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pas à propos qu’il y ait du crêpé. Dans les premiers tems, on faisoit les perruques à devans hauts, garnis, gonflés, & longue suite, comme nous avons dit ci-devant : elles étoient si longues, qu’elles alloient jusqu’au 18 ou 20, & on les portoit en-devant. Pour peu qu’un homme eût le visage maigre, il en étoit si offusqué qu’à peine lui voyoit-on le visage. Ces longues perruques étoient faites en pointe, & se terminoient par un boudin.

Pour la préparation, il faut prendre des cheveux crêpés, comme nous l’avons dit. L’ouvrier a devant lui une regle, sur laquelle sont marqués les étages ; il commence par les plus longs. Supposé que l’on fasse un préparage de perruque nouée sur le 11 ou le 12, l’on commence par les longs ; on prend 5 ou 6 des petits paquets que l’on met juste au 12. Il est à propos pour le bas de la nouure de mêler du 11 dans le 12, pour qu’il se trouve épointée, & faire ainsi la même chose à tous les paquets jusqu’à l’1, qui est le plus court.

Si c’est une perruque grisaille que l’on prépare, que les paquets ne soient pas tous d’une même longueur, & qu’il s’en trouve quelques-uns de plus noir, on y mêle un petit paquet blanc. S’il y en avoit de trop blanc, on y en ajouteroit de plus gris ou même de noir.

Après avoir bien mêlé & remêlé tous les paquets, il faut les remettre les uns après les autres dans les cardes, les tirer bien quarrés, les nouer ferme avec du fil, & faire la même chose à tous. Ensuite on coupe des bandes de papier blanc un peu fort ; elles doivent être plus larges pour les paquets longs que pour les courts, autrement la frisure seroit gênée. Après avoir roulé un ou deux fois les bandes de papier sur le fil qui attache les paquets & renoué la papillote, or les numerote depuis l’1, jusqu’au plus long. Ces numeros empêchent que l’on ne se trompe en tressant. Ensuite on les remet en boucle : l’on prend un des bâtons du métier dont nous avons parlé. On a de la soie de Grenade, qu’autrefois l’on choississoit violette, & une carte à jouer que l’on coupe en long en deux parties. L’on fait un petit trou à l’un des bouts, l’on y attache la soie que l’on roule sur la carte aux environs de cinq ou six aunes ; on répete cela six fois ; quand on en a disposé trois, ce qui suffit pour tresser un des côtés : l’on ne fait point toucher la quatrieme aux autres : entr’elle & la troisieme, pour ne se point embarrasser en travaillant, on laisse l’intervalle d’un doigt. L’on arrange ainsi six cartes, quoiqu’il n’en faille que trois pour tresser un côté de la perruque. Mais pour avoir plus égalité, on tresse une hoche de chaque paquet, jusqu’à la fin de chaque rang. En s’y prenant ainsi, les deux côtés de la perruque se trouvent exécutés en même tems & également ; à la fin de chaque rang, on les met en boucles, l’un devant soi & l’autre à côté.

Les six soies étant arrangées dans l’ordre que nous venons de dire, il faut avoir à l’autre bâton pareil un petit clou d’épingle attaché à-peu-près à un demi-pié du bas du bâton, & le courber, & faire un nœud de tisseran aux six soies que l’on passe dans la pointe du clou. Nous avons dit plus haut que l’on plaçoit les deux bâtons dans les trous d’une barre de bois ; mais cela ne se pratique guere. L’on fait deux trous sur la table, & l’on y plante les bâtons : cette maniere est plus commode ; on n’est point obligé de tenir une barre sur ses genoux, & lorsqu’on tresse, les bâtons toujours tendus ne sont point sujets à se déranger : cependant si la table étoit entierement occupée, un ouvrier avec une barre pourroit tresser séparément sans être gêné. Après avoir mis les bâtons dans les trous & avoir attaché les six soies, comme nous avons dit, il faut les tendre également en tournant la carte sur le bâton entre le pouce & le premier

doigt ; & en faisant sonner les soies avec les doigts, comme lorsqu’on accorde un instrument, on s’assure qu’elles sont tendues également. Nous expliquerons plus bas la maniere de tresser.

Autrefois les ouvriers prenoient la mesure à peu près sur la tête qu’ils croyoient propre avant de faire la monture ; aujourd’hui que l’on opere plus justement & plus finement, on fait les montures de tête avant que de prendre la mesure.

Les montures faites, voici comment l’on prend la mesure d’une tête. L’on a une bande de papier gris ou blanc un peu fort, on la coupe un peu en pointe d’un côté pour y distinguer un bout qu’on appelle le commencement. Quand une personne a les cheveux bien plantés, c’est-à-dire qu’ils ne sont ni trop hauts ni trop bas ; il faut prendre depuis la racine du toupet jusques dans la fossete du col, & faire avec des ciseaux une hoche à la mesure, comme font les tailleurs ; ensuite on passe les bouts de la mesure sur le bord d’une tempe en l’étendant sur le derriere de la tête jusqu’à l’autre tempe, ensuite il faut avoir le tour, & pour cet effet saisir la mesure par les deux bouts & en placer le milieu dans la fossette du col, rapprocher les bouts en devant, passer sur les oreilles, & remonter jusqu’à l’extrémité des cheveux sur le front. Si la monture est à oreilles, il faut passer au-dessus d’une oreille, s’avancer par-dessus la tête jusqu’à l’autre oreille, & toujours observer de faire des hoches pour reconnoître les points. Si la tête dont on prend mesure est bien proportionnée, la hauteur de l’oreille fait la profondeur du devant au derriere : toutes les dimensions prises, il faut écrire sur chaque hoche le point que l’on vient de prendre, comme la profondeur du devant en derriere, d’une tempe à l’autre, au tour de l’oreille & autour de la tête ; il faut ensuite avoir du ruban que l’on appelle ruban de tour fil & soie, ou tour de soie, mais le premier vaut mieux. On les employe de deux couleurs, rose & gris de maure ; la largeur du ruban peut être d’un pouce & demi, il y en a de deux ou trois lignes au-dessus comme au-dessous ; pour que le ruban soit bon, il faut qu’il soit bien frappe & que la litiere soit bonne de chaque côté, afin qu’en y passant l’éguille avec le fil elle ne casse pas : une mouture de perruque en prend une demi-aune & demi-quart. Si la monture est pleine & fermée on en replie un peu de chaque bout qu’on cout jusqu’aux trois quarts de la largeur ; ensuite l’on prend exactement le milieu d’un des remplis à l’autre, & on le marque d’un trait fait avec de l’encre ; on a des clous d’épingle ni trop gros ni trop petits, on place le trait que l’on a fait avec de l’encre sur le ruban dans la raie qui se trouve sur les têtes à monter. Cette raie en marque exactement le milieu, on y fixe le ruban par un clou fiché sur le devant, & puis par un second fiché sur le derriere ; si l’on veut faire une pointe au front, il faut prendre un autre clou, le ficher sur le ruban à la distance de trois lignes de celui du milieu, & relever le ruban un peu de chaque côté ; la pointe pour la grandeur d’un front bien fait est ordinairement, tout bien compassé, de cinq pouces & demi ou six pouces, par conséquent si on la fait de 6 pouces il faut observer de renverser le ruban, ou de l’échancrer de trois pouces de chaque côté, puis l’arrêter par un clou ou deux de chaque côté, qui le maintienne également ; cela ne doit être pratiqué qu’après l’avoir bien compassé également, car la premiere chose qui saute à la vue c’est son inégalité, la perruque en paroît de travers. Ensuite à l’endroit de la couture on place deux autres clous sur la raie également en observant que si la personne a un cou gras & court, il faut les placer plus haut pour que le derriere releve, & que si la personne est maigre & a le col long, il faut pratiquer le contraire. Cela fait,