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appellé autrefois le college de Clermont, parce qu’un évêque de Clermont l’avoit fondé.

Il y a à Paris six académies royales, l’académie françoise établie en 1635 ; celle des Inscriptions & Belles-lettres, en 1663 ; celle des Sciences, en 1666 ; celle de Peinture & de Sculpture, en 1648 ; celle d’Architecture, en 1671 ; & celle de Chirurgie, en 1748.

Il y a cinq bibliotheques publiques ; celle du roi tient le premier rang dans le monde littéraire par l’étendue des bâtimens, par le grand nombre de livres & de manuscrits, & par son assemblage de médailles, d’estampes, &c.

Il y a trois