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long-tems on avoit fait de la tuile. Elle prit, pour exécuter son dessein, Philibert de Lorme & Jean Bulan, tous deux françois & les plus habiles de ce tems. Il ne fut composé que du gros pavillon carré du milieu, de deux corps de logis qui ont une terrasse du côté du jardin, & de deux autres petits pavillons qui les suivent. Ces cinq pieces qui forment ce palais, avoient de la régularité & de la proportion. Les faces des deux côtés qui regardent la cour ou la principale entrée par la place du Carousel, sont décorées d’une architecture de très-bon goût. Le gros pavillon du milieu, couvert en dôme carré, est orné de trois ordres de colonnes de marbre ; savoir de l’ionique, du corinthien & du composite, avec un attique encore au-dessus. Les colonnes du premier ordre sont bandées & ornées sur les bandes de diverses sculptures, travaillées sur le marbre. Du côté du jardin, ces mêmes ordres ne sont que de pierre. Dans la restauration que Louis XIV. fit faire dans ce palais en 1664 sur les desseins de Louis le Vau, dont François d’Orbay a eu toute la conduite, on ajouta à ce pavillon le troisieme ordre avec un attique, afin que l’exhaussement répondît à tout le reste.

Aujourd’hui toute la face de cet édifice est composée de cinq pavillons & de quatre corps de logis de 168 toises 3 piés de longueur, dont l’architecture est traitée diversement, ce qui n’empêche pas que le tout ensemble n’ait une grande apparence qui embellit infiniment les vûes du jardin des Tuileries, dont l’étendue a été distribuée d’une maniere si ingénieuse, que dans un espace de 360 toises de longueur sur 168 de largeur, on trouve tout ce qu’on peut souhaiter dans les plus charmantes promenades.

Au-delà des Tuileries, sur le bord de la riviere, est le Cours, appellé communément le Cours de la reine. Marie de Médicis le fit planter, pour servir de promenade. Il étoit long de 1800 pas, & composé de trois allées, qui formoient quatre rangées d’ormes, faisant ensemble 20 toises de longueur.

Proche du Guichet, on trouvoit deux églises, dont l’une S. Nicolas du Louvre desservie par des chanoines, & l’autre S. Thomas du Louvre, avec un chapitre dans la rue de ce même nom, sont aujourd’hui réunies sous un même titre.

L’origine de l’église de S. Germain l’Auxerrois, paroisse du Louvre, est inconnue. Il est certain qu’on appelloit simplement du nom de S. Germain dès le vij. siecle l’église qui étoit bâtie à cette place. Il n’y a aucun indice avant le xiv. siecle qu’on y eût honoré S. Vincent. Le bâtiment de cette église, tel qu’on le voit à présent, est de différens siecles.

Le quartier S. Honoré a été ainsi nommé de la rue de ce nom, l’une des plus grandes de Paris, dont l’extrémité donne dans la rue de la Feronnerie. La premiere chose un peu remarquable qu’on distingue ensuite, est la croix du Terroir ; elle est au coin de la rue de l’Arbre-sec, appuyée sur l’angle d’un pavillon. Son nom a fort varié dans les anciens titres ; tantôt c’est la croix du Traihouer, Trayoir, tantôt la croix du Triouer, Tiroer, & enfin Tiroir. C’est-là que se fait la décharge des eaux d’Arcueil, qui passent sous le pavé du pont-neuf.

En avançant dans la même rue, on trouve l’église des peres de l’Oratoire. Ces peres furent établis à Paris par le cardinal de Berulle le 11 Novembre 1611. Ils logerent d’abord à l’hôtel de Valois, fauxbourg S. Jacques ; ensuite ils vinrent à l’hôtel du Bouchage ; quelque tems après, on jetta les fondemens de leur église. Un peu plus haut de l’autre côté de la rue, on voit l’église de S. Honoré, qui n’a rien de remarquable. Le palais-royal qu’on découvre ensuite, a été bâti de fonds en comble, pour servir de

logement au cardinal de Richelieu, & fut nommé de son tems hôtel de Richelieu, & ensuite palais-cardinal.

