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rateau sur la planche : on y semera la graine aussi épais que celle de laitue, & on la recouvrira avec du terreau de couche bien consommé, que l’on répandra avec la main sur les rayons, ensorte que les graines ne soient recouvertes que d’un demi-pouce d’épaisseur, & on laissera les planches en cet état sans les niveler. Il faut une once de graine pour semer une planche de trente piés de long, sur quatre de largeur. Le tems le plus convenable pour cette opération est le mois d’Avril, du 10 au 20 ; on pourra prendre la précaution de garnir les planches d’un peu de grande paille, pour ne laisser pénétrer l’air & le soleil qu’à demi, & pour empêcher que la terre ne soit battue par les arrosemens, qu’il ne faudra faire qu’au besoin, & avec bien du ménagement. Au bout d’un an les jeunes plants les plus forts, & les autres après deux ans, seront en état d’être mis en pepiniere, & on les plantera à un pié de distance en rangées éloignées de trois piés ; au printems suivant on retranchera toutes les branches latérales, mais les autres années il ne faudra les élaguer qu’à-proportion que la principale tige prendra du soutien & de la force. Si cependant il y a sur une tige foible des branches qui s’élancent trop, il faudra les couper au trois ou quatrieme œil. Quand ces arbres auront quatre ans, il seront en état pour le plus grand nombre d’être transplantés à demeure ; mais il sera plus aisé & bien plus court d’élever le mûrier blanc de bouture, qu’il sera inutile de greffer, & qu’il faudra planter dans l’endroit même où l’on se propose d’élever ces arbres. Voyez la façon d’élever ces boutures, au mot Murier. Il n’y a que le mûrier d’Espagne qui se multiplie de graine sans que ses feuilles s’abâtardissent ; à l’égard des mûriers communs que l’on éleve de semence, il n’y en a qu’un petit nombre qui aient des feuilles de bonne qualité, ensorte qu’il faut greffer ceux qui sont défectueux à cet égard : on peut les greffer à tout âge en écusson à œil dormant, ou à sifflet. La meilleure feuille pour les vers & pour sa soie est celle de l’arbre que l’on nomme la reine bâtarde. Il y a cependant de l’inconvénient à avoir des mûriers greffés, on prétend que ces arbres à l’âge de 25 ou 30 ans meurent subitement, quoiqu’ils soient dans un état florissant. On s’est plaint beaucoup dans le Languedoc, la Provence, les Cévennes, &c. Il y a donc un grand avantage à élever le mûrier blanc de bouture, puisque c’est la voie la plus facile & la plus courte, qui donne de beaux arbres & de longue durée.

L’orme, le tilleul, le marronnier d’inde, le peuplier, &c. méritent de trouver place dans une grande pepiniere. On multiplie l’orme de semence, que l’on doit conduire de la même maniere que celle du mûrier. On éleve le tilleul de branches couchées ; il faut avoir pour cet effet dans un canton de la pepiniere des souches ou meres de tilleuls de l’espece d’Hollande, dont on couche les rejettons qui ont d’assez bonnes racines au bout de l’année pour être plantés en pepinieres. On seme sur place les marrons d’inde comme les noix, & on les conduit de la même façon. On éleve le peuplier de boutures de 12 ou 15 pouces de longueur, que l’on plante sur place en rangées, & à la distance usitée pour les arbres de pareille grandeur ; le principal soin qu’on doive donner à ces arbres, c’est de les redresser & de ne les élaguer qu’avec ménagement à mesure qu’ils prennent de la force & du soutien. Mais on greffe sur l’orme comme en écusson, soit à la pousse ou à l’œil dormant, les especes curieuses de ce genre d’arbre. Comme l’orme ne pointe pas aisément, & qu’il est sujet à se garnir d’une trop grande quantité de menues branches qui se chiffonnent, il faudra les couper entierement après la troisieme année à un pouce de terre : on ne leur laissera ensuite qu’un rejetton qui s’élevera promptement au bout de cinq ou six ans. La plûpart de tous ces arbres

seront en état d’être placés à demeure, savoir le peuplier à cinq ans, l’orme à six, le tilleul à sept, & le marronnier à huit ans.

