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& aussi peu susceptible d’exception qu’il le prétend. Les lois du choc peuvent en fournir un exemple. Imaginons deux boules parfaitement égales & élastiques qui viennent se choquer avec des vitesses égales en sens contraires, il est certain qu’à l’instant du choc le point de contact commun perd tout-d’un-coup toute sa vîtesse ; & comme on ne peut pas supposer la matiere actuellement divisée à l’infini, il est impossible que ce point perde toute sa vîtesse, sans qu’une petite partie qui lui sera voisine dans chaque sphere, ne perde aussi la sienne : voilà donc deux corps qui perdent tout-d’un-coup leur mouvement sans que cette perte se fasse par des degrés insensibles.

Quoi qu’il en soit, nous allons exposer les lois du choc des corps durs, & celles des corps mous, telles que l’expérience & le raisonnement les confirment. Ces lois sont les mêmes, quant au résultat ; mais la maniere dont se fait la communication du mouvement entre les corps durs & entre les corps mous, est différente. Ceux-ci changent de figure par le choc, & ne la reprennent plus, de façon que leur mouvement change aussi par degrés. Les corps durs au contraire ne changent point de figure, & se communiquent leur mouvement dans un instant.

Pour trouver le mouvement que doivent avoir après le choc, deux masses qui se frappent, en sens contraire, avec des vîtesses connues, on se servira de la formule ci-dessus. .

Si l’une des masses, comme m, étoit en repos, alors la vîtesse a seroit égale à zero, & l’on auroit pour la vîtesse commune des deux masses après le choc.

Enfin si cette masse m, au lieu de se mouvoir dans une direction opposée à celle de la masse M, se mouvoit dans le même sens avec une vîtesse a (qui fût moindre que la vîtesse A, afin que la masse M pût l’attraper), en ce cas il faudroit changer le signe du terme où a se trouve dans la formule ci-dessus, & on aura pour la vîtesse que doivent avoir après le choc, deux masses M, qui alloient du même côté avant le choc. La vîtesse après le choc étant connue, il sera aisé de trouver la quantité de mouvement de chacun des corps après le choc, car ces quantités de mouvement seront MV & mV, ou &  ; par conséquent, retranchant ces quantités de mouvement des quantités de mouvement que les corps avoient avant le choc, on aura ce qu’ils ont perdu ou gagné de quantité de mouvement perdu, si la différence est positive, & gagné, si elle est négative ; on aura ainsi &  ; or de ces différentes formules on tirera aisément les lois suivantes, que nous nous contenterons d’exposer.

Lois de la percussion dans les corps sans ressort. 1o. Si un corps en mouvement, comme A (Pl. méch. fig. 40.), choque directement un autre corps en B, le premier perdra une quantité de mouvement précisément égale à celle qu’il communiquera au second ; de sorte que les deux corps iront ensemble après le choc, avec une égale vîtesse, comme s’ils ne faisoient qu’une seule masse. Si A est triple de B, il perdra un quart de son mouvement : de sorte que s’il parcouroit avant le choc 24 piés en une minute, il ne parcourra plus après le choc que 18 piés, &c.

2o. Si un corps en mouvement A en rencontre un autre B, qui soit lui-même déjà en mouvement, le premier augmentera la vîtesse du second ; mais il perdra moins de son mouvement que si le second corps

étoit en repos, puisque pour faire aller les deux corps ensemble, après le choc, comme cela est necessaire, le corps A a moins de vitesse à donner au second corps, que quand ce second corps étoit en repos.

Supposons, par exemple, que le corps A ait douze degrés de mouvement, & qu’il vienne à choquer un autre corps B, moindre de la moitié, & en repos, le corps A donnera au corps B quatre degrés de mouvement & en retiendra huit pour lui : mais si le corps choque B a déjà trois degrés de mouvement lorsque le corps A le choque, le corps A ne lui donnera que deux degrés de mouvement ; car A étant double de B, celui-ci n’a besoin que de la moitié du mouvement de A pour aller avec une vitesse égale à celle de A.

3o. Si un corps A en mouvement choque un autre corps B, qui soit en repos, ou qui se meuve plus lentement, soit dans la même direction, soit dans une direction contraire, la somme des quantités de mouvement (c’est-à-dire des produits des masses par les vîtesses) si les corps se meuvent du même côté, ou leur différence, s’ils se meuvent en sens contraires, sera la même avant & après le choc.

4o. Si deux corps égaux A & B viennent se choquer l’un l’autre, suivant des directions contraires, avec des vitesses égales, ils resteront tous deux en repos après le choc.

Plusieurs philosophes, & entr’autres Descartes, ont soutenu le contraire de cette loi, & ont prétendu que deux corps égaux & durs venant se choquer avec des vitesses égales & contraires, devoient rester en repos. Leur principale raison est, qu’il ne doit point y avoir de mouvement perdu dans la nature. Mais en premier lieu, il est question ici de corps parfaitement durs, tels qu’il ne s’en trouve point dans l’univers, & par conséquent, quand la prétendue loi de la conservation auroit lieu, elle pourroit n’être pas applicable ici. 2o. Le choc des corps élastiques dont les lois sont confirmées par l’expérience, nous fait voir que la quantité de mouvement n’est pas toujours la même avant & après le choc, mais qu’elle est quelquefois plus grande & quelquefois moindre après le choc qu’avant le choc. 3o. On peut démontrer directement la fausseté de l’opinion cartésienne de la maniere suivante ; toutes les fois qu’un corps change son mouvement en un autre, le mouvement primitif peut être regardé comme composé du nouveau mouvement qu’il prend, & d’un autre qui est détruit. Supposons donc que les corps M, M, égaux qui viennent en sens contraire se choquer avec les vîtesses A, A, réjaillissent après le choc avec ces mêmes vîtesses A, A, en sens contraire, comme le veulent les Cartésiens, c’est-à-dire, avec les vîtesses -A,-A, il est certain que la vîtesse A de l’un des corps avant le choc est composée de la vitesse -A, & de la vîtesse 2A, & qu’ainsi c’est la vîtesse 2 A qui doit être détruite, c’est-à-dire que les corps M, M, animés en sens contraires des vitesses 2 A, 2 A, se font équilibre. Or, cela posé, ils doivent se faire équilibre aussi étant animés des vîtesses simples A, A en sens contraire. Car il n’y a point de raison de disparité ; donc les deux corps dont il s’agit doivent rester en repos après le choc.

5o. Si un corps A, choque directement un autre corps B en repos : sa vîtesse après le choc, sera à sa vîtesse avant le choc, comme la masse de A est à la somme des masses A & B ; par conséquent si les masses A & B sont égales, la vîtesse après le choc sera la moitié de la vîtesse avant le choc.

6o. Si un corps en mouvement A, choque directement un autre corps qui se meuve avec moins de vîtesse, & dans la même direction, la vîtesse après le choc sera égale à la somme des quantités de mou-