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tous les quatre ou cinq ans, est la meilleure pour en retirer de l’utilité ; on peut même le couper plus souvent en menus branchages pendant le mois d’Octobre : on fait sécher ces rameaux avec leurs feuilles, c’est une excellente nourriture pour le bétail pendant l’hiver.

Le bois de peuplier est jaunâtre, souple, assez dur, passablement solide, mais un peu difficile à la fente ; on en peut faire des pieces de charpente pour des bâtimens de peu de conséquence ; on en tire aussi des planches de durée, si on les garantit de l’humidité. Les Sculpteurs l’emploient à défaut du tilleul ; il est aussi de quelqu’usage pour les menuisiers, les Tourneurs, les Sabotiers, &c.

Cet arbre a quelques propriétés qui sont d’usage en Médecine. Les yeux ou les boutons des branches du peuplier, lorsque le mouvement de la seve se fait sentir au printems, se chargent d’une espece de gomme d’une odeur assez agréable ; les bonnes qualités de ce suc visqueux le font entrer dans la composition du baume que l’on nomme populeum, qui est recommandable à plusieurs égards.

Les différentes especes ou variétés de peupliers, sont,

1°. Le peuplier noir ; c’est à cette espece que l’on doit particulierement appliquer tout ce qui a été dit ci-dessus.

2°. Le peuplier noir, que l’on nomme vulgairement l’osier blanc. Il a plu aux gens de la campagne de l’appeller ainsi, parce qu’ils emploient dans les travaux de la vigne les jeunes branches de cet arbre en place de l’osier ; pour cet effet ils l’assujettissent à la tonte comme l’osier, mais il n’est pas si convenable que ce dernier pour l’usage que l’on en fait. Les feuilles de cet arbre sont dentelées plus profondément & ondées sur les bords ; & c’est ce qui sert principalement à le distinguer du peuplier noir ordinaire.

3°. Le peuplier noir de Lombardie ; c’est une très jolie variété nouvellement venue d’Italie, où on en fait grand cas. Sa beauté consiste en ce que ses feuilles, qui ont beaucoup de ressemblance avec celle de l’osier blanc, sont d’un verd brillant très-vif, quoique foncé ; & cette verdure qui est stable, ne s’obscurcit point sur l’arriere saison comme celle des feuilles du peuplier noir ordinaire ; mais un autre agrément plus recommandable, c’est que le peuplier de Lombardie forme naturellement la pyramide bien plus que les autres arbres de son genre, au moyen de ce que ses branches affectent de se rapprocher de la maîtresse tige, ce qui rend cet arbre des plus propres à former des avenues d’une grande & singuliere apparence.

4°. Le peuplier de Canada, autre variété du peuplier noir qui a son mérite. Il prend plus de corps, sa tête est plus garnie de rameaux forts & épais, qui se dirigent plus en dehors que ceux du peuplier noir ordinaire, mais la maîtresse tige ne pointe pas, & l’arbre prend moins d’élévation. Ses jeunes rameaux ont des cannelures, mais dont les arrêtes sont bien moins saillantes que dans le peuplier de la Caroline, dont il sera parlé ci-après ; son écorce est jaunâtre, elle est sujette à contracter promptement beaucoup de gersures très-profondes. Sa feuille est plus grande, plus épaisse, plus obtuse à la pointe, & d’un verd plus clair que celle du peuplier noir ordinaire. Celui de Canada dont il s’agit ici, est encore rare en France : je ne connois pas l’espece mâle ; tous les plants que j’ai de cet arbre sont de l’espece femelle. Le plus gros qui est âgé de 12 ans, a 35 piés de hauteur, sur trois de circonférence : sa tête est aussi ronde que celle d’un tilleul. Il a 18 piés de tige, dont l’écorce est extrèmement & profondement sillonnée ; cependant l’aspect n’en est point désagréable, parce que les ger-

