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moule, en sorte que le verre ne touche en aucun endroit la figure imprimée, car il l’écraseroit par son poids. On approchera du fourneau le creuset ainsi couvert de son morceau de verre, & on l’échauffera peu-à-peu jusqu’à ce qu’on ne puisse pas le toucher des doigts sans se brûler. Il est tems pour lors de le mettre dans le fourneau, qui doit être un petit four à vent, garni au milieu d’une mouffle, au tour de laquelle il y aura un grand feu de charbon, ainsi que dessus & dessous.

On pourra mettre un ou plusieurs creusets sous la mouffle, selon sa grandeur ; on bouchera l’ouverture de la mouffle avec un gros charbon rouge, & on observera le morceau de verre. Quand il commencera à devenir luisant, c’est la marque qu’il est assez amolli pour souffrir l’impression : il ne faut pas tarder à retirer le creuset du fourneau, & sans perdre de tems, on pressera le verre avec un morceau de fer plat, pour y imprimer la figure moulée dans le creuset. L’impression finie, on aura attention de remettre le creuset auprès du fourneau, dans un endroit un peu chaud, & où le verre à l’abri du vent, puisse refroidir peu-à-peu ; car le passage trop subit du chaud au froid, le feroit surement peter, & y occasionneroit des fentes ; & même afin de prévenir cet accident, qui arrive souvent peu de tems après l’opération, particulierement quand le verre est un peu revêche, on ne doit pas manquer d’en égruger les bords avec des pincettes, aussitôt que tout-à-fait refroidi, le verre aura été ôté de dessus le creuset.

Tous les verres ne sont pas cependant sujets à cet inconvénient ; il n’y a pas d’autres regles pour les connoître, que d’en imprimer deux ou trois morceaux, qui enseigneront assez la maniere dont il faudra les traiter : ceux qui sont les plus durs à fondre, doivent être préférés ; ils portent un plus beau poli, & ne se rayent pas si facilement que les tendres.

Si l’on est curieux de copier en creux une pierre qui est travaillée en relief, ou de mettre en relief une pierre qui est gravée en creux, on pourra s’y prendre de la façon suivante. On imprimera en cire d’Espagne ou en soufre, le plus exactement qu’il sera possible, la pierre qu’on veut transformer. Si elle est gravée en creux, elle produira un relief ; & si c’est un relief, il viendra un creux : mais comme en faisant ces empreintes, on ne peut empêcher que la cire ou le soufre ne débordent, il faudra avant que d’aller plus loin, abattre ces balevres, & ne laisser subsister que la place de la pierre, dont on unira le tour avec la lime, ou avec un canif. Le cachet ou empreinte étant formé, on le moulera dans un creuset rempli de tripoli, de la même maniere que si on vouloit mouler une pierre, & l’on imprimera de même au grand feu dans ce moule, un morceau de verre, en observant tout ce qui a été prescrit ci-dessus. On enseignera dans la suite la maniere de faire les empreintes en soufre.

Quant à celles qui seront faites en cire d’Espagne, on les appliquera sur de petits morceaux de bois, ou sur du carton fort épais, pour empêcher qu’elles ne se tourmentent ; car s’il arrivoit que la carte ou le papier sur lesquels elles auroient été mises, pliassent dans le tems qu’on les imprime sur le tripoli, la cire d’Espagne se fondroit, & le tripoli venant à s’insinuer dans ces fentes, on ne pourroit éviter que l’impression en verre ne fût traversée de raies, qui la défigureroient horriblement, ou qui feroient penser que la pierre qui a fourni le modele, auroit été cassée.

