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mons, les figues, les noix, les baies de genievre, les cubebes, le cardamome, le cloux de gérofle, la noix muscade, le macis, les sucs & les gommes ; le camphre, la myrrhe, le styrax, le baume de Judée ; les parties des animaux, les chairs de vipere, l’ivoire, les cornes de licorne, de rhinoceros & de cerf ; les sels volatils, leur fiel ; les fragmens prétieux ; les perles, la pierre de bézoard, la pierre de porc-épic ; les terrés ; le bol d’Arménie, la terre sigillée, le soufre blanc & l’antimoine.

Les remedes internes composés sont ; la thériaque d’Andromaque, la thériaque céleste, le mithridate de Damocrate, le diacordium de Fracastor, les confections d’alkermès & d’hyacinthe, l’orviétan, les eaux thériacales, le vinaigre thériacal, les teintures & les elixirs alexipharmaques.

Il y en a mille autres auxquels on a donné des noms pompeux ; mais on sait par plusieurs raisons & par une infinité d’observations, que tous ces remedes au lieu de faire du bien, trompent ceux qui s’y fient, nuisent souvent, & prêtent de nouvelles forces au venin pestilentiel. Voyez Alexipharmaque.

Les alexipharmaques externes sont ceux, qui appliqués extérieurement, passent pour être propres à détruire le venin, ou à l’éloigner de nos corps ; il y en a d’artificiels qui sont purement superstitieux ; ils sont chargés de caracteres, de figures, de signes de mois ; ce sont des productions de l’ignorance & de la superstition, qui doivent être rejettées par tout homme de bon sens. Il y en a qui sont de vrais poisons, comme l’arsenic, le réalgal, l’orpiment, les crapaux, les araignées ; si ces choses ne font point de mal, elles sont au-moins inutiles, comme l’expérience l’a fait voir souvent.

A quoi donc, dira-t-on, faut-il recourir ? De tous les remedes, suivant la these de M. Geoffroi, il n’y en a point de meilleur & de plus sûr que l’eau en boisson ; c’est elle seule qui peut ramollir les fibres nerveuses, quand elles sont trop roides & trop crispées, détruire l’éréthisme des solides, délayer les humeurs trop épaisses, atténuer celles qui sont trop grossieres, adoucir leur âcreté, empêcher leur corruption, modérer ou même totalement arrêter la violence du venin pestilentiel, lorsqu’il est une fois glissé dans nos corps : d’ailleurs on n’a pas sujet d’en appréhender le moindre mal ; c’est ce que le savant autour déjà cité, démontre en détail, & d’une maniere qui me paroît sans réplique.

La peste peut se regarder comme une espece de fievre, & être traitée de même ; dès-lors on combinera les indications de la fievre avec celles de la contagion ; & d’ailleurs si on lit les auteurs qui ont écrit après avoir traité des pestiferés, tels qu’Hildanus Caldera, Heredia, & Thonerus ; on verra que les cordiaux trop chauds ont fait périr plusieurs personnes. Les cordiaux sont donc dangereux & ne sont pas l’unique ni le vrai remede & antidote de la peste, non plus que des autres maladies, où il y a un grand abattement.

Celse dit que les maladies pestilentielles demandent une attention particuliere ; puisque dans ces cas la diete, les clysteres & la purgation, ne sont d’aucune utilité ; mais la saignée est très-salutaire, lorsque les forces le permettent, sur-tout lorsque la maladie est accompagnée de douleurs de fievre violente.

Riviere, & après lui de grands praticiens, recommandent la saignée faite à petite dose : ce remede est fort contredit par le grand nombre des praticiens ; & d’ailleurs il a eu souvent de mauvais succès ; on a vu des malades périr dans la saignée. Cependant on peut dire que la saignée indiquée par une roideur, une force, & une grandeur dans le pouls, par une chaleur & une soif extraordinaire, & par les autres si-

gnes inflammatoires, sera faite très-sagement, & alors

pour en éviter les inconvéniens qui sont d’augmenter l’abattement, on auroit soin de la modérer, d’en arrêter ou empêcher les mauvais effets. On saignera peu à la fois, & on réiterera la saignée tout au plus une fois ; on la soutiendra par des cordiaux.

Les praticiens célebres conseillent la purgation ; ce qui est encore fort contesté : d’abord il répugne de purger dans l’abattement & dans la foiblesse ; d’ailleurs les bubons & les charbons marquent que le venin cherche à sortir, & le public pense que les saignées & les purgatifs les font rentrer. Nous observerons seulement sans décider ces questions, que la pourriture des premieres voies, aide les progrès de la peste ; & qu’ainsi les purgatifs en la nettoyant seront un grand bien, & préviendront les ravages qu’elle attire ; ils emporteront les aigreurs des premieres voies, & par-là la pestilence fera moins d’effet.

Mais l’effet des purgatifs étant d’abattre les forces, d’augmenter les douleurs cardialgiques, de détourner les humeurs de la circonférence au centre, que n’en doit-on pas attendre pour la rentrée des bubons, des charbons, & des exanthèmes ; ces derniers demandent l’administration des cordiaux, & l’indication des purgatifs les contre-indique : c’est au médecin sage à concilier les indications & les contre-indications dans cette fâcheuse perplexité.

Les purgatifs seront l’émétique ordinaire, l’essence émétique, les potions purgatives ordinaires. Voyez Purgatif, & Potion

Les cordiaux seront simples ou composés : les simples sont tous ceux que nous avons détaillés ci-dessus : les composés sont les confections alexitaires, les teintures, tels que la teinture d’or mêlée dans six onces d’eau de scorsonnere, le syrop de contrayerva, les pilules anti-pestilentielles, les sudorifiques antipestilentiels, les décoctions sudorifiques alexitaires. Voyez tous ces articles.

Potion cordiale contre la peste. Prenez des eaux thériacale simple, de sureau, de scabieuse, de chacune deux onces ; de confection d’alkermès, un gros ; de fiel de porc préparé, un demi-gros ; de l’essence émétique & du lilium de Paracelse, de chaque trente gouttes ; de syrop de contrayerva, trois onces.

Cette potion se donnera par cuillerée à chaque demi-heure ; on retranchera l’émétique dans les potions réitérées.

Autre potion cordiale. Prenez des eaux de chardon béni, d’angélique, de mélisse simple, & thériaque composée, de chaque une once & demie ; de teinture d’or & d’élixir de propriété, de chaque un scrupule ; de syrop d’œillet, une once & demie : faites une potion que l’on réitérera selon le besoin.

Le régime doit être humectant, doux, & légerement cordial & acide ; on peut ordonner pour boisson la limonnade avec le syrop de contrayerva, ou un autre pareil. Voyez Syrop de Contra-yerva.

Narcotiques. Nous ne pouvons nous dispenser ici de faire une observation sur les narcotiques préparés avec l’opium ou le pavot blanc ; ils sont contraires par eux-mêmes à la cause générale de la peste, qui est la coagulation du sang ; cependant il est des cas où ils peuvent être indiqués ; alors on doit en user avec toute la sagesse possible. Voyez Opium & Narcotiques.

Cela dépend de l’inspection d’un habile médecin, de même que tout le traitement de la peste.

On doit conclure de tout ce qui a été dit sur la peste, que cette maladie nous est totalement inconnue quant à ses causes & son traitement ; que la seule expérience ne nous a que trop instruit de ses funestes effets.