sures se rappellent l’une l’autre en s’adoucissant ; elles

font un compartiment varié, & la couleur jaunâtre est uniforme. Quand l’arbre entre en seve au printems, ses boutons se gonflent & répandent au loin une odeur balsamique extrèmement agréable ; au mois de Juin suivant, on voit tomber les filets qui portent la graine, & qui sont de trois, quatre & cinq pouces de longueur ; mais ce qu’ils ont de remarquable, c’est que chaque loge qui contient ou doit contenir les graines, est remplie d’un duvet plus soyeux que le coton, & tout aussi blanc, qui se tient rassemblé autour des filets. L’arbre en produit une si grande quantité, que la terre en est couverte au pié de l’arbre lorsqu’ils sont tombés. Peut-être pourra-t-on trouver moyen d’employer cette matiere dans les arts. Par la comparaison qui a été faite de grosses branches de neuf pouces de tour que l’on a coupées de cet arbre, avec des branches de pareille force de peuplier noir & de tremble, il paroît que le bois du peuplier de Canada tient le milieu entre celui du peuplier noir & du tremble, pour la couleur & la consistance. Cet arbre seroit très-propre à former des avenues : il a plus de soutien que le peuplier noir ; il est de plus belle apparence, & il est tout aussi robuste. Il se plaît dans un terrein frais & humide ; mais ceux que l’on avoit plantés dans un terrein sec & élevé, y ont bientôt dépéri, & sont morts enfin.

5°. Le peuplier noir odorant, le tacamahaca, le baumier ; cet arbre est originaire de la Caroline, où il ne se trouve que le long des rivieres : il y devient fort élevé, & il étend considérablement ses branches ; mais il s’en faut bien que ce peuplier fasse de tels progrès en Europe. M. Miller, auteur anglois, assure que les plus grands arbres de cette espece que l’on ait vu en Angleterre, n’avoient que 15 ou 16 piés de hauteur ; & on n’en a point encore vû en France qui aient atteint cette élévation. Ce peuplier fait une tige assez droite, & il affecte de diriger ses branches en-dehors. L’écorce des jeunes rameaux est d’une couleur rousse très-obscure ; ses boutons sont fort gros, & toujours remplis d’une gomme jaune, épaisse & balsamique, dont l’odeur, quoique très-forte, n’est point désagréable ; mais cette gomme est plus abondante quand l’arbre entre en seve, & elle regorge à l’insertion des feuilles dans les tendres rejettons : alors elle est plus liquide, & d’une odeur plus pénétrante. Ses feuilles paroissent de bonne heure au printems, & dès la fin de Février ; dans ce tems elles sont d’un jaune vif qui se change en un verd clair, puis en un verd brun & terne. Le dessous de la feuille est d’un blanc sale, mat & un peu jaunâtre ; elle est grande, figurée en cœur, légerement dentelée & pointue. Je n’ai encore vu que les chatons de l’arbre mâle de cette espece de peuplier ; ils paroissent en même tems que les feuilles ; ils sont plus gros & plus longs que ceux du peuplier noir ordinaire, & d’un rouge plus apparent. Cet arbre veut absolument un terrein humide, sans quoi il languit : il est sujet à pousser des rejettons sur ses racines, qui peuvent servir à le multiplier ; mais il est plus court de le faire venir de boutures, qui réussissent fort bien quand on les fait de bonne heure dans un endroit abrité, c’est-à-dire dès le mois de Novembre. Au lieu que si on les fait à la fin de l’hiver, le succès en est bien moins assuré. On peut encore l’élever de branches couchées, mais il ne réussit pas à la greffe sur le peuplier noir ; car en ayant fait faire plusieurs écussons à la pousse sur des sujets de cette espece, ces écussons reprirent & pousserent bien pendant l’année, mais au printems suivant tous les sujets se trouverent morts & desséchés. Ceci sert à prouver qu’il ne suffit pas pour le succès de la greffe, que les parties solides & configurantes du sujet & de la greffe se correspondent, & qu’il faut encore de l’analogie entre les sucs séveux de l’un &