Les arbres étrangers doivent être élevés & conduits relativement à la grosseur de leurs graines. Les plus grosses, comme le gland, peuvent être semées dans le canton même de la pepiniere où l’on se propose de les cultiver : à l’égard des plus menues & même des médiocres, il faudra les élever dans le semis ; & comme partie de ces arbres sont assez délicats pour exiger qu’on les garantisse des gelées pendant les deux ou trois premiers hivers, il sera à-propos de les semer dans des terreins ou dans des caisses plates, pour les serrer sous quelqu’abri durant la saison rigoureuse. Ces différens arbres se mettent en pepiniere à mesure qu’ils acquierent une force suffisante. La plûpart de ces graines levent la premiere année, d’autres ne paroissent qu’à la seconde, & quelques-unes ne viennent complétement que la troisieme ; il faut que la patience engage à les soigner & à les attendre. Il y a tant de variété dans le progrès de ces arbres & dans la façon de les conduire, qu’il n’est pas possible d’entrer dans aucun détail à ce sujet.

Les arbrisseaux curieux doivent avoir leur canton particulier ; ils seroient retardés & souvent étouffés par les grands arbres si on les mettoit avec eux ; & d’ailleurs on peut serrer davantage les arbrisseaux, tant pour les ranger que pour la distance d’un plant à l’autre. Du reste on doit leur appliquer ce qui a été observé sur les grands arbres.

Les arbres toujours verds doivent nécessairement être placés séparément de ceux qui quittent leurs feuilles, moins pour éviter la bigarrure & faire une sorte d’agrément, que parce que ces arbres veulent être soignés différemment des autres. Les arbres toujours verds demandent l’exposition la plus fraîche, la plus ombragée, & la mieux tournée au nord, néanmoins il faut les placer sainement, car ils craignent l’humidité sur toutes choses : mêmes conseils pour les distinctions à faire sur le semis des graines, sur les attentions pour les préserver, & sur l’âge de les tirer du semis ; mais il n’en est pas de même sur la saison propre à les planter en pepiniere. Ces arbres se conduisent tout différemment de ceux qui quittent leurs feuilles : ceux-ci doivent se planter en automne, ou de bonne-heure au printems ; la transplantation des arbres toujours verds ne se doit faire au contraire que dans des saisons douces & assurées, c’est-à-dire immédiatement avant la seve, dans le tems de son repos, & quand elle cesse d’être en mouvement. Ces circonstances se trouvent communément dans le commencement des mois d’Avril, de Juillet & de Septembre : il faut profiter dans ces saisons d’un tems sombre & humide pour les changer de place ; cette opération ne leur réussit généralement que pendant leur premiere jeunesse, encore doit-on les planter le plus qu’il est possible avec la motte de terre à leur pié ; & une précaution encore plus indispensable, c’est de les couvrir de paille & de les arroser habituellement, mais modérément, jusqu’à ce que leur reprise soit assurée. Il suit de-là qu’on ne peut les laisser long-tems en pepiniere, & qu’il faut les mettre à demeure le plûtôt que l’on peut.

Enfin les arbres forestiers seront placés dans le restant de la pepiniere : on se conformera, pour la façon de les élever & de les conduire, sur la qualité des graines & sur la nature des arbres, relativement à ce qui vient d’être dit sur les arbres étrangers.

Il reste à parler de la culture nécessaire à la pepiniere, qui consiste sur-tout en trois labourages par an, qui doivent être faits très-légerement avec une pioche pointue, & non avec la bêche, qui endommageroit les racines des jeunes plants ; mais le principal objet à cet égard doit être d’empêcher les mauvaises