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toient, & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d’imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d’avoir fait ses têtes trop plates : elles manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s’élevent pas assez l’une de l’autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l’art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes.

Jordane le Napolitain, que ses compatriotes appelloient ilfapresto ou dépêche-besogne, étoit, après Teniers, un des grands faiseurs de pastiches, qui jamais ait tendu des pieges aux curieux. Fier d’avoir contrefait avec succès quelques têtes du Guide, il entreprit de faire de grandes compositions dans le goût de cet aimable artiste, & dans le goût des autres éleves de Carache. Tous ses tableaux qui représentent différens événemens de l’histoire de Persée sont peut-être encore à Gènes. Le marquis Grillo, pour lequel il travailla, le paya mieux que les grands maîtres dont il se faisoit le singe, n’avoient été payés dans leur tems. On est surpris en voyant ces tableaux, mais c’est qu’un peintre qui ne manquoit pas de talens ait si mal employé ses veilles, & qu’un seigneur génois ait fait un si mauvais usage de son argent.

Il est bien plus aisé d’imiter les portraits & les paysages que l’ordonnance, parce qu’il ne s’agit que de contrefaire la main. La copie qu’André del Sarto fit du portrait de Léon X. peint par Raphaël, trompa Jules-Romain lui-même, quoique ce peintre en eût fait les habits.

Le Loir (Nicolas) copioit si bien à force d’étude les paysages du Poussin, qu’il est difficile de distinguer la copie d’avec l’original.

On rapporte que Bon Boullogne saisissoit à merveille la maniere du Guide. Il fit un excellent tableau dans le goût de ce maître, que monsieur, frere de Louis XIV, acheta sur la décision de Mignard pour un ouvrage du peintre italien ; cependant le véritable auteur ayant été découvert, Mignard déconcerté dit plaisamment pour s’excuser, « qu’il fasse toujours des Guides, & non pas des Boullognes ».

Pour découvrir l’artifice des pastiches, on n’a guere de meilleur moyen que de les comparer attentivement avec l’expression & l’ordonnance du peintre original, examiner le goût du dessein, celui du coloris & le caractere du pinceau. Il est rare qu’un artiste qui sort de son genre ne laisse échapper quelques traits qui le décelent. (D. J.)

PASTILLE, s. f. (Parfumeur.) est une pâte que les Parfumeurs font de gomme adragant, de clous de gérofle, de bejoin, brouillés avec l’eau de senteur ou commune. On en fait de bonnes à manger, d’autres qui ne sont propres qu’à brûler pour répandre une odeur agréable.

Les anciens aimoient les pastilles ; ils avoient des personnes qui en trafiquoient. Martial, l. II. p. 88, fait mention d’un Cosmus fameux par ses pastilles.

Ne gravis Hesterno fragres, fescenia, vino,
        Pastillos Cosmi luxioriosa voras.

Il ajoute qu’on a beau avoir dans la bouche des pastilles pour corriger la mauvaise odeur de son haleine, & qu’il se fait un mélange qui la rend encore plus insupportable.

Quid quod olet gravius mixtum diapasmate virus ?
        Atque duplex animo longius exit odor.

Cette apostille n’est pas vraie, parce qu’il y a des pastilles de bouche qu’on mange, qui adoucissent la mauvaise haleine, & qui servent à la santé. Telles sont les pastilles de cachou. (D. J.)

Pastille, en terme de Confiseur ; c’est une espece de pâte de sucre, dont on dresse des porcelaines pour les desserts ; il y a plusieurs sortes de pastilles qui prennent leur dénomination de la matiere principale qui entre dans leur composition, comme pastilles de canelle, de violette, &c.

PASTO, S. Juan de (Géog. mod.) ville de l’Amérique méridionale dans Popayan. Long. 303. lat. l. 30. (D. J.)

PASTOPHORE, s. m. (Antiq. Greq.) les pastophores étoient des especes de prêtres, ainsi nommés par les Grecs, à cause de leurs longs manteaux, ou parce qu’ils étoient employés à porter le lit de Venus, παστὸς, dans certaines cérémonies ; mais ils pratiquoient la médecine en Egypte. Clément d’Alexandrie dit, en parlant des quarante-deux livres sacrés de Mercure égyptien, qu’on gardoit avec tant de soin dans les temples d’Egypte, qu’il y en avoit six appartenant à la Médecine, & que l’on les faisoit étudier aux pastophores, pour l’exercice de cet art. Le premier traitoit de la structure du corps ; le second, des maladies en général ; le troisieme, des instrumens nécessaires ; le quatrieme, des medicamens ; le cinquieme, des maladies des yeux ; & le sixieme, des maladies des femmes. Les pastophores, selon Diodore de Sicile, promettoient de se conformer aux préceptes de cet ouvrage sacré ; alors si le malade périssoit, on ne leur en attribuoit point la faute ; mais quand ils s’étoient écartés des ordonnances, & que le malade venoit à mourir, on les condamnoit comme des meurtriers. Les autres trente-six livres de Mercure ne regardoient point la Medecine, ils ne concernoient que la philosophie égyptienne ; les sacrificateurs & les prophetes en faisoient leur étude.

PASTOPHORIE, (Critiq. sacrée.) en grec παστοφόριον : on dérive ce mot de παστὰς, atriùm, thalamus, porticus, portique, chambre, vestibule ; ou de παστὸς, qui signifie un grand voile que l’on mettoit aux portes des temples, sur-tout en Egypte. Les prêtres qui avoient soin de lever ce voile pour faire voir la divinité, étoient appellés pastophores ; & les appartemens où ils logeoient attenant le temple, pastophoria. Isaïe xxij. donne pareillement ce nom aux logemens des prêtres qui étoient autour des galeries du temple de Jérusalem. On appella aussi pastophorium la tour sur le haut de laquelle le sacrificateur en charge sonnoit de la trompette, & annonçoit au peuple le sabbat & les jours de fêtes. Ce mot passa depuis aux Chrétiens, qui appellerent pastophoria les appartemens joignant les grandes églises, où se tenoient les prêtres qui les desservoient, & où les fideles leur portoient des offrandes, soit pour leur entretien, soit pour d’autres besoins. Quelques auteurs ont imaginé que chez les chrétiens pastophorium signifioit un ciboire, parce qu’il est ordonné dans un endroit des constitutions apostoliques, qu’après la communion des hommes & des femmes, les diacres portent les restes dans le pastophorium ; mais outre que l’usage des ciboires étoit inconnu dans ce tems-là, ce terme veut dire la chambre, l’appartement qui étoit voisin du temple. (D. J.)

Le nom de pastophorie a encore diverses acceptions. Cuper prétend que c’étoit une habitation où demeuroient les prêtres destinés à porter en procession la châsse, l’image, ou la représentation des dieux. D’autres ont crû que c’étoit une petite maison, où demeuroient ceux qui avoient la garde des temples. M. Lemoine convient que c’étoit chez les payens, comme chez les chrétiens une cellule à côté des temples, où l’on portoit les offrandes, & où l’évêque les distribuoit. (D. J.)

PASTORALE, Poésie (Poésie) on peut définir