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Balthasar Perruzzi les a perfectionnées ; Guido Ubaldi, en 1600, étendit & simplifia la théorie de cette science ; après lui une foule d’auteurs y ont travaillé, entre lesquels nous nommerons le P. Deschales, le P. Lamy, & sur-tout l’essai de Perspective de M. Gravesande, & celui du savant Taylor, les deux meilleurs ouvrages que nous ayons sur cette matiere. Voyez l’hist. des Mathémat. de M. Montucla, tome I. p. 632.

La perspective s’appelle plus particulierement perspective linéaire, à cause qu’elle considere la position, la grandeur, la forme, &c. des différentes lignes, ou des contours des objets ; elle est une branche des Mathématiques : quelques-uns en font une partie de l’Optique, & les autres en font simplement une science dérivée de l’Optique ; ses opérations sont toutes géométriques. Voyez Optique.

Pour en donner une idée plus précise, supposons un plan transparent HI, Pl. perspect. fig. 1, élevé perpendiculairement sur un plan horisontal, & que le spectateur S dirige son œil O au triangle ABC ; si l’on conçoit présentement que les rayons AO, OB, OC, &c. en passant par le tableau HI laissent des traces de leur passage aux points abc sur le plan, on aura sur ce plan l’apparence du triangle abc, laquelle venant à l’œil par les mêmes rayons ao, bo, co, qui apportent à ce même œil l’apparence du triangle ABC, fera voir la véritable apparence de ce triangle sur le tableau, quand même on supprimeroit l’objet, en conservant néanmoins la même distance & la même hauteur de l’œil. Voyez Vision, &c.

On enseigne donc dans la perspective des regles sûres & infaillibles, pour trouver géométriquement les points a, b, c, &c. & par conséquent l’on y donne la méthode de dessiner très-exactement un objet quelconque, puisqu’il ne s’agit pour dessiner un objet que d’en tracer exactement le contour. Voyez Dessein.

Avant que d’entrer dans un plus grand détail, il est à-propos de savoir qu’on appelle plan géométral un plan parallele à l’horison, sur lequel est situé l’objet qu’on veut mettre en perspective ; plan horisontal, un plan aussi parallele à l’horison, & passant par l’œil ; ligne de terre ou fondamentale, la section du plan géométral & du tableau ; ligne horisontale, la section du plan horisontal & du tableau ; point de vûe ou point principal, le point du tableau sur lequel tombe une perpendiculaire menée de l’œil ; ligne distante, la distance de l’œil à ce point, &c.

Par cette seule idée que nous venons de donner de la perspective linéaire, il est aisé de juger combien elle est nécessaire à la Peinture, & combien par conséquent il est essentiel de savoir les regles de la perspective pour exceller dans le dessein. Un tableau n’est autre chose que la perspective d’une multitude d’objets revêtus de leurs couleurs naturelles. On ne sauroit donc trop recommander aux Peintres de s’appliquer à la Perspective ; car les fautes grossieres qu’on remarque souvent dans des tableaux d’ailleurs très-beaux, sont souvent la suite de l’ignorance où étoit l’artiste sur les regles de la Perfective. Le P. Bernard Lamy de l’Oratoire, auteur de différens ouvrages élémentaires de Mathématique, a fait un traité de Perspective, où il s’étend beaucoup sur la nécessité indispensable d’en connoître les regles pour exceller dans l’art de la Peinture. De plus, en apprenant ces regles, le peintre ne doit pas se borner à une pratique aveugle ; il est bon qu’il en apprenne aussi les démonstrations, & qu’il se les rende familieres pour être en état de se guider sûrement lorsqu’il aura des perspectives singulieres à représenter.

1o . L’apparence d’une ligne droite est toujours une ligne droite ; ainsi les deux extrémités de l’apparence de cette ligne étant données, l’apparence de

toute la ligne est donnée. 2o . Si une ligne FG, placée dans le tableau qu’on suppose vertical, fig. 12, est perpendiculaire à quelque ligne droite NI, tirée sur le plan horisontal, elle sera perpendiculaire à toute autre ligne droite tirée par le même point sur le même plan. 3o . La hauteur du point apparent sur le plan est à la hauteur de l’œil, comme la distance du point objectif au plan, est à la somme de cette distance & de la distance de l’œil au tableau.

Lois de la projection des figures planes, ou l’Ichnographie perspective. Représenter l’apparence perspective h d’un point objectif H, fig. 2. du point donné, tirez HI perpendiculairement à la ligne fondamentale DE, c’est-à-dire à la ligne de base du tableau ; de la ligne fondamentale DE retranchez IK=IH : par le point de vûe F, c’est-à-dire par le point où tombe la perpendiculaire menée de l’œil O au tableau, tirez une ligne horisontale FP : faites FP égale à la distance SL de l’œil ; enfin du point I au point de vûe F tirez FI, & du point K au point de distance P la ligne PK. L’intersection h est l’apparence du point objectif.

En effet, 1o  il est facile de voir que l’apparence du point H doit être dans la ligne FI, puisque cette ligne FI est la section du plan OHI, avec le plan du tableau. 2o . Si on tire par les points NS & H la ligne HMS, on aura à cause des triangles semblables, FP ou SL est à KI ou HI, comme Nh est à hM ; par conséquent SM est à MH, comme Nh est à hM ; d’où il s’ensuit que SH est à MH, comme la somme de Nh & de hM, c’est-à-dire NM est à hM, donc VH : IH ∷ FI : hI ; d’où l’on voit que les points O, h, H, sont dans la même ligne, & qu’ainsi h est l’apparence ou l’image de l’objet H.

C’est pourquoi, 1o . puisque l’apparence des extrémités d’une ligne droite étant donnée, l’apparence de toute la ligne est donnée, on peut avoir par cette méthode la projection ichnographique d’une figure quelconque rectiligne. 2o . Puisque l’on peut avoir par ce moyen la projection d’un nombre quelconque des points d’une courbe sur le plan du tableau ; on peut avoir pareillement la projection des lignes courbes, en suivant la même méthode. 3o . Ainsi en quoi cette méthode s’étend aux figures mixtilignes ; elle est par conséquent universelle. A la vérité d’autres auteurs ont donné d’autres méthodes, mais celle-ci est la plus usitée ; pour en concevoir tout l’avantage, il est bon de l’éclaircir par quelques exemples.

Trouver l’apparence perspective d’un triangle ABC fig. 3. n. 2. dont la base AB est parallele à la ligne fondamentale DE.

A la ligne fondamentale DE tirez une parallele HR à un intervalle égal à la hauteur de l’œil. Prenez le point de vûe ou un point principal V ; portez la distance de l’œil du point V au point K : des différens angles du triangle ACB abaissez les perpendiculaires A1, C2, B3 ; transportez ces perpendiculaires sur la ligne de terre ou fondamentale DE de l’autre côté du point de distance K. Des points 1, 2, 3, tirez des lignes droites au point fondamental ou principal V1, V2, V3. Des points A, B, C, de la ligne fondamentale DE, tirez au point de distance ces autres lignes droites AK, BK, CK.

Par la construction précédente les points a, b, c, sont les apparences des points A, B, C, donc ayant tiré les lignes droites ca, ab, bc, acb sera l’apparence du triangle ACB.

On fait de même la projection d’un triangle sur un plan, quand le sommet C est opposé à l’œil ; il n’est besoin que de changer la situation du triangle sur le plan géométral, & de tourner le sommet C vers la ligne de terre ED.

Représenter l’apparence perspective d’un quarré A BDC vû obliquement (figure 4.) & dont un des