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gais, lorsqu’ils étoient maîtres d’Ormus & de Mascata ; mais elle est revenue au sophi de Perse, depuis que ce prince, avec le secours des Anglois, a pris Ormus sur eux, & que les Arabes se sont emparés de Mascata.

2°. La pêche de Catifa, sur la côte de l’Arabie heureuse, vis-à-vis Bahren.

3°. Celle de Manar, un port de mer dans l’île de Ceylan. Les perles que l’on y pêche sont les plus fines de tout l’Orient, tant par la beauté de leur eau que par la perfection de leur rondeur : mais elles pesent rarement plus de quatre carats.

Enfin, on pêche des perles sur la côte du Japon ; mais elles sont grossieres, irrégulieres, & peu considérées.

Les perles de Bahren & de Catifa sont celles que l’on vend communément dans les Indes ; elles tirent un peu sur le jaune, mais les Orientaux ne les estiment pas moins pour cela. Ils regardent cette couleur comme le caractere de leur maturité, & ils sont persuadés que celles qui ont naturellement cette teinture jaunâtre, ne changent jamais de couleur ; & qu’au contraire celles d’eau blanche ne sont pas trente ans sans prendre une couleur d’un jaune sale, à cause de la chaleur du climat & de la sueur des personnes qui les portent.

Les pêches de perles, en Amérique, se font toutes dans le grand golfe de Mexique, le long de la côte de la Terre-ferme. Il y en a cinq : 1°. la pêche du Cubagna, île à cinq lieues de la nouvelle Andalousie, à 10 degrés de latitude septentrionale.

2°. Celle de l’île Marguerite, ou de l’île des Perles.

3°. Celle de Comogote vers la Terre-ferme.

4°. Celle de la riviere de la Hach, appellée la Rencheria.

5°. Celle de Sainte-Marthe, à soixante lieues de la riviere de la Hach.

Les perles de ces trois dernieres pêches sont ordinairement de bon poids, mais mal formées, & d’une eau livide. Celles de Cubagna pesent rarement plus de cinq carats, mais on en trouve en abondance : celles de l’île Marguerite sont les plus nombreuses & les plus belles, tant par rapport à leur eau qu’à leur poids.

La pêche des perles, dans la Tartarie chinoise, se fait proche la ville de Nipehoa, située sur un lac de même nom : les perles n’y sont pas si belles, ni en si grand nombre qu’à Baharem. C’est cette pêche qui a été la cause de la guerre entre les Chinois & les Moscovites, & qui a été terminée vers la fin du dernier siecle par les négociations des jésuites Péreira & Gerbillon. Le lac, qui est d’une grande étendue, fut alors divisé entre les deux nations, dont chacune prétendoit à la possession du tout.

Il y a quelques pêches de perles dans la mer du Sud, mais elles sont fort peu considérables.

Les pêches de perles, en Europe, se font en quelques endroits sur les côtes d’Ecosse & dans un fleuve de Baviere ; mais les perles que l’on y trouve ne sont pas comparables à celles des Indes orientales ou de l’Amérique, quoiqu’elles servent à faire des colliers que l’on vend quelquefois mille écus & plus.

Maniere de pêcher les perles dans les Indes orientales. Il y a deux saisons dans l’année pour la pêche des perles : la premiere est en Mars & en Avril, & la seconde se fait en Août & en Septembre ; plus il tombe de pluie dans l’année, plus les pêches sont abondantes.

A l’ouverture de la saison, il paroît quelquefois deux cens cinquante barques sur le rivage. Les plus grandes ont deux plongeurs, les plus petites n’en ont qu’un : toutes les barques quittent le rivage, avant le lever du soleil, par un vent de terre qui ne manque jamais de souffler ; elles reviennent de même par un

vent de mer qui succede au premier l’après-midi.

Aussi-tôt que les barques sont arrivées & ont jetté l’ancre, chaque plongeur s’attache sous le corps une pierre épaisse de six pouces & longue d’un pié ; elle lui sert comme de lest, & pour empêcher qu’il ne soit chassé ou emporté par le mouvement de l’eau, & qu’il soit en état d’aller avec plus de fermeté à-travers les flots.

Outre cela, ils se lient à un pié une autre pierre fort pesante, qui les précipite au fond de la mer en un instant ; & comme les huitres sont ordinairement attachées très-fortement aux rochers, ils arment leurs doigts de mitaines de cuir, pour prévenir les blessures quand ils viennent à les arracher avec violence : quelques-uns même se servent pour cela d’un rateau de fer.

Enfin chaque plongeur porte avec lui un grand filet en maniere de sac, lié à son cou avec une longue corde, dont l’autre extrémité est attachée au côté de la barque : le sac est destiné à recevoir les huîtres que l’on recueille ou que l’on détache du rocher, & la corde sert à retirer le plongeur quand son sac est plein, ou qu’il a besoin d’air. Dans cet équipage il se précipite quelquefois plus de 60 piés sous l’eau. Comme il n’a pas de tems à perdre en cet endroit, il n’est pas plutôt arrivé au fond qu’il commence à courir de côté & d’autre, quelquefois sur un sable, quelquefois sur une terre grasse, & tantôt parmi les pointes des rochers, arrachant les huitres qu’il rencontre, & les fourrant dans son sac.

A quelque profondeur que les plongeurs soient dans l’eau, la lumiere est si grande qu’ils voient très-distinctement tout ce qui passe dans la mer, avec la même clarté que sur terre. Et, ce qui ne manque pas de les consterner, ils apperçoivent quelquefois des poissons monstrueux, dont ils deviennent souvent la proie, quelque précaution qu’ils ayent de troubler l’eau, afin de n’en être pas apperçus ; de tous les dangers de cette pêche, il n’y en a point de plus grand ni de plus ordinaire.

Les meilleurs plongeurs restent sous l’eau une demi-heure, & les autres pas moins qu’un quart-d’heure. Durant ce tems, ils retiennent leur haleine sans faire aucun usage d’huile ni d’autres liqueurs. Voyez Plonger.

Quand ils se trouvent incommodés, ils tirent la corde a laquelle le sac est attaché, & ils la tiennent ferme & bien serrée avec les deux mains ; alors ceux qui sont dans la barque voyant le signal, les élevent en l’air & les déchargent de leur poisson ; il y a quelquefois cinq cens huitres, d’autres fois il n’y en a pas plus de cinquante.

Quelques plongeurs ont besoin d’un moment pour reprendre haleine, d’autres se rejettent à l’instant dans la mer, & continuent sans relâche ce violent exercice pendant plusieurs heures.

Les pêcheurs déchargent leurs barques sur le rivage, & ils mettent leurs huitres dans un nombre infini de petites fosses creusées dans le sable, & qui ont quatre ou cinq piés quarrés, ils les recouvrent de petits tas de sable à la hauteur d’un homme ; ce qui paroît, à quelque distance, semblable à une armée rangée en bataille. On les laisse dans cet état jusqu’à ce que la pluie, le vent & le soleil les obligent de s’ouvrir ; ce qui ne tarde pas à les faire mourir. Alors la chair se corrompt, se desseche, & les perles ainsi dégagées tombent dans la fosse quand on vient à retirer les huîtres.

La chair de ce poisson est excellente ; & s’il est vrai, ainsi que le prétendent quelques naturalistes, que les perles sont des pierres formées par une mauvaise constitution du corps où elles se trouvent, comme cela arrive quelquefois aux hommes & au bezoard, ce vice ou cette maladie n’altere point les