A peu de distance de-là, vis-à-vis la rue de Richelieu, est l’hôpital des Quinze-Vingts, que S. Louis fit bâtir en 1254 pour trois cens gentilshommes aveugles qu’il ramena de la Terre-sainte, où ils avoient perdu la vûe en combattant contre les Sarrasins. Plus haut de l’autre côté est l’église paroissiale de S. Roch, qui a été extrèmement aggrandie. L’église des Jacobins qu’on rencontre ensuite n’est remarquable que par une chapelle, où est élevé en marbre blanc le tombeau du maréchal de Créqui, mort en 1687. Le couvent des Feuillans qu’on trouve dans la même rue, a toutes les commodités que peut desirer une nombreuse communauté : l’église fut commencée en 1601, & le roi Henri IV. y mit la premiere pierre : Louis XIII. en fit faire le portail l’an 1624. Le couvent des Capucins n’est éloigné de celui des Feuillans que d’un fort petit espace, tout y est très-simple : leur église fut bâtie par les ordres d’Henri III. & son favori, nommé le P. Ange de Joyeuse, qui mourut en 1608, y fut enterré vis-à-vis le grand autel.

Le monastere des filles de l’Assomption est un peu plus avant du même côté. Ces religieuses demeuroient autrefois dans la rue de la Mortellerie, proche de la Greve, où elles étoient hospitalieres ; on les nommoit Haudriettes, à cause d’Etienne Haudri, écuyer du roi saint Louis, qui les avoit fondées pour loger & pour servir les pauvres malades. Cette communauté s’étant accrue dans la suite, & se trouvant resserrée en ce lieu-là, vint s’établir en 1622 dans l’endroit où elle est présentement. C’étoit une place vuide qui s’étendoit jusqu’aux fossés de la ville. Le cardinal de la Rochefaucauld introduisit parmi ses religieuses la regle de S. Augustin qu’elles suivent aujourd’hui. Vis-à-vis du monastere de l’Assomption est celui des filles de la Conception ; ce sont des religieuses du tiers-ordre qui l’occupent.

L’hôtel de Vendôme étoit autrefois au lieu que l’on appelle aujourd’hui la place de Vendôme : cette place est de 78 toises de largeur, & 86 de profondeur. La statue équestre de Louis XIV. est posée au milieu sur un piédestal de marbre fort élevé, où sont autour du piédestal quatre inscriptions composées par l’académie des Belles-Lettres, pour-lors des médailles, mais elles ne sont pas modelées sur le bon goût de la Grèce & de Rome. Notre style lapidaire avec son enflure n’est bon qu’à soufler des nains, dit ingénieusement M. J. J. Rousseau.

L’une de ces inscriptions porte, Ludovico Magno, Victori Perpetuo, Religionis Vindici, Justo, Pio, Felici, Patri Patriæ..... Quo imperante securè vivimus, neminem timemus, &c. Ce neminem timemus ne respire pas le style lapidaire. D’ailleurs il ne falloit pas faire parler les représentans de la ville, comme parlent de petits bourgeois.

La seconde inscription roule sur la révocation de l’édit de Nantes, sujet de désastres & non de triomphes, de politique mal-entendue & non de gloire religieusement acquise.

La derniere inscription est l’éloge fastueux des conquêtes de Louis XIV. Cette inscription finit par dire : Asia, Africa, America, sensere, quid Marte posset. Bellum latè divisum atque dispersum, quod conjunxerant reges potentissimi, & susceperant integræ gentes, mirâ prudentiâ, & felicitate confecit. Regnum, non modò à belli calamitate, sed etiam à metu calamitatis, defendit. Europa, damnis fatigata, conditionibus ab eo latis, laudem acquievit, & cujus virtutem & consilium armata timuerat, ejus mansuetudinem & æquitatem, pacata miratur, & diligit.

Le quartier de la butte S. Roch peut suivre celui de S. Honoré : il a été appellé ainsi à cause d’une