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sifs & les coquilles des grands parterres. Sa culture est des plus ordinaires, elle fleurit au printems.

Pensée, couleur de, (Teinture.) espece de violet tirant sur le pourpre.

PENSER, SONGER, RÊVER, (Gramm. & Synon.) voyez l’article Pensée. On pense tranquillement & avec ordre pour connoître son objet ; on songe avec plus d’inquiétude & sans suite pour parvenir à ce qu’on souhaite ; on rêve d’une maniere abstraite & profonde pour s’occuper agréablement. Le poëte dramatique pense à l’arrangement de sa piece. L’homme, embarrassé d’affaires, songe aux expédiens pour en sortir. L’amant solitaire rêve à ses amours. Girard. (D. J.)

PENSHURST, (Géog. mod.) petit bourg d’Angleterre, dans la province de Kent ; mais ce bourg a été bien illustré le 29 Novembre 1554 par la naissance de Sidney (Philippe), profond politique, philosophe sage, & grand homme de guerre. Favori d’Elisabeth ; il sut couronné des myrthes des amans, du laurier des guerriers, & de la palme des Poètes.

Il se trouva à Paris le 24 Août 1572, jour du massacre de la saint Barthélemi, & cette horrible boucherie lui rendit odieuse la religion romaine En 1579, il présenta à la reine Elisabeth un mémoire plein de force contre son mariage avec le duc d’Anjou ; & ce mémoire a été imprime dans la Cabala.

En 1582, cette princesse le fit chevalier. En 1585, il forma avec François Drake le projet d’enlever l’Amérique aux Espagnols ; mais quelque bien concertée & digérée à tous égards que fût cette entreprise, on en tira plus de profit que de gloire. La reine elle-même, par tendresse pour Sidney, mit obstacle à son embarquement, & le nomma gouverneur de Flessingue.

Le chevalier Robert Naunton assure que le bruit de son grand mérite le mit sur les rangs pour la couronne de Pologne, mais que la reine ne voulut point l’appuyer pour ne pas perdre le premier homme de son tems. Il fut blessé à mort au combat de Zutphen le 22 Septembre 1586, & son corps fut enterré à Londres dans la cathédrale de saint Paul. Le chevalier Grévil lord Brookés a fait sa vie, dont je ne tirerai qu’un seul trait.

Il y rapporte que le chevalier Sidney ayant eu la cuisse cassée d’un coup de mousquet, le cheval qu’il montoit tout en fureur l’obligea à quitter le champ de bataille, mais qu’il ne laissa pas de se tenir dessus, comme sur le brancart le plus convenable pour porter un homme de guerre à son tombeau. Dans cet état il passa auprès du reste de l’armée que son oncle commandoit, & la perte du sang l’ayant altéré, il demanda à boire ; on lui en donna sur le champ, mais comme il portoit la bouteille à la bouche, il vit un pauvre soldat qui avoit eu le même sort que lui, & qui regardoit la bouteille avec avidité : le chevalier qui s’en apperçut lui remit la bouteille avant que d’en boire lui-même, en lui disant, « bois le premier, tu en as plus besoin que moi » ; & ensuite il fit raison à ce soldat. « Aimez ma mémoire, dit-il à son frere immédiatement avant que de mourir, chérissez mes amis, & contemplez en ma personne ce que c’est que le monde avec toutes ses vanités ».

Son roman philosophique intitulé l’Arcadie, a été imprimé très-souvent à Londres, & traduit dans toutes les langues. Le but de l’auteur dans les caracteres & les fictions de ce roman ingénieux, a été de rendre sensible par des exemples les préceptes arides de la Philosophie. Par rapport aux sujets, il a dépeint les diverses situations de faveur & de disgrace, de prospérité & d’adversité, en un mot, tout ce qui entre dans le cours de la vie privée, soit en bien, soit en mai. Outre son Arcadie, il a fait d’autres ouvrages poétiques, mais qui n’ont pas eu le même succès. Il avoit

traduit les Pseaumes en vers anglois, & ce manuscrit se trouvoit dans la bibliotheque de la comtesse de Pembroke sa sœur. (D. J.)

PENSION, s. f. (Jurisprud.) signifie en général une certaine rétribution qui se paye en retour de quelque chose que l’on a reçu.

On entend quelquefois par le terme de pensions, les cens & servis dus au seigneur par le tenancier ; quelquefois les fermages dûs par l’emphitéote ou fermier au propriétaire.

Le terme de pension, se prend aussi pour le salaire que l’on paye à quelqu’un pour sa nourriture, entretien, éducation, & autres prestations.

On appelle aussi pension, ce qui est donné ou légué à quelqu’un pour sa subsistance.

Pension viagere, est celle qui est donnée à quelqu’un sa vie durant seulement.

On peut en certain cas reserver une pension sur un bénéfice. Voyez l’article suivant. (A)

Pension ecclésiastique, ou sur un bénéfice, est une portion des fruits & du revenu d’un bénéfice, assignée par l’autorité du pape, & pour cause légitime, à un autre que le titulaire du bénéfice.

On peut réserver à titre de pension, une certaine quantité de fruits en nature, comme tant de septiers de grain, tant de muids de vin ; mais cette portion ne doit pas être assignée par quotité, comme du tiers ou du quart ; ce seroit une espece de section du bénéfice, laquelle est prohibée par les canons. La pension doit être d’une certaine somme d’argent, ou d’une certaine quantité de fruits ; & en l’un & l’autre cas, elle ne doit pas excéder le tiers des revenus.

Il faut même que la pension payée, il reste encore au titulaire la somme de 300 livres, franche de toute charge, sans comprendre dans ces 300 livres, le casuel & le creux de l’église, qui appartiennent au curé, ni les distributions manuelles, si c’est un canonicat. Telles sont les dispositions de l’édit du mois de Juin 1671.

L’usage des pensions ecclésiastiques est fort ancien ; puisque dans le concile de Chalcédoine, tenu en 451, Maxime, évêque d’Antioche, pria l’assemblée d’assigner à Domnus son prédécesseur, une certaine portion des revenus de son église pour sa subsistance ; la fixation en fut laissée à Maxime.

L’évêque d’Ephèse fut aussi obligé de payer chaque année deux cens écus d’or à deux évêques auxquels il avoit été subrogé.

Mais pendant long-tems les pensions ne s’accorderent que difficilement, & pour des considérations fort importantes.

Pour pouvoir posséder une pension sur un bénéfice, il faut être au-moins clerc tonsuré, & avoir l’âge de sept ans.

Les laïcs ne peuvent jouir de telles pensions ; on excepte néanmoins les chevaliers de saint Lazare, lesquels quoique laïcs, & même mariés, peuvent posséder des pensions ecclésiastiques, même jusqu’à la valeur de 500 ducats, de la chambre apostolique ; mais ils perdent ce privilége, lorsqu’ils convolent en troisiemes nôces.

Le concile d’Aix tenu en 1585, déclare simoniaques toutes pensions sur bénéfices, lorsqu’elles ne sont pas autorisées par le pape, lequel peut seul créer des pensions.

Les signatures de cour de Rome pour la création ou l’extinction d’une pension, & les procurations pour y consentir, doivent être insinuées dans trois mois au greffe des insinuations ecclésiastiques du diocese où les bénéfices sont situés.

Les évêques ni leurs grands vicaires, n’ont pas le pouvoir de créer des pensions.

L’évêque de Tournay a cependant été maintenu