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qu’il faut se déterminer pour le choix du sujet. On plante ces sujets en files éloignées l’une de l’autre depuis deux piés jusqu’à trois, selon l’aisance que l’on peut se donner : on place dans ces lignes les plants depuis un pié jusqu’à deux de distance. Le mois de Novembre est le tems le plus propre à faire cette plantation : on les rabat à six ou huit pouces pour les greffer ensuite en écusson au mois d’Août de la seconde année. A l’égard des noyaux de pêches & d’abricots, ainsi que les amandes, il vaut mieux les semer en place, & dans ce cas on pourra les greffer la même année : le tout pour former des arbres nains. Quant aux sujets que l’on veut élever pour le plein-vent, il ne faudra les greffer à hauteur de tige qu’au bout de quatre, cinq, ou six ans, lorsqu’ils auront pris une force suffisante. Tous ces arbres doivent se tirer de la pepiniere après qu’ils ont un an de greffe ; celles qui ont poussé trop vigoureusement sont autant à rejetter que celles qui sont trop foibles ; on doit préférer à cet égard les pousses d’une force médiocre. Il reste à observer que les amandes douces à coquille dure sont les meilleures pour former des sujets propres à la greffe, & que les amandes douces à coquille tendre sont bien moins convenables, parce que les plants qui en viennent sont plus sujets à la gomme.

Les cerisiers & les pruniers seront placés ensuite. Les sujets propres à greffer le cerisier sont le mérisier pour élever de grands arbres, & le cerisier mahaleb, que l’on nomme canot en Bourgogne, & canout à Orléans, pour former des plants d’un médiocre volume. On rejette pour sujet la cerise rouge commune, parce qu’elle n’est pas de durée, & que ses racines poussent des rejettons. On tire ces sujets du semis au bout de deux ans, pour être plantés en pepiniere dans les distances expliquées à l’article précédent ; & on peut les greffer dans l’année suivante en écusson à œil dormant, soit pour avoir des arbres nains, ou pour les laisser venir à haute tige avec le tems ; mais on peut attendre aussi que la tige des sujets soit formée, pour les greffer alors à la hauteur de six ou sept piés. A l’égard du prunier, on le multiplie également par la greffe sur des sujets de damas noir, de cerisette ou de saint Julien. On tire aussi ces sujets du semis à l’âge de deux ans : on les plante & on les espace dans le tems & de la façon qui a été ci-dessus expliquée ; ensuite on les greffe en écusson ou en fente, lorsqu’ils ont pris une grosseur suffisante.

Le poirier se multiplie aussi par la greffe en fente ou en écusson, sur franc ou sur coignassier : on nomme francs les sujets qui sont venus de culture en semant des pepins de poires, pour les distinguer des poiriers sauvages que l’on peut tirer du bois, mais qui ne sont pas aussi convenables que les sujets francs, parce que ces sauvageons conservent toujours une âcreté qui se communique aux fruits que l’on greffe dessus. Les sujets francs de poirier seront tirés du semis au même âge, plantés dans le même tems, reglés à pareille distance, & greffés de la façon qu’on l’a dit pour les arbres qui précedent. A l’égard des sujets de coignassier, on les éleve de deux façons : quelquefois on tire des jeunes plants aux piés d’anciens troncs de coignassier, que l’on nomme meres, & que l’on tient en réserve pour ce service dans un coin de la pepiniere ; mais le plus commun usage, qui est aussi la voie la plus courte, c’est de faire des boutures. On les plante de bonne heure au printems, de la grosseur d’un petit doigt & d’un pié de long, en rangée & à pareille distance que les plants enracinés, & on les enfonce de moitié dans la terre. Il faut avoir soin pendant la premiere année de ne laisser subsister que la plus haute des branches qui ont poussé, & de supprimer tous les autres rejettons avant qu’ils aient plus de deux pouces : on les greffe en écusson sur le vieux bois la seconde année. Les poiriers greffés sur franc

sont propres à former de grands arbres à plein vent car on ne se détermine à les mettre en espalier que dans les terreins secs & légers, parce qu’ils sont trop long-tems à se mettre à fruit. Les poiriers greffés sur coignassier conviennent particulierement pour les terres humides & pour l’espalier ; comme on plante beaucoup plus de poiriers à ce dernier usage que pour le plein vent, la pepiniere doit être fournie de deux tiers de poiriers greffés sur coignassier, contre un tiers des autres. Ce n’est qu’après deux ou trois ans de greffe que ces arbres sont en état d’être plantés à demeure.

Il est aussi d’usage de multiplier le pommier par la greffe, en fente ou en écusson, sur franc, sur le doucin, ou sur le pommier de paradis. On nomme francs les sujets élevés de pepins de pomme, comme on vient de le dire pour le poirier ; & il y a même raison pour les préférer aux pommiers sauvages que l’on tire des bois. Il faudra aussi les conduire & les élever de la même façon. Le doucin, pour la hauteur & pour la durée, tient le milieu entre le pommier franc & le pommier de paradis. Les pommiers greffés sur le doucin ne font que des arbres d’une moyenne stature, mais ils croissent vite & donnent promptement de beaux fruits. A l’égard du pommier de paradis, c’est un excellent sujet pour former de petits arbres qu’on peut même admettre dans les jardins d’agrément. Le doucin & le paradis viennent aisément de boutures qui se plantent, comme celles du coignassier, & se greffent aussi la seconde année sur le vieux bois. Tous ces arbres ne doivent être tirés de la pepiniere qu’après deux ou trois ans de greffe ; mais comme on prend beaucoup plus de plants greffés sur franc que sur d’autres sujets, il faut élever du double plus de ceux-ci que des autres.

Les noyers, châtaigners, & autres arbres de ce genre, s’élevent en semant les graines dans l’en droit même de la pepiniere où on veut les élever. Après avoir conservé ces graines dans du sable, en lieu sec pendant l’hiver, on les plante de deux pouces de profondeur & à quatre d’intervalle, dans des lignes de deux ou trois piés de distance. Après la seconde année on élague les jeunes plants, & on enleve ceux qui sont trop serrés pour garnir les places vuides, ensorte pourtant que tous les plants se trouvent au moins à un pié de distance : on continue d’élaguer ces arbres dans les années suivantes, mais avec beaucoup de ménagement, c’est-à-dire en ne retranchant les branches qu’à mesure que les arbres prennent de la force ; cependant s’il y a sur une tige foible des branches qui s’élancent trop, on les coupe au trois ou quatrieme œil. Nul autre soin que d’aider ces arbres à former une tige droite ; au bout de cinq ou six ans ils auront assez de grosseur & d’élévation pour être transplantés à demeure.

Le mûrier blanc est d’une si grande utilité, qu’on ne sauroit trop s’attacher à le multiplier, à l’élever, & à le répandre dans tous les pays dent le terrein peut lui convenir. Sur la culture de cet arbre, on pourroit s’en tenir à renvoyer le lecteur au mot Murier ; mais l’objet est assez intéressant pour ne pas craindre de se répéter. On peut élever le mûrier blanc de semence ou de bouture : par le premier moyen on se procure une grande quantité de plants, mais dont les feuilles sont de petite qualité ; au lieu que de l’autre façon on n’a pas une si grande quantité de plants, mais aussi on les a plus promptement & d’aussi bonnes feuilles que celles des arbres dont on a coupé les branches pour en faire des boutures. On seme la graine dans le canton de la pepiniere destiné au semis. Lorsque les planches dont on veut se servir sont en bon état de culture & bien nivelées, on y trace en travers des rayons de six à huit pouces de distance, & d’un pouce de profondeur, en appuyant le manche du