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désigner aucun spécialement, soit par son nom, soit par son emploi.

Le grand pénitencier de Rome, au nom duquel le bref est expédié, enjoint au confesseur d’absoudre du cas exprimé, après avoir entendu la confession sacramentelle de celui qui a obtenu le bref, en cas que le crime ou l’empêchement du mariage soit secret. Il est ensuite ordonné au confesseur de déchirer le bref aussi-tôt après la confession, sous peine d’excommunication, sans qu’il lui soit permis de le rendre à la partie.

Les absolutions obtenues & les dispenses accordées en vertu des lettres de la pénitencerie, ne peuvent jamais servir dans le for extérieur ; ce qui doit sur-tout s’observer en France, où les tribunaux, tant ecclésiastiques que séculiers, ne reconnoissent point ce qui est émané de la pénitencerie.

En France, la pénitencerie est le bénéfice ou le titre de celui qui est grand pénitencier de l’évêque : c’est-à-dire, qui a le pouvoir d’absoudre des cas reservés.

La pénitencerie est ordinairement une des dignités des églises cathédrales. Voyez les lois ecclésiastiques, voyez Pénitencier. (A)

PÉNITENCIER, s. m. (Jurisprud.) qu’on appelloit aussi autrefois pénancier, piatorum exhedra, est un ecclésiastique qui exerce l’office de la pénitencerie.

On donnoit au commencement le titre de pénitenciers à tous les prêtres qui étoient établis par l’évêque pour ouir les confessions. Anastase le bibliothécaire dit que le pape Simplicius choisit quelques-uns des prêtres de l’église romaine pour présider aux pénitences ; les autres évêques firent la même chose chacun dans leur église.

A mesure que la distinction des paroisses fut établie. les fideles alloient à confesse à leur propre pasteur.

Il n’y avoit que les prêtres qui se confessoient à l’évêque, & les laïcs qui avoient commis quelqu’un des cas dont l’évêque s’étoit reservé l’absolution.

Mais bien-tôt les évêques établirent dans leur cathédrale un pénitencier en titre pour les cas reservés ; & pour distinguer ces pénitenciers des confesseurs ordinaires, aux quels on donnoit aussi anciennement le titre de pénitenciers, on les surnomma grands pénitenciers ; ils sont aussi nommés l’oreille de l’évêque.

L’institution des grands pénitenciers est fort ancienne. Quelques-uns la font remonter jusqu’au tems du pape Corneille, qui siégeoit en 251. Gomez tient que cet office ne fut établi à Rome que par Benoît II. qui parvint au pontificat en 684.

Il est fait mention des pénitenciers dans les conciles d’Yorc en 1194, de Londres en 1237, & d’Arles en 1260. Les pénitenciers y sont appellés les confesseurs généraux du diocèse.

Le quatrieme concile de Latran, tenu en 1215, sous Innocent III. ordonne aux évêques d’établir des pénitenciers, tant dans leur cathédrale. que dans les églises collégiales de leur diocèse, pour les soulager dans la confession des cas reservés. Peu-à-peu les évêques se déchargerent entierement de cette fonction sur leur grand pénitencier.

Le concile d’Arles, dont nous avons déja parlé, ordonne aux évêques d’envoyer dans les campagnes, au tems de carême, des prêtres pénitenciers pour absoudre des cas reservés ; & que ces prêtres seront tenus de renvoyer aux curés pour les cas ordinaires. Un évêque d’Amiens qui fonda dans son église la pénitencérie en 1218, excepta les curés, les barons & les autres grands du diocèse de ceux qui pourront être confessés par le pénitencier.

A Rome le pape a son grand pénitencier qui est ordinairement un cardinal. Ce grand pénitencier préside au tribunal de la pénitencerie, dans lequel s’accordent les absolutions pour des fautes cachées, & des

dispenses pour des choses qui regardent la conscience ; il a sous lui un régent de la pénitencerie, & vingt-quatre procureurs ou défenseurs de la sacrée pénitence ; il est aussi le chef de plusieurs autres prêtres pénitenciers établis dans les églises patriarchales de Rome, qui le viennent consulter sur les cas difficiles.

Enfin, le grand pénitencier est le vicaire de l’évêque pour les cas réservés. Il est ordinairement établi en dignité dans la cathédrale, ou plutôt de personnat ; car le grand pénitencier n’a point de jurisdiction ni dans le chœur, ni en-dehors, ni dans le diocèse. Il a sous lui un ou plusieurs sous-pénitenciers, mais ceux-ci ne sont pas en titre de dignité ni de bénéfice ; ils n’ont qu’une simple commission verbale du grand pénitencier, laquelle est révocable ad nutum.

La fonction de pénitencier a toujours été regardée comme si importante, que le concile de Trente, & plusieurs conciles provinciaux du royaume ont ordonné que la premiere prébende vacante seroit affectée au pénitencier, & que cette place seroit remplie par un personnage doué de toutes les qualités nécessaires, & qui soit docteur ou licencié en Théologie ou en droit canon, & âgé de quarante ans, ou le plus idoine que l’on pourra trouver.

Ce decret du concile de Trente a été renouvellé par l’assemblée de Melun en 1579, par les conciles de Bordeaux & de Tours en 1583, par ceux de Bourges en 1584, d’Aix en 1585, de Bordeaux en 1624, & par le premier concile de Milan sous S. Charles.

L’usage du royaume est que dans les églises où la pénitencerie est un titre de bénéfice, il faut être gradué en Théologie ou en droit canon pour la posséder, quand même ce bénéfice n’auroit pas titre de dignité.

Le pénitencier est obligé à résidence, c’est pourquoi il ne peut posséder en même tems un bénéfice-cure ; aussi le concile de Trente veut-il qu’il soit tenu présent au chœur quand il vaquera à son ministere, & si on l’en privoit, il y auroit abus.

La fonction d’official & celle de promoteur sont incompatibles avec celle de pénitencier.

Le concordat comprend la pénitencerie dans les bénéfices qu’il assujettit à l’expectative des gradués.

Mais, suivant l’ordonnance de 1606, les dignités des églises cathédrales en sont exceptées, & conséquemment la pénitencerie dans les églises où elle est érigée en dignité.

Un écclésiastique peut être pourvû de la pénitencerie par résignation, en faveur ou par d’autres voies qui en rendent la collation nécessaire. Voyez les conciles du P. Labbe ; les lois ecclésiastiques de d’Héricour ; Fevret, tr. de l’abus ; les mémoires du clergé, & Pénitencerie. (A)

PÉNITENS, (Théologie.) nom de quelques dévots qui ont formé des confréries, principalement en Italie, & qui font profession de faire une pénitence publique, en allant en procession dans les rues, couverts d’une espece de sac, & se donnant la discipline.

On dit que cette coutume fut établie à Pérone en 1260, par les prédications pathétiques d’un hermite qui excitoit les peuples à la pénitence. Elle se répandit ensuite en d’autres pays, & particulierement en Hongrie, où elle dégénéra en abus, & produisit la secte des flagellans. Voyez Flagellans.

En retranchant les superstitions qui s’étoient mêlées à cet usage, on a permis d’établir des confréries de pénitens en divers lieux d’Italie. Le P. Mabillon, dans son voyage, dit en avoir vu une à Turin. Il y a en Italie des pénitens blancs, aussi-bien qu’à Lyon & à Avignon. Dans d’autres villes du Languedoc & du Dauphiné, on trouve des pénitens bleus & des pénitens noirs. Ceux-ci assistent les criminels à la mort, & leur donnent la sépulture.