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ans dix à douze mille plants, sans y comprendre les jeunes plants qu’on peut tirer des semis au-delà du service de la pepiniere.

Les arbres fruitiers font communément l’objet principal des pepinieres : si on veut se borner à ce point, on pourra diviser le terrein en six parties égales, dont la premiere sera destinée à placer le semis des différentes graines qui doivent servir au peuplement de la pepiniere ; la seconde place sera assignée aux pêchers & aux abricotiers ; la troisieme, aux cerisiers & aux pruniers ; la quatrieme, aux poiriers ; la cinquieme, aux pommiers ; & la sixieme, aux noyers, châtaigners, &c. mais si l’on se propose de généraliser l’objet de la pepiniere en y admettant de tout ; il faudra comprendre dans la distribution six autres parties égales, dont la premiere qui deviendra la septieme servira à élever des muriers blancs. Dans la huitieme, des ormes, des tilleuls, des marronniers d’inde & des peupliers. Dans la neuvieme, des arbres étrangers ; dans la dixieme, des arbrisseaux curieux ; dans la onzieme, des arbres toujours verds ; & dans la douzieme, des arbres forestiers, parmi lesquels la charmille sera comprise. J’entrerai dans le détail de la culture de chacun de ces objets en particulier, pour éviter les répétitions, & simplifier les idées autant qu’il sera possible de le faire sans prolixité.

La meilleure exposition & la terre la mieux qualifiée. doivent décider l’emplacement du semis ; on entend par la meilleure exposition, celle qui a son aspect au sud-est & qui est défendue par des haies, des murs, ou de grands arbres du côté du nord ; mais il ne faut pas que ces arbres couvrent le terrein de leurs branches, ni que leur racine puisse s’y étendre ; ce qui feroit un double inconvénient, pire que le défaut d’abri. La qualification de la terre consiste à ce qu’elle soit la plus saine, la plus légere & la plus meuble de l’emplacement dont on employera pour le semis une sixieme partie, quand il s’agira d’une petite pepiniere & seulement la douzieme partie environ, pour une grande pepiniere, attendu que l’on seme la plupart des graines des grands arbres dans la place même où ils doivent être élevés, & qu’il faut peu de plants pour le renouvellement de ces sortes d’arbres qui font long-tems à e former.

On peut aussi préserver le canton du semis, & favoriser ses progrès, en l’environnant d’une palissade dont la hauteur se détermine par l’étendue du semis ; cette palissade doit être formée pour le mieux avec des arbres toujours verds qui donnent en tout tems le même abri.

Il sera encore très-à-propos de distribuer le terrein du semis en six parties, dont la premiere servira pour les noyaux des différens arbres fruitiers de ce genre ; la seconde pour les pepins des pommiers, &c. La troisieme pour les graines des arbrisseaux ; la quatrieme pour celle des grands arbres qui levent la premiere année ; la cinquieme pour les semences des arbres qui ne levent que la seconde année ; & la sixieme pour les arbres toujours verds qui se plairont dans la place la plus mal exposée & la moins défendue.

Le canton du semis n’exige pas autant de profondeur de terre que le reste de la pepiniere ; il suffira de l’avoir fait défoncer d’un pié & demi : du reste ce terrein doit être en bonne culture depuis un an, bien nettoyé de pierres, de mauvaises herbes, &c. & il est à-propos, pour la facilité de la culture, de le distribuer en planches de quatre piés de largeur, dont les sentiers de séparation donneront au-moins 15 pouces d’aisance pour le service. Sur la façon de semer on peut observer que c’est un mauvais usage de répandre les graines à plein-champ ; cette pratique est sujette à un double inconvénient : d’abord l’impossibilité de remuer la terre autour des jeunes plants épars, & en-

suite la difficulté de démêler & enlever les mauvaises

herbes parmi les bons plants. Il est donc bien plus avantageux de semer les graines en rangées ; il est indifférent de les diriger sur la longueur ou la largeur des planches, pourvu qu’on laisse depuis six pouces jusqu’à un pié de distance entre les rayons, relativement au plus ou moins de progrès des arbres pendant les deux ou trois premieres années. Si l’on seme les graines en rayons, il faudra donner à ces rayons une profondeur proportionnée au volume de la graine ; pour les plus grosses on creusera le rayon de deux à trois pouces ; pour les moyennes, il suffira de faire un sillon de la façon qu’on le pratique pour semer des pois ; & dans ces deux derniers cas on recouvre & on nivelle le terrein avec le rateau. Mais à l’égard des menues graines, il y faut plus d’attention : le rayon ne doit avoir qu’un pouce de profondeur ; & après que les graines y seront semées, on les recouvrira avec le terreau le plus fin & le plus consommé, que l’on répandra soigneusement avec la main, ensorte que les graines n’en soient couvertes que de l’épaisseur d’un demi-pouce ; & on se dispensera de niveler le terrein, afin que l’humidité puisse mieux se rassembler & se conserver autour des graines.

On peut semer en différens tems, & c’est une circonstance qui mérite de l’attention. Il y a des graines qui mûrissent dès l’été : on pourroit les semer aussi-tôt après leur maturité, si l’on n’avoit à craindre de les voir germer & pointer avant l’hiver, dont les intempéries en détruiroient un grand nombre ; il vaut mieux remettre cette opération à l’automne ou au printems. Entre ces deux partis, le volume de la graine doit décider. La fin d’Octobre & le mois de Novembre seront le tems convenable pour les grosses graines, & même pour les médiocres ; mais il faut attendre le commencement du printems pour toutes les menues graines, sur-tout celles des arbres résineux. Il y a cependant des précautions à prendre pour faire attendre les graines, dont la plûpart ne se conservent qu’en les mettant dans la terre ou du sable en un endroit sec & abrité. On ne peut entrer ici dans tout ce détail, non plus que dans la distinction de quelques especes d’arbres qui étant délicats dans leur jeunesse, demandent à être abrités pendant les premiers hivers ; pour s’en instruire, on pourra recourir à l’article de chaque arbre en particulier. On conçoit bien au surplus qu’il faut arroser les semis dans les tems de hâle & de sécheresse, les sarcler, béquiller, cultiver, &c. A l’égard du tems & de la force auxquels les jeunes plants doivent être mis en pepiniere, on en parlera dans les différens articles qui suivent.

Les pêchers & les abricotiers, après le semis, doivent occuper la meilleure place de la pepiniere, & toujours la plus saine ; ce n’est que pour la curiosité que l’on s’avise de faire venir ces arbres de noyau, c’est-à-dire pour se procurer de nouvelles variétés, car il n’y a que cinq ou six especes de pêchers dont les noyaux perpétuent l’espece. Dailleurs ces arbres lorsqu’ils sont francs ne durent pas long-tems ; l’usage est de les greffer pour les accélérer, les perfectionner & les faire durer. Comme on ne plante pas à beaucoup près autant d’abricotiers que de pêchers, ces premiers ne doivent occuper qu’une petite partie du quarre destiné à ces deux especes d’arbres ; & en général on ne doit former que le quart de ces arbres pour le plein-vent. Les sujets propres à greffer l’abricotier & le pêcher, sont les pruniers de damas, de cerisette & de saint Julien, l’amandier, les plants venus des noyaux d’abricot & de pêcher ; il y a des especes d’abricotiers & de pêchers qui réussissent mieux sur quelques-uns de ces sujets que sur d’autres. Le terrein sec ou humide dans lequel on se propose de placer ces arbres à demeure, doit aussi servir de regle pour la qualité des sujets : c’est sur toutes ces circonstances