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quantité est ordinairement de vingt, dont on garnit une banque, telle qu’elle est représentée par la fig. 60. Cette banque est placée à une certaine distance d’un moulin 1, 1, dont la roue inférieure est de cuivre, & celle de dessus de bouis. Devant le moulin est placé une espece de rateau 2, 2, pour recevoir les branches de soie de 60 fils, destinées à former la nompareille. Lorsqu’il s’agit de faire la nompareille, on fait chauffer beaucoup la roue, & à proportion des couleurs destinées, après quoi on passe les branches entre les deux roues tournées par deux forts hommes, & arrêtées de façon qu’elles ne puissent vaciller. Il faut prendre garde de ne point arrêter le moulin quand la roue de cuivre est chaude, parce qu’elle brûleroit celle de bouis. C’est pourquoi cet ouvrage doit être conduit par une personne entendue. Chaque branche de soie doit être enveloppée de papier, tant pour empêcher que les bouts de soie ne se collent aux roues, que pour donner la facilité à les recevoir de l’autre côté. Après qu’on a passé plusieurs branches, & qu’elles se trouvent dans la corbeille marquée 3, on les releve séparément, ainsi qu’il est représenté par la fig. 4. & on les met sur des bobines pour achever leur préparation. Cet ouvrage, qui n’a acquis en passant au moulin qu’une espece de consistance par l’applatissement des 60 fils de soie, qui ne sont point liés, & qui pourroient se désunir, est ensuite gommé. Les rognures de parchemin mêlées avec de la gomme arabique forment la composition pour le second apprêt, qui est indiqué par une bobine marquée 5, mise à la banque, dont le bout de nompareille, en se déroulant par le tirage du dérouloir 6, passe dans le vaisseau 7 pour se changer de gomme, étant conduit par la main 8, qui tient une petite verge de cuivre, dont les bouts portent contre les surfaces intérieures du vaisseau. à une certaine élevation suffisante pour laisser passer librement la nompareille, qui doit toujours y passer à plat pour éviter le tors ; elle est enroulée à mesure par le dévuidoir appellé séchoir, qu’une personne fait tourner avec le pouce de la main droite, pendant que de la gauche elle conduit le bout en l’arrangeant sur le dévidoir chaque tour, l’un à côté de l’autre, & non jamais l’un sur l’autre, crainte qu’ils ne se collent ensemble. On passe une poële de feu sous le dévidoir pour sécher la nompareille, comme on le voit dans les figures, après quoi la nompareille est levée sur la main de bois pour la plier, étant perfectionnée par cette derniere opération.

Fig. 61. deux ouvriers qui séparent les branches de nompareille au sortir du moulin.

Fig. 62. une femme qui tourne le dévidoir pour recevoir la nompareille gommée.

Fig. 63. ouvrier qui conduit la nompareille sur le dévidoir.

Fig. 64. ouvrier qui gomme la nompareille.

Fig. 65. ouvriere qui tire la nompareille quand est gommée.

Du tors. Tordre est l’action de joindre plusieurs brins d’or, d’argent ou soie ensemble, pour n’en former qu’un seul ; ce qui se fait en diverses façons par le moyen du rouet à retordre & à détordre. Il y a plusieurs sortes de retords, dont les parties sont connues sous les noms de milanoise, graine d’épinards, cordons pour les galons à chainettes, retors pour les franges, piquures pour les livrées, cordonnets pour les agrémens, cordonnets à broder, cablés pour les galons, grisettes pour les galons, frisés pour les galons, & la gance ronde pour faire des boutonneries mobiles, or ou argent. Il est nécessaire de traiter chacune de ces sortes d’ouvrages séparément en commençant par la milanoise.

1°. De la milanoise. Elle se fait ainsi. On tend une longueur de soie à volonté, attachée d’un bout à la mo-

lette du pié-de-biche du rouet. Lorsqu’elle est ainsi

attachée, le retordeur forme sa longueur en s’en allant à l’autre bout de la longueur, pendant lequel tems le rouet est tourné modérément de droite à gauche ; étant parvenu au bout de la longueur, il attache l’autre bout à l’émerillon du pié. Cette longueur est de plusieurs brins unis ensemble, suivant la grosseur que doit avoir la milanoise ; par ce moyen ces brins se tordent ensemble, & n’en forment plus qu’un seul. Lorsque l’ouvrier connoît que cette longueur a acquis assez de tord, le rouet est arrêté ; & pour lors il attache à l’émerillon un moyen retors de la même matiere fait à part ; après le rouet est remis en mouvement dans le même sens que la premiere fois : le retordeur avance en approchant très-doucement du côté du rouet, en conduisant la premiere couverture de la longueur, c’est-à-dire, que la soie qui s’y enroule prend sur la longueur tendue la figure spirale, dont les tours sont à peu de distance des uns aux autres. Arrivé au rouet, le tourneur cesse, & le retordeur attache encore à la molette une autre quantité de brins de soie, mais plus fine que les premieres, puisque ce sont les seules que l’on verra, les autres se trouvant toutes couvertes par celle-ci : il s’en retourne pour aller rejoindre le pié ; mais en marchant bien plus lentement que la seconde fois, puisqu’il faut que les tours de cette derniere couverture soient si près après, qu’aucune partie de ce qui est dessous ne paroisse. Ces tours sont arrangés de façon qu’ils forment une égalité parfaite, qui dépend de l’exactitude de cette derniere couverture ; puisque s’il y avoit du vuide, on appercevroit le fonds : si au contraire les tours se trouvoient tellement entassés les uns sur les autres, l’ouvrage seroit difforme, & employeroit trop de matiere. La milanoise sert à embellir les ameublemens à broder, à orner les têtes des franges. Dans toutes les opérations qui vont suivre, cette égalité est absolument nécessaire, puisqu’elle dépend de l’habileté de l’ouvrier, & d’elle la perfection de l’ouvrage. Ce qui vient d’être dit de cette longueur doit s’entendre de toutes les autres : on dira seulement qu’il est à propos de donner le plus d’étendue qu’il est possible à ces longueurs pour éviter le déchet occasionné par la multiplicité des nœuds. Ce travail se fait ordinairement dans de longs jardins pour avoir plus de place pour les longueurs. Voyez les Pl.

2°. De la graine d’épinards. C’est tout un autre travail. Il y a deux sortes de graines d’épinards, 1°. celle en or ou argent, & celle en soie dans la quelle il y a différence de travail : celle en or ou argent se fait ainsi. Un brin de filé de certaine grosseur, appellé filé rebours, parce qu’il a été filé à gauche, est attaché à l’émerillon, & conduit à la molette du pié-de-biche du rouet ; où étant attaché, on y joint un autre brin de filé droit, mais bien plus fin que l’autre, qui va servir par le moyen du tour à droite du rouet, à couvrir le premier tendu, par des tours en spirale, comme la premiere couverture de la milanoise. Il est essentiellement nécessaire que les deux brins de filé, dont on vient de parler, ayent été filés en sens contraire, parce que s’ils étoient du même sens, le tors qu’on donne ici se trouvant en rebours du tors de l’autre détordoir, celui-ci feroit écorcher le filé. La graine d’épinards sert à former la pente de certaines franges pour les carrosses d’ambassadeurs, pour les dais, pour les vestes, &c. La graine d’épinards en soie se fait d’une autre façon. On attache une quantité de brins de soie (contenue sur différens rochets qui sont à une banque), à une des molettes du croissant 1, 2 en a du rouet, fig. 66. cette branche est ensuite passée sur une coulette tournante b, que tient le tourneur du rouet. Après cette même branche est passée sur une autre coulette tournante 3, fixée en 4 sur le montant 5 du rouet, puis encore passée sur une même