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feu sacré qui brûloit sur ses autels. Le temple principal de la Diane persique étoit à Zéla. (D. J.)

Persique, ordre, (Architect.) Les Architectes caractérisent ainsi un ordre qui a des figures d’esclaves persans au lieu de colonnes, pour porter un entablement. Voici l’origine de cet ordre. Pausanias ayant défait les Persans, les Lacédémoniens pour signaler leur victoire, érigerent des trophées avec les armes de leurs ennemis, & ils y représenterent des persans sous la figure d’esclaves qui soutenoient leurs portiques, leurs arches, leurs cloisons, &c. (D. J.)

PERSISTER, (Gramm.) c’est demeurer ferme, garder constamment le même état d’ame, d’esprit & de corps. On persiste dans le repos, dans le mouvement, dans la foi, dans l’incrédulité, dans le vice, dans la vertu, dans son amitié, dans ses haines, dans son sentiment, & même dans son incertitude, quoique le mot de persister marque de la constance, que celui d’incertitude marque de la vacillation ; dans son refus, dans ses bontés, dans sa déposition, à affirmer, à nier, &c.

PERSONNAGE, s. m. (Gramm.) il est synonyme à homme, mais toujours avec une idée accessoire favorable ou défavorable, énoncée ou sous-entendue. C’est un personnage de l’antiquité. Il se croit un personnage. C’est un sot personnage. Avez-vous vû le personnage ?

Personnage se dit encore du rôle qu’on fait sur la scene ou dans le monde. Il fit dans cette occasion un assez mauvais personnage. Le principal personnage fut mal joué dans cette tragédie. Il est presque impossible à un méchant de faire long-tems sans se démentir le rôle ou le personnage d’homme de bien : il vient un moment critique qui leve le masque & montre la chose. Le masque étoit beau, mais dessous la chose étoit hideuse.

Personnage allégorique, (Poésie.) c’est tout être inanimé que la Poésie personnifie. Les personnages allégoriques que la Poésie emploie, sont de deux especes ; il y en a de parfaits, & d’autres que nous appellons imparfaits.

Les personnages parfaits sont ceux que la Poésie crée entierement, auxquels elle donne un corps & une ame, & qu’elle rend capables de toutes les actions & de tous les sentimens des hommes. C’est ainsi que les Poëtes ont personnifié dans leurs vers la Victoire, la Sagesse, la Gloire, en un mot tout ce que les Peintres ont personnifié dans leurs tableaux.

Les personnages allégoriques imparfaits sont les êtres qui existent déja réellement, auxquels la Poésie donne la faculté de penser & de parler qu’ils n’ont pas, mais sans leur prêter une existence parfaite, & sans leur donner un être tel que le nôtre. Ainsi la Poésie fait des personnages allégoriques imparfaits, quand elle prête des sentimens aux bois, aux fleuves, en un mot quand elle fait parler & penser tous les êtres inanimés, ou quand élevant les animaux au-dessus de leur sphere, elle leur prête plus de raison qu’ils n’en ont, & la voix articulée qui leur manque.

Ces derniers personnages allégoriques sont le plus grand ornement de la Poésie, qui n’est jamais si pompeuse que lorsqu’elle anime & qu’elle fait parler toute la nature : c’est en quoi consiste la beauté du pseaume in exitu Israël de Egypto, & de quelques autres. Mais ces personnages imparfaits ne sont point propres à jouer un rôle dans l’action d’un poëme, à-moins que cette action ne soit celle d’un apologue. Ils peuvent seulement, comme spectateurs, prendre part aux actions des autres personnages, ainsi que les chœurs prenoient part aux tragédies des anciens.

Les personnages allégoriques ne doivent pas jouer un des rôles principaux d’une action, mais ils y peuvent seulement intervenir, soit comme des attributs des personnages principaux, soit pour exprimer plus

noblement, par le secours de la fiction, ce qui paroîtroit trivial s’il étoit dit simplement. Voilà pourquoi Virgile personnifie la Renommée dans l’Enéïde.

Quant aux actions allégoriques, elles n’entrent guere avec succès que dans les fables & autres ouvrages destinés à instruire l’esprit en le divertissant. Les conversations que les fables supposent entre les animaux, sont des actions allégoriques, mais ces actions allégoriques ne sont point un sujet propre pour le poëme dramatique, dont le but est de nous toucher par l’imitation des passions humaines : ce pié-d’estal, dit l’abbé du Bos, n’est point fait pour la statue. (D. J.)

Personnage allégorique, (Peinture.) Les personnages allégoriques sont des êtres qui n’existent point, mais que l’imagination des Peintres a conçus, & qu’elle a enfantés en leur donnant un nom, un corps & des attributs. C’est ainsi que les Peintres ont personnifié les vertus, les vices, les royaumes, les provinces, les villes, les saisons, les passions, les vents & les fleuves. La France représentée sous une figure de femme, le Tibre sous une figure d’homme couché, & la Calomnie sous une figure de satyre, sont des personnages allégoriques.

Ces personnages allégoriques sont de deux especes : les uns sont nés depuis plusieurs années ; depuis long-tems ils ont fait fortune. Ils se sont montrés sur tant de théâtres, que tout homme un peu lettré les reconnoît d’abord à leurs attributs. La France représentée par une femme la couronne fermée en tête, le sceptre à la main, & couverte d’un manteau bleu semé de fleurs-de-lis d’or ; le Tibre représenté par une figure d’homme couché, ayant à ses piés une louve qui allaite deux enfans, sont des personnages allégoriques inventés depuis long-tems, & que le monde reconnoît pour ce qu’ils sont : ils ont acquis, pour ainsi dire, le droit de bourgeoisie par le genre humain.

Les personnages allégoriques modernes sont ceux que les Peintres ont inventés depuis peu, & qu’ils inventent encore pour exprimer leurs idées ; ils les caractérisent à leur mode, & ils leur donnent les attributs qu’ils croient les plus propres à les faire reconnoître : ce sont des chiffres dont personne n’a la clé, que peu de gens cherchent, & qu’on méprise. Ainsi je ne parlerai que des personnages allégoriques de la premiere espece, c’est-à-dire des anciens, & je remarquerai d’abord que les peintres qui passent aujourd’hui pour avoir été les plus grands poëtes en peinture, ne sont pas ceux qui ont mis au monde le plus grand nombre de personnages allégoriques. Il est vrai que Raphaël en a produit de cette espece ; mais ce peintre si sage ne les emploie que dans les ornemens qui servent de bordure ou de soutien à ses tableaux dans l’appartement de la signature. Il a même pris la précaution d’écrire le nom de ces personnages allégoriques sous leur figure.

Le sentiment des gens habiles est que les personnages allégoriques n’y doivent être introduits qu’avec une grande discrétion, puisque ces compositions sont destinées à représenter un évenement arrivé réellement, & dépeint comme on croit qu’il est arrivé ; ils n’y doivent même entrer dans les occasions où l’on peut les introduire, que comme l’écu des armes ont les attributs des personnages principaux, qui sont des personnages historiques. C’est ainsi qu’Harpocrate, le dieu du silence, ou Minerve, peuvent être placés à côté d’un prince, pour désigner sa discrétion & sa prudence. Je ne pense pas que les personnages allégoriques y doivent être eux-mêmes des acteurs principaux : des personnages que nous connoissons pour des phantômes imaginés à plaisir, à qui nous ne saurions prêter des passions pareilles aux nôtres, ne peuvent pas nous intéresser beaucoup à ce qui leur arrive. D’ailleurs la vraissemblance ne peut être observée