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ce qui doit reposer ou passer par-dessus : pavimentum enim, dit Vitruve, est solidamentum sive incrustatio quam gradiendo caleamus.

Selon Isidore, les Carthaginois voisins de Barbarie, ont été les premiers qui ont pavé leur ville de pierres ; ensuite à leur imitation, Appius-Claudius Cæcus fit paver la ville de Rome 188 ans après l’expulsion des rois ; c’est ce qu’on nomma la voie Appienne. Enfin, les Romains entreprirent les premiers de paver les grands chemins hors de leur ville, & insensiblement ils ont poussé cet ouvrage presque par tout le monde : per omnem pene orbem vias disposuerunt, comme parle le même Isidore.

Les Romains eurent deux manieres différentes de paver leurs grands chemins ; les uns se pavoient de pierres, & les autres étoient cimentés de sable & de terre-glaise. Les premiers étoient à trois rangs, à ce que l’on a observé dans les vestiges qui en sont restes ; celui du milieu qui servoit aux gens de pié étoit un peu plus élevé que les deux autres, de façon que les eaux ne s’y pouvoient arrêter. On le pavoit à la rustique, c’est-à-dire de gros carreaux de pierre à joints incertains, au lieu que nos pavés sont équarris ; les deux autres rangs étoient couverts de sable lié avec des terres grasses, sur quoi les chevaux marchoient fort à l’aise. D’un intervalle à l’autre, on trouvoit sur les bordages de grosses pierres dressées à une hauteur commode, quand on vouloit monter à cheval ; parce que les anciens n’avoient pas l’usage des étriers. On trouvoit encore les colonnes miliaires sur lesquelles on voyoit écrites les distances de tous les lieux, & le côté du chemin qui menoit d’un lieu à un autre ; ce fut une invention de C. Gracchus.

Les chemins pavés de la seconde maniere, c’est-à-dire seulement de sable & de terre-glaise, étoient en dos d’âne, tellement que l’eau ne s’y pouvoit arrêter, & le fond étant aride & prompt à sécher, ils demeuroient toujours nets de fange, & sans poussiere. On en voit un dans le Frioul que les habitans nomment le posthume, lequel va dans la Hongrie, & un autre sur le territoire de Padoue, qui partant de la ville même aboutit aux Alpes.

Aurelius Cotta eut la gloire de faire paver la voie Aurélienne l’an 512 de la fondation de Rome. Flaminius fut l’auteur de la voie Flaminienne, & la voie Emilienne fut exécutée par les ordres d’Emilius. Les censeurs ayant été établis firent des ordonnances pour multiplier les pavés des grands chemins, en déterminer les lieux, l’ordre & la maniere. Passons à la construction des pavés intérieurs des édifices de Rome.

Les pavés qu’ils formoient sur des étages de charpente, s’appelloient comignata pavimenta, & les étages contignationes. Le premier soin des ouvriers étoit de faire ensorte que nulle partie de leur pavé ne s’avançât pas sur les murs ; mais que l’ouvrage entier fût assis sur la charpente, de peur que le bois venant à se retirer par la sécheresse, ou à s’affermir par le poids de la mâçonnerie, ne produisît des fentes au pavé tout le long de ladite mâçonnerie ; c’est ce que Vitruve a détaillé clairement, consultez-le.

Les pavés de planchers, qu’ils appelloient coaxationes ou coassationes, se faisoient de planches de l’espece de chêne nommé esculus, à cause qu’elle est moins sujette à se cambrer ; & même pour les défendre contre la vapeur de la chaux qui se mêle aux matieres que l’on jette dessus, ils les couvroient d’un lit de fougere ou de paille, comme les laboureurs en mettent sur leurs tas de blé, pour empêcher le grain de souffrir l’humidité de la terre.

C’étoit sur ce premier lit de fougere ou de paille, que les ouvriers posoient & asseyoient leur mâçonnerie par quatre différentes couches. La premiere

étoit composée de pierres ou cailloux, liés ensemble avec chaux & ciment. Cette premiere couché de mâçonnerie qui faisoit la fondation de l’ouvrage, se nommoit statumen.

La seconde couche de mâçonnerie se faisoit de plusieurs moilons ou pierrailles, cassées & mêlées avec de la chaux ; c’étoit-là ce qu’ils appelloient rudus ; & si cette matiere étoit de pierres brisées qui n’eussent jamais servi, ils appelloient cette matiere rudus novum, & la mêloient en parties égales avec de la chaux vive ; si cette matiere provenoit de décombres qui avoient déja été mises en œuvre, elle se nommoit rudus redivivum. On ne mêloit que deux parties de chaux à cinq de telle matiere ; & l’application qu’on en faisoit à coup de hie & de battoir pour l’affermir, applanir & égaliser, s’appelloit ruderatio : il falloit que tout ce terrassement, tant de cailloux que de décombres, eût au moins neuf pouces d’épaisseur, après avoir été suffisamment battu & massivé.

Sur ce terrassement, on faisoit pour troisieme couche un ciment, composé d’une partie de chaux, contre trois de brique ou de pots cassés, ou de tuiles battues. On étendoit ce ciment sur la rudération, comme une couche molle, pour y asseoir la quatrieme couche de pavé qui servoit de derniere couverture à l’ouvrage entier, & qu’on nommoit par cette raison, summa crusta.

Les Architectes donnoient à la troisieme couche de leur mâçonnerie le nom de nucleus, qui signifie ce qui est de plus tendre & bon à manger dans les noix, les amandes & les autres fruits à noyaux ; cette comparaison se trouve assez conforme à ce vers de Plaute.

Qui è nuce nucleum esse vule, frangat nucem.

Ainsi la couche de ciment appellée par les Architectes nucleus, est la plus tendre & la plus molle partie du pavé, qui se trouve entre les deux parties plus dures, qui sont la rudération par-dessous, & les carreaux de la derniere couche par-dessus.

Enfin, les Romains enrichis des dépouilles des nations, paverent les cours de leurs palais, leurs salles, leurs chambres, & lambrisserent même leurs murailles de mosaïque ou de marqueterie. La mode en vint à Rome sous Sylla, qui en fit usage dans le temple de la Fortune de Préneste. Ces pavés étoient faits de petites pierres de diverses couleurs, jointes & comme enchâssées dans le ciment, représentant différentes figures, par leur arrangement & par la variété de leurs couleurs. On donna à ces sortes de pavés le beau nom de musæa, musia ou musiva, parce qu’on attribuoit aux Muses l’invention de ces ouvrages ingénieux, & qu’ils représentoient quelquefois ces aimables déesses. (D. J.)

Pavé, s. m. (Architect. mod.) Ce mot a deux significations : d’abord c’est l’aire pavée sur laquelle on marche, & en second lieu la matiere qui l’affermit, comme le caillou, le gravois, avec mortier de chaux & de sable, le grès & la pierre dure, comme on va l’expliquer.

Pavé de briques, pavé qui est fait de briques posées de champ & en épi, semblable au point d’Hongrie, tel est le pavé de la ville de Venise ; ou de carreau barlong à six pans figures, comme les bornes de verre adossées : c’est ainsi qu’étoit pavé l’ancien Tibur à Rome.

Pavé de grès, c’est un pavé qu’on fait de quartiers de grès de huit à neuf pouces, presque de figure cubique, dont on se sert en France pour paver les grands chemins, rues, cours, &c.

On appelle pavé refendu le pavé qui est de la demi-épaisseur du précédent, & dont on pave les petites cours, les cuisines, écuries, &c. Et pavé d’échan-