus courts, & qu’il y a des fenêtres de tous côtés pour éclairer les montées.

Pline dit que ce phare coûta huit cens talens, qui à raison de quatre cens cinquante livres sterlings pour chaque talent, supposé que ce soit monnoie d’Alexandrie, font la somme de trois cens soixante mille livres sterlings. Sostrate Gnidien qui en fut l’architecte, sentant tout le prix de son travail, craignit l’envie & la basse jalousie, de tout tems ennemies du vrai mérite, s’il en faisoit parade & s’il ne l’appuyoit d’une puissante protection. Touché également de l’amour de la gloire & de celui du repos, il voulut concilier l’un avec l’autre. Dans cette vûe il dédia ce phare au roi, par une inscription toute à son avantage ; mais il ne la grava que sur du plâtre, proprement plaqué sur une autre inscription contenant ces mots : Sostrate Gnidien, fils de Dixiphane, a consacré cet ouvrage aux dieux nos conservateurs & au salut des navigateurs. Par cet artifice la premiere dédicace ne subsista guere que pendant la vie du roi, le plâtre se détruisant peu-à-peu, & l’autre parut alors, & a transmis le nom de Sostrate à la postérité. Fischer a représenté le phare de Sostrate dans son Essai d’Architecture historique, planche IX. liv. I.

Le phare d’Alexandrie, qui communiqua son nom à tous les autres, leur servit aussi de modele. Hérodien nous apprend qu’ils étoient tous de la même forme. Voici la description qu’il en donne à l’occasion de ces catafalques qu’on dressoit aux funérailles des empereurs. « Au-dessus du premier quarré il y a un autre étage plus petit, orné de même, & qui a des portes ouvertes ; sur celui-là il y en a un autre, & sur celui-ci encore un autre, c’est-à-dire jusqu’à trois ou quatre, dont les plus hauts sont toujours de moindre enceinte que les plus bas, de sorte que le haut est le plus petit de tous ; tout le catafalque est semblable à ces tours qu’on voit sur les ports & qu’on appelle phares, où l’on met des feux pour éclairer les vaisseaux, & leur donner moyen de se retirer en lieu sûr ».

Il y a eu plusieurs phares en Italie. Pline parle de ceux de Ravenne & de Pouzzol ; Suétone fait aussi mention du phare de l’île Caprée, qu’un tremblement de terre fit tomber peu de jours avant la mort de Tibere. Il ne faut pas douter qu’on n’en ait fait encore bien d’autres.

Denis de Bysance, géographe, cité par Pierre Gilles, fait la description d’un phare célebre situé à l’embouchure du fleuve Chrysorrhoas, qui se dégorgeoit dans le Bosphore de Thrace. Au sommet de la colline, dit-il, au bas de laquelle coule le Chrysorrhoas, on voir la tour Timée d’une hauteur extraordinaire, d’où l’on découvre une grande plage de mer, & que l’on a bâtie pour la sureté de ceux qui navigeoient, en allumant des feux à son sommet pour les guider, ce qui étoit d’autant plus nécessaire que l’un & l’autre bord de cette mer est sans ports, & que les ancres ne sauroient prendre à son fond ; mais les Barbares de la côte allumoient d’autres feux aux endroits les plus élevés des bords de la mer pour tromper les mariniers & profiter de son naufrage, lorsque se guidant par ces faux signaux, ils alloient se briser sur la côte ; à présent, poursuit cet auteur, la tour est à demi ruinée, & l’on n’y met plus de fanal.

Un des plus célebres phares que l’on connoisse, & qui subsistoit encore en 1643, c’est celui de Boulogne sur mer, Bononia, qui s’appelloit aussi autrefois Gessoriacum. Il semble qu’il n’y ait pas lieu de douter que ce ne soit de ce phare dont parle Suétone dans la vie de l’empereur Caïus Caligula qui le fit