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rain le peintre Micon, Nesias de Thasos, Démophile qui fit des ouvrages avec Gorganus dans un temple de Rome.

Vers la même 90e olympiade, c’est-à-dire l’an 420 avant Jesus-Christ, parurent un autre Aglaophon différent du pere de Polygnote, Céphissodore dont le nom a été commun à différens sculpteurs, Phrylus & Evenos d’Ephèse. Vers le même tems doivent être placés deux autres peintres qu’Aristote a mis à la suite de Polygnote, l’un est Pauson & l’autre Denys de Colophon, tous deux antérieurs à l’an 404, qui fut l’époque des grands peintres de la Grece. Polygnote, en peignant les hommes, les rehaussa ; Pauson les avilit ; & Denys les représenta ce qu’ils ont coutume d’être.

Vers l’an 415 vécurent Nicanor & Arcésilaüs, tous les deux de Paros, & Lysippe d’Egine ; ils sont après Polygnote, & sont les trois plus anciens peintres encaustiques. Briétés, autre peintre encaustique, les suivit de près ; il eut pour fils & pour éleve Pausias célebre vers l’an 376.

A la 94e olympiade l’an 404, Apollodore d’Athènes ouvrit une nouvelle carriere, & donna naissance au beau siecle de la peinture. La quatrieme année de la 95e olympiade l’an 397, Zeuxis de la ville d’Héraclée entra dans la carriere qu’Apollodore avoit ouverte, & il y fit de nouveaux progrès.

Parhasius d’Ephese, Timanthe de Cythnos, Androcyde de Cyzique, Euxénidas & Eupompe de Sicyone ont tous été contemporains de Zeuxis, & la plûpart enrichirent l’art de quelques nouvelles beautés. Eupompe en particulier donna le commencement à une troisieme classe de peintres à l’école sycionienne, différente de l’ionienne ou asiatique, & de l’athénienne ou helladique.

Aristophon dont Pline rapporte différens ouvrages sans déterminer le tems où il vivoit, parce que c’étoit un peintre du second rang, doit avoir suivi de fort près les artistes précédens, & s’être fait connoître vers l’an 390. Il étoit fils d’Aglaophon, célebre en l’an 420 avant l’ere chrétienne.

En l’an 380 commença la 100e olympiade, après laquelle Pline met Pausias de Sycione, dont la célébrité appartient à la 101e olympiade vers l’an 376 ; il fut, à proprement parler, l’auteur de la belle encaustique ; il inventa la ruption de la couleur dans le noir, comme Zeuxis l’avoit fait dans le blanc.

Pamphile de Macédoine ayant été l’éleve d’Eupompe & le maître d’Apelle, fleurissoit vers l’an 364 olympiade, avec Ctésydeme peintre du second rang, Euphranor natif de l’Isthme de Corinthe & Cydias de Cythnos. Calades qui composa de petits sujets, doit être placé un peu après.

A la 107e olympiade, l’an 352, Echion & Térimachus, habiles statuaires, se firent encore honneur par leur pinceau, ainsi qu’Aristolaüs & Méchopane peintres encaustiques, celui-là fils, celui-ci éleve de Pausias. Antidotus, autre peintre encaustique, les suivit de près, & appartient environ à l’an 348. On doit placer Calliclès environ dans le même tems.

La 112e olympiade, autrement l’an 332, nous présente sous le regne d’Alexandre, Apelle, Antiphyle, Aristide le Thébain, Asclépiodore, Théomneste, Nicomaque, Mélanthius, Amphion, Nicophane, Ætion, Nicias d’Athènes, enfin Protogène & quelques autres peintres du premier mérite.

Tels ont été dans l’ordre chronologique les principaux peintres qui ont illustré la Grece ; il s’agit maintenant d’entrer dans des détails plus intéressans, je veux dire, de faire connoître leurs caracteres, leurs talens & leurs ouvrages. Je n’oublierai rien à tous ces égards pour satisfaire la curiosité des lecteurs, & pour leur commodité je vais suivre l’ordre alphabétique.

Ætion est fameux par sa belle & grande composition qui représentoit le mariage d’Alexandre & de Roxane. Lucien décrit avec admiration ce chef d’œuvre de l’art, & sur sa description on ne peut s’empêcher de convenir que ce tableau devoit surpasser infiniment pour les graces de l’invention & pour l’élégance des allégories, ce que nos plus aimables peintres & ce que l’Albane lui-même a fait de plus riant dans le genre des compositions galantes. Empruntons la traduction de M. l’abbé du Bos : elle est faite avec autant de goût & de choix d’expressions, que Pline en a mis en parlant d’un tableau d’Aristide.

Roxane étoit couchée sur un lit ; la beauté de cette fille relevée encore par la pudeur lui faisoit baisser les yeux à l’approche d’Alexandre, & fixoit sur elle les premiers regards du spectateur. On la reconnoissoit sans peine pour la figure principale du tableau. Les amours s’empressoient à la servir. Les uns prenoient ses patins & lui ôtoient ses habits, un autre amour relevoit son voile, afin que son amant la vît mieux ; & par un sourire qu’il adressoit à ce prince, il le félicitoit sur les charmes de sa maîtresse. D’autres amours saisissoient Alexandre, & le tirant par sa cotte-d’armes, ils l’entraînoient vers Roxane dans la posture d’un homme qui vouloit mettre son diadème aux piés de l’objet de sa passion ; Ephestion, le confident de l’intrigue, s’appuyoit sur l’hymenée, pour montrer que les services qu’il avoit rendus à son maître avoient eu pour but de ménager entre Alexandre & Roxane une union légitime. Une troupe d’amours en belle humeur badinoit dans un des coins du tableau avec les armes de ce prince.

L’énigme n’étoit pas bien difficile à comprendre, & il seroit à souhaiter que les peintres modernes n’eussent jamais inventé d’allégories plus obscures. Quelques-uns de ces amours portoient la lance d’Alexandre, & ils paroissoient courbés sous un fardeau trop pesant pour eux : d’autres se jouoient avec son bouclier : ils y avoient fait asseoir celui d’entre eux qui avoit fait le coup, & ils le portoient en triomphe tandis qu’un autre amour, qui s’étoit mis en embuscade dans la cuirasse d’Alexandre, les attendoit au passage pour leur faire peur. Cet amour embusqué pouvoit bien ressembler à quelqu’autre maîtresse d’Alexandre, ou bien à quelqu’un des ministres de ce prince qui avoit voulu traverser le mariage de Roxane.

Un poëte diroit, ajoute M. l’abbé du Bos, que le dieu de l’hymenée se crut obligé de récompenser le peintre qui avoit célébré si galamment un de ses triomphes. Cet artiste ingénieux ayant exposé son tableau dans la solemnité des jeux olympiques, Pronéséides, qui devoit être un homme de grande considération, puisque cette année-là il avoit l’intendance de la fête, donna sa fille en mariage au peintre. Raphaël n’a pas dédaigné de crayonner le sujet décrit par Lucien. Son dessein a été gravé par un des disciples du célebre Marc-Antoine. Enfin la poésie même s’en est parée. M. de Voltaire en a emprunté divers traits pour embellir la position d’Henri IV, & de Gabrielle d’Estrée dans le palais de l’amour. On sait par cœur les vers charmans qu’il a imités de l’ordonnance du tableau d’Ætion, ces vers qui peignent si bien la vertu languissante d’Henri IV.

Les folâtres plaisirs dans le sein du repos,
Les amours enfantins desarmoient ce héros ;
L’un tenoit sa cuirasse encor de sang trempée,
L’autre avoit détaché sa redoutable épée,
Et rioit de tenir dans ses débiles mains
Ce fer l’appui du trône, & l’effroi des humains.

Mais il faut convenir que c’est ici un des sujets où le peintre peut faire des impressions beaucoup plus