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le roi vient revêtu de son manteau royal & la couronne sur la tête ; alors le secrétaire du parlement lit en sa présence le titre de chaque bill, & à mesure qu’il lit, le secrétaire de la couronne prononce le consentement ou le refus du roi.

Si c’est un bill public, le consentement du roi est exprimé en ces termes, le roi le veut ; si c’est un bill particulier, soit fait comme il est desiré : si le roi refuse le bill, la réponse est, le roi s’avisera ; si c’est un bill de subsides, le secrétaire répond, le roi remercie ses loyaux sujets, accepte leur bénévolence, & aussi le veut.

Le bill pour le pardon général accordé par le roi n’est lu qu’une fois.

Il faut encore remarquer que pour la passation d’un bill, le contentement des chevaliers, citoyens & bourgeois doit être fait en personne, au lieu que les seigneurs peuvent voter par procureur ; la raison de cette différence est que les barons sont censés siéger en parlement de droit en qualité de pairs de la cour du roi, pares curtis ; comme il leur étoit permis de servir dans les guerres par procureur, de même ils ont droit d’établir leur procureur en parlement ; mais les chevaliers venant seulement en parlement, comme représentant les barons minors ; & les citoyens & bourgeois, comme représentant les gens de leur cité & bourg, ils ne pouvoient pas constituer des procureurs, parce qu’ils n’y sont eux-mêmes que comme procureurs, & représentans d’autrui.

Quarante membres suffisent pour former la chambre des communes, & huit pour former un comité. Ces membres de quarante & de huit devroient, pour le bien public, être au-moins porté au quadruple chacun, dans un corps composé de plus de 500 députés ; il conviendroit de ne permettre qu’à peu de gens de s’absenter, même dans les débats de particuliers, parce qu’alors les brigues seroient moins faciles, & la discussion de toutes affaires seroit plus mûrement pesée.

Un membre des communes en parlant est de bout, découvert, & adresse son discours à l’orateur seul. Si un autre membre répond à son discours, le premier n’est point admis à repliquer le même jour, à moins que cela ne le regarde personnellement. La même personne ne peut parler qu’une fois le même jour sur le même bill.

Dans la chambre des pairs les membres donnent leurs suffrages, en commençant par le baron le plus jeune & le moins qualifié, & en continuant ainsi par ordre jusqu’au plus élevé ; chacun répond à son rang, ou pour approuver ou pour désapprouver.

Dans la chambre des communes, on donne les suffrages par oui & non ; & quand on doute quel est le plus grand nombre, la chambre se partage : s’il s’agit de faire recevoir quelque chose dans la chambre, ceux qui sont pour l’affirmative sortent ; si c’est quelque chose que la chambre ait déja vu, ceux qui vont pour la négative sortent.

Dans toute division le président nomme quatre orateurs, deux de chaque opinion. Dans un comité de la chambre entiere, elle se partage en changeant de côté, ceux qui consentent, prenant le côté droit de la chaire, & ceux qui refusent, prenant le côté gauche, & alors il n’y a que deux orateurs.

Le nombre des membres dans la chambre des pairs n’est pas déterminé, parce qu’il augmente selon le bon plaisir de S. M. Les membres de la chambre des communes, quand elle est complette, sont au nombre de 553 ; savoir, 92 chevaliers ou gouverneurs de provinces ; 52 députés pour les 25 villes, Londres en ayant quatre ; 16 pour les cinq ports ; 2 pour chaque université ; 332 pour 180 bourgs ; enfin 12 pour la principauté de Galles, & 45 pour l’Ecosse.

Enfin les deux chambres doivent être prorogées

ensemble, ou dissoutes ensemble ; car une chambre ne peut pas subsister sans l’autre.

A ces détails, dont les étrangers n’ont peut-être pas une entiere connoissance, il est difficile de ne pas ajouter quelques réflexions.

La chambre de, pairs & celle des communes sont les arbitres de la nation, & le roi est le surarbitre. Cette balance manquoit aux Romain ; les grands & le peuple étoient toujours en division, sans qu’il y eut une puissance mitoyenne pour les accorder. Le gouvernement d’Angleterre est plus sage, parce qu’il y a un corps qui l’examine continuellement. & qui s’examine continuellement lui-même ; telles sont ses erreurs qu’elles ne sont jamais langues ; & que par l’esprit d’attention qu’elles donnent à la nation, elles sont souvent utiles. Un état libre, c’est-à-dire, toujours agité, ne sauroit se maintenir, s’il n’est par ses propres lois, capable de correction ; & tel est l’avantage du corps législatif qui s’assemble de tems en tems pour établir ou revoquer des lois.

Les rois d’Angleterre peuvent convoquer un parlement, s’il en est besoin, dans un tems auquel la loi ne les oblige pas de le faire. Ils sont, pour ainsi dire, en sentinelle ; ils doivent observer avec beaucoup de vigilance les mouvemens de l’ennemi, & avertir de ses approches ; mais si la sentinelle s’endort, qu’elle néglige son devoir, ou qu’elle tâche malicieusement de trahir la ville ; ceux qui sont intéressés à sa conservation, ne sont-ils pas en droit de se servir de tout autre moyen pour découvrir le danger qui les menace, & pour s’en préserver ?

Il est certain que c’étoit aux consuls, ou aux autres principaux magistrats de Rome, d’assembler & de congédier le sénat ; mais lorsqu’Annibal étoit aux portes de la ville, ou que les Romains se trouvoient dans quelqu’autre danger pressant, qui ne les menaçoit pas moins que d’une entiere destruction ; si ces magistrats eussent été ivres, insensés, ou qu’ils eussent été gagnés par l’ennemi, il n’y a point de personne raisonnable qui puisse imaginer, qu’on eût dû alors s’arrêter aux formalités ordinaires.

Dans cette occasion chaque particulier est magistrat ; & celui qui s’apperçoit le premier du danger, & qui sait le moyen de le prévenir, est en droit de convoquer l’assemblée du sénat ou du peuple. Le peuple seroit toujours dispose à suivre cet homme, & le suivroit infailliblement, tout de même que les Romains suivirent Brutus & Valerius contre Tarquin, ou Horatius & Valerius contre les décemvirs ; & quiconque agiroit autrement, seroit, sans contredit, aussi fou que les courtisans de Philippe III. & de Philippe IV. rois d’Espagne. Le premier ayant un jour le frisson de la fievre, on apporta dans sa chambre un brasier qu’on mit si proche de lui, qu’il en fut cruellement brûlé ; un des grands s’écria, le roi se brûle ; un autre grand répondit ; c’est très-vrai ; mais comme la personne chargée d’ôter le brasier étoit absente, avant qu’elle fut arrivée, les jambes du roi se trouverent dans un pitoyable état. Philippe IV. ayant été surpris à la chasse d’une tempête mêlée de grêle & de pluie, fut attaqué d’un gros rhume & d’une fievre très-dangereuse, parce qu’aucun des courtisans de sa suite n’avoit osé prendre la liberté de lui prêter son manteau pour le garantir pendant l’orage.

C’est encore en vain que les parlemens s’assemblent, s’il ne leur est pas permis de continuer leurs séances, jusqu’à ce qu’ils aient achevé les affaires pour lesquelles ils se sont assemblés ; & il seroit ridicule de leur donner pouvoir de s’assembler, s’il ne leur étoit pas permis de demeurer assemblés jusqu’à l’expédition des affaires. La seule raison pour laquelle les parlemens s’assemblent, c’est pour travailler à l’avancement du bien public ; & c’est en vertu de la loi qu’ils s’assemblent pour cette fin. On ne doit