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Euxin : mais dès le lendemain ayant profité d’un vent favorable, ils rentrerent dans le canal, passerent devant Bysance, & allerent aborder au port de Cyzique ; ils pillerent cette grande ville, ravagerent la côte de la Propontide où étoit située la ville de Parium, passerent le détroit de l’Hellespont, firent le dégât dans les îles de Lemnos & de Scyros, aborderent dans la Grece, où ils prirent & brûlerent Athènes, Corinthe, Argos, Sparte, & mirent à feu & à sang toute l’Achaïe. Les Athéniens les battirent dans un défilé ; mais cet échec n’arrêta pas leurs ravages, ils se répandirent dans l’Illyrie. L’Empereur Gallien se réveilla de son assoupissement en cette occasion ; il alla en personne secourir ces provinces désolées : il attaqua & vainquit les Barbares, & obligea leur chef de se rendre. L’empereur retourna en Italie, & chargea le général Marcien de poursuivre ces Barbares : celui-ci les battit plusieurs fois, & les força de passer le Danube, & de sortir des terres de l’empire. L’Asie mineure, délivrée de ces redoutables ennemis, célébra sans doute la victoire de Gallien par des réjouissances publiques. La ville de Parium, qui avoit été exposée à leurs ravages, fit élever alors cet arc-de-triomphe. C’est un édifice composé de trois arcades, sur lequel l’empereur paroît dans un char attelé de deux éléphans au milieu de deux victoires, qui lui présentent une couronne de laurier.

Au reste, il faut savoir que ΠΑΡΙΩΝ sur les médailles désignent les habitans de l’île de Paros, & ΠΑΡΙΑΝΩΝ ceux de Parium, dont Auguste fit une colonie. La plûpart des types des médailles de Parium sont relatifs à l’établissement de la colonie ; on y voit le colon ou laboureur traçant avec la charrue l’enceinte de la ville & les limites du territoire ; la louve avec les jumeaux, symbole d’une origine romaine ; le capricorne, symbole d’Auguste ; les enseignes militaires qui furent portées à la tête des vétérans lorsqu’ils furent conduits à ce nouvel établissement, le génie de la colonie.

On a d’autres médailles qui représentent aussi les divinités de Parium ; Apollon & Diane, cette Diane que les anciens appelloient Lucifera. On y voit aussi Cupidon. Enfin le dieu des jardins, qui avoit donné son nom à une ville voisine de Parium, nommée Priapus, paroît aussi sur ces médailles. (Le chevalier De Jaucourt.)

PARJURE, s. m. (Jurisprud.) est le crime de celui qui a fait sciemment un faux-serment ; on entend aussi par le terme de parjure celui qui a commis ce crime.

On appelle également parjure celui qui a fait un faux-serment, en affirmant véritable un fait qu’il savoit être faux, & celui qui a manqué volontairement à son serment en n’accomplissant pas la promesse qu’il a faite sous la foi & la religion du serment.

Il seroit assez difficile de déterminer par les textes de droit ; si le crime de parjure est punissable, & de quelle maniere.

En effet, d’un côté la loi derniere ff. de stellion. dit que le parjure doit être puni du bannissement, & la loi 13. au ff. de jure jur. qu’on doit le condamner au fouet ; la loi 41. au code de transactionibus dit qu’il est infâme, & la loi 17. au code de dignitati. qu’il doit être privé de ses dignités ; les lois du code prononcent aussi que le parjure n’est plus reçu au serment, qu’il ne peut plus être témoin, ni agir en demandant.

Mais d’un autre côté, la loi 2. au code de rebus creditis, dit que le parjure ne doit point être puni par le prince, parce que c’est assez qu’il ait Dieu pour vengeur de son crime.

Cependant nos rois n’ont pu souffrir qu’un crime qui offense Dieu si grievement, & qui est en même

tems des plus préjudiciables à la société civile, demeurât sans punition.

Suivant les capitulaires de Charlemagne & de Louis le débonnaire, la peine du parjure est d’avoir la main droite coupée.

Par l’ordonnance de S. Louis en 1254, qui est rapportée dans le style du parlement, le bénéfice d’appel est dénié à celui qui a été condamné pour crime de parjure, mais elle ne regle point la peine à laquelle il doit être condamné.

L’ordonnance de Charles VII. sur le fait des aides, art. xiv. dit que si le parjurement se prouve, celui qui se sera parjuré, sera condamné en une amende arbitraire envers le roi & envers le fermier, & aux dépens, dommages & intérêts du fermier.

Par l’art. 593. de l’ancienne coûtume de Bretagne, qui est le 638. de la nouvelle, tout homme qui est condamné & déclaré parjure, perd tous ses meubles, & les confisque au profit du seigneur en la justice duquel il est condamné.

L’art. 40. de la même coûtume, qui est le 37. de la nouvelle, porte que tout officier de justice qui est convaincu de parjure est infâme, & incapable d’être juge & de tenir aucun autre office public.

Enfin l’art. 362. de la coûtume de Bourbonnois déclare que si aucun affirme frauduleusement qu’il mene aucune chose par Paris pour gens privilégiés, & il est convaincu du contraire, il est puni comme parjure à l’arbitrage du juge.

On voit par ces différentes lois qu’en France le parjure a toujours été regardé comme un crime très-odieux, & que l’on punit celui qui en est convaincu, mais que la peine en est arbitraire ; quelquefois on condamne en une amende honorable, ou, en tous cas, en une amende pécuniaire envers le roi, & une réparation envers la partie ; tout cela dépend des circonstances.

Mais la recherche de ce crime est assez rare, soit parce qu’il est difficile de prouver que celui qui a commis un parjure l’a fait sciemment, soit parce que, suivant la loi 1. au code de rebus creditis, on ne peut, sous prétexte de parjure, faire retracter le jugement qui a été rendu sur le serment déféré à une partie par son adversaire, ensorte que l’on ne pourroit agir que dans le cas où le serment a été déféré par le juge, & que depuis le jugement l’on a trouvé de nouvelles pieces qui prouvent la fausseté du serment, comme il est dit en la loi 31. ff. de jure jurando.

Cependant plusieurs auteurs, entre lesquels est M. d’Argentré, sur l’art. 593. de l’ancienne coûtume de Bretagne, tiennent qu’après la prestation de serment déféré, même par la partie adverse, la preuve du parjure doit être reçue, & le jugement intervenu sur icelui retracté. Si la preuve du parjure est prompte & évidente, comme si un débiteur avoit dénié par serment le prêt qui lui avoit été fait, croyant que la promesse fût perdue, ou qu’un créancier de mauvaise fois eût dénié le payement qui lui auroit été fait, & que l’un ou l’autre fût convaincu de mauvaise foi par la représentation de la promesse ou quittance qui auroit été recouvrée depuis.

Mais il faut bien prendre garde que par le canon 5. caus. 22. quest. v. qui est tiré de S. Augustin, il est expressément défendu de provoquer au serment celui qu’on peut convaincre de parjure aussi-tôt qu’il aura affirmé ; car en ce cas dit ce saint pere celui qui défere le serment, est homicide de son ame & de celui qu’il fait jurer.

Ainsi celui qui ayant en main des promesses, des quittances ou autres pieces pour convaincre sa partie, au lieu de les lui communiquer, les lui dissimuleroit & lui déféreroit le serment malicieusement, pour faire tomber cette partie dans un parjure, seroit lui-même très-coupable.