Enfin pour que la pierre contrefaite imite plus parfaitement son original, il est nécessaire de lui faire avoir une forme bien réguliere, & qu’elle soit exactement ronde, ovale, &c. Pour cet effet on la fera passer sur la meule, l’usant sur son contour aux endroits qui ne seroient pas unis. La pâte de verre ainsi perfectionnée, on la monte en bague, ou on la con-

serve dans des layettes, comme les véritables pierres

gravées ; & l’on peut assurer que, pour ce qui concerne le travail du graveur, elle fait à peu-près le même plaisir, & sert aussi utilement pour l’instruction que ces dernieres. Je dois avertir qu’au lieu de creuset, il y a des gens qui emploient un anneau de fer, ce qui revient au même ; cet anneau dure plus long-tems, & c’est l’unique avantage qu’il peut avoir sur le creuset.

Soit que le verre représente un relief, soit qu’il se charge du travail de la gravure en creux, on ne peut, en suivant le procédé dont on vient de rendre compte, qu’imiter une pierre d’une seule couleur, & jamais on n’exprimera les variétés & les différens accidens de couleurs d’un camée. Voilà cependant ce que les anciens ont sû faire dans la plus grande perfection ; & l’on doit regretter la perte d’un secret si propre à multiplier des ouvrages aussi excellens que singuliers.

On voit des pierres factices antiques, qui semblent être de véritables agates-onyx. Je ne parle point de ces sardoines-onyx, où pour contrefaire cette espece de pierre fine, qui quand elle étoit régulierement belle, n’avoit point de prix, un ouvrier patient & adroit, colloit ensemble trois petites tranches d’agates fort minces, & parfaitement bien dressées, l’une noire, la seconde blanche, & la troisieme rouge, & le faisoit si habilement, que les joints ne paroissant absolument point, & les agates ayant été bien assorties pour les nuances, il n’étoit presque pas possible d’appercevoir la fraude, & de s’en garantir. Eh ! qui sait si dans les sardoines-onix que nous admirons, il ne s’en trouve pas quelqu’une d’artificielle, & où l’on a usé anciennement de la supercherie que je viens de faire observer ? Mais ce n’est pas ce qu’il s’agit d’examiner présentement ; il n’est question que des pâtes qui ont été jettées dans des moules, & avec lesquelles les anciens ont si heureusement imité les camées.

Il n’étoit guere possible de pousser plus loin que le firent les Romains, l’art de contrefaire les camées, & je pense que si l’on veut les égaler, il faut de toute nécessité pénétrer leur manœuvre, & la suivre de point en point. Qu’on cherche tant qu’on voudra, qu’on fasse diverses tentatives, qu’on multiplie les expériences, il n’y aura jamais que la matiere seule de la porcelaine qui soit convenable pour rendre avec une apparence de vérité, les figures en bas-relief, qui dans les agates naturelles, se détachent en blanc sur un fond de couleur ; & il ne faut pas desespérer, si l’on s’y applique sérieusement, qu’on n’y réussisse à la fin. Quelques essais assez heureux, semblent l’annoncer & le promettre.

Nous avons vû cependant quelques personnes tenir une autre route, & en soudant ensemble des tranches de verre diversement colorié, à peu-près comme les anciens en avoient usé avec l’agate, entreprendre de faire des camées factices presque semblables aux véritables. Ils ont cru que l’imitation se feroit avec d’autant plus de succès, que les morceaux de verre qu’ils employoient étant mis dans un creuset avec de la chaux, du plâtre ou de la craie, appellée blanc d’Espagne ou tripoli (en observant de poser alternativement un lit de chaux ou de plâtre, & un lit de verre), & étant poussés à un feu très-violent, perdent leur transparence, & deviennent même à la fin tout-à-fait opaques, & bons à être travaillés sur le touret comme l’agate. Ces morceaux de verre ainsi calcinés, on en prend deux, l’un blanc & l’autre de couleur, on les applique l’un contre l’autre, & les mettant ensemble en fusion sous la moufle, les deux tranches s’unissent en se parfondant, & n’en font plus qu’une, conservant cependant chacune leur propre couleur. Si l’on veut s’épargner cette peine, on peut prendre quelque morceau de ces verres peints, que