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terme de αἰῶνος, auquel le mot d’éternité répond ; c’est-à-dire qu’il est certain que ces peines dureront autant que l’existence des méchans qui les souffriront, ou pendant ces αἰῶνες τῶν αἰώνων, ces périodes longs & déterminés, pendant lesquels leur vie sera conservée par la puissance divine ; ensorte que rien ne terminera leurs tourmens que ce qui terminera aussi leur vie & leur condition pour jamais. Si l’Ecriture entend quelque chose de plus par cette éternité des peines de l’enfer, c’est ce que je ne déciderai pas positivement ; mais comme je trouve que les plus anciens écrivains ecclésiastiques penchent pour cette explication, & qu’elle suffit pleinement aux grandes fins de la religion ; qu’elle paroît aussi plus conforme à la bonté divine, si elle-même ne donne un nouvel appui à la justice de Dieu ; que d’ailleurs elle prévient toutes les chicanes des incrédules ; & qu’enfin je suis persuadé que c’est le vrai sens des expressions de l’Ecriture, je m’y tiendrai pour le présent, laissant à ceux qui prétendent que l’Ecriture en dit davantage, à justifier leur opinion, & à prouver qu’elle est raisonnable ».

M. Whiston est encore plus positif que M. Clarke, car il déclare que si l’opinion commune de l’éternité des peines étoit véritablement un dogme de la religion chrétienne, il formeroit contre elle une difficulté infiniment plus grande que toutes les objections des incrédules prises ensemble. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Peines chez les Romains, (Jurisprud. rom.) Il y avoit différens genres de peines civiles qui étoient en usage chez les Romains ; nous avons promis de les détailler en parlant des jugemens publics & particuliers de leurs tribunaux.

Les peines ou punitions usitées chez ce peuple, regardoient ou les biens, comme l’amende, en latin damnum, autrement mulcta ; ou le corps, comme la prison, le fouet, ou la peine du tallion ; ou le droit, comme l’ignominie, l’exil & la servitude ; enfin quelques-uns étoient punis de mort.

L’amende ne se prenoit dans les premiers tems que sur les moutons & sur les bœufs ; mais comme cette punition d’amende étoit inégale, parce qu’on amenoit des bœufs & des moutons tantôt d’un grand prix, tantôt d’un prix très-vil, dans la suite par la loi Ateria on taxa dix deniers pour chaque mouton, & cent deniers pour chaque bœuf ; de sorte que la plus forte amende de ce tems étoit de 3020 as. La prison étoit ou publique ou particuliere.

La prison publique étoit celle où on enfermoit les accusés quand ils avoient avoué leurs crimes. La prison particuliere étoit la maison des magistrats ou de quelques particuliers distingués, sous la garde desquels on mettoit les accusés.

La fustigation qui se faisoit avec des verges, précédoit le dernier supplice, qui étoit celui de la mort. La bastonnade étoit plus d’usage à l’armée.

Le talion, suivant la loi des douze tables, consistoit à rendre injure pour injure dans le cas d’un membre rompu, à moins que l’accusé n’eût obtenu de la partie lésée qu’elle lui remît la peine.

L’ignominie étoit une note d’infamie, ainsi appellée, parce qu’elle ne consistoit que dans la flétrissure du nom. Elle excluoit de toutes charges & presque de tous les honneurs qui s’accordoient aux citoyens.

On ne prononçoit pas à la vérité le mot d’exil dans l’imposition de cette peine, mais celui d’interdiction de feu & d’eau, laquelle étoit nécessairement suivie de l’exil, car il étoit impossible que quelqu’un restât dans Rome sans l’usage de l’eau & du feu ; mais sous Auguste la déportation succéda à cette interdiction de l’eau & du feu. La relégation étoit une peine moins rigoureuse, car ceux qui y étoient condamnés con-

servoient le droit de bourgeoisie, dont l’interdiction privoit, & c’étoit la peine à laquelle on condamnoit les gens de condition.

On vendoit pour être mis en servitude, ceux qui n’avoient pas donné leur nom pour le cens, ou qui avoient refusé de s’enrôler après avoir été appellés.

Ceux qui étoient condamnés à mort étoient ou décapités d’un coup de hache, après avoir essuyé la honte du fouet, & on disoit que cette peine s’infligeoit selon l’usage des anciens, more majorum ; ou bien ils étoient étranglés dans la prison appellée robur ; ou enfin jettés en-bas de la roche Tarpéienne ; mais il paroît que ce genre de mort fut aboli dans la suite.

Le supplice ordinaire des esclaves étoit la croix ou la fourche, qu’ils étoient obligés de porter eux-mêmes : d’où vient que le nom furciser, porte-fourche, étoit le reproche ordinaire qu’on faisoit aux esclaves ; cependant quelques-uns ont prétendu que cette fourche étoit un gibet. Quelquefois on imprimoit certains caracteres avec un fer chaud sur le front des esclaves : en allant au lieu du supplice, ils portoient une meule de moulin pendue à leur col ; c’étoit des meules de 15 à 18 pouces de diametre. Quelquefois encore, pour comble d’ignominie, après que les cadavres des criminels avoient été traînés dans la ville avec des crochets, on les précipitoit dans des puits appellés gemoniæ, ou dans le Tibre. Nous ne rapporterons pas les autres especes de supplices, qui étoient presque tous arbitraires & exercés selon le caprice ou la cruauté des princes. Quant aux peines militaires, voyez l’article suivant. (D. J.)

Peines militaires chez les Romains, (Art milit. des Romains.) les Romains avoient d’une main des récompenses à la guerre pour animer les soldats à s’acquitter de leur devoir, & de l’autre main ils avoient des punitions pour ceux qui y manquoient.

Ces punitions étoient de la compétence des tribuns & des préfets avec leur conseil, & du général même, duquel on ne pouvoit appeller avant la loi Porcia, portée l’an 556.

On punissoit les soldats, ou par des peines afflictives, ou par l’ignominie. Les peines afflictives consistoient dans une amende, dans la saisie de leur paye, dans la bastonnade, sous laquelle il arrivoit quelquefois d’expirer ; ce châtiment s’appelloit fustuarium.

Les soldats mettoient à mort à coups de bâton ou de pierre, un de leurs camarades qui avoit commis quelque grand crime, comme le vol, le parjure, pour quelque récompense obtenue sur un faux exposé, pour la désertion, pour la perte des armes, pour la négligence dans les sentinelles pendant la nuit.

Si la bastonnade ne devoit pas aller jusqu’à la mort, on se servoit d’un sarment de vigne pour les citoyens, d’une autre baguette, ou même de verges pour les alliés. S’il y avoit un grand nombre de coupables, on les décimoit, ou bien l’on prenoit le vingtieme ou le centieme, selon la grieveté de la faute ; quelquefois on se contentoit seulement de les faire coucher hors du camp, & de leur donner de l’orge au-lieu de froment.

Comme les punitions qui emportent avec elles plus de honte que de douleur sont les plus convenables à la guerre, l’ignominie étoit aussi une des plus grandes ; elle consistoit, par exemple, à donner de l’orge aux soldats au-lieu de blé, à les priver de toute la paye ou d’une partie seulement. Cette derniere punition étoit sur-tout pour ceux qui quittoient leurs enseignes ; on leur retranchoit la paye pour tout le tems qu’ils avoient servi avant leur faute. La troisieme espece d’ignominie étoit d’ordonner à un soldat de sauter au-delà d’un retranchement. Cette punition étoit ordinaire pour les poltrons : on les punissoit encore en les exposant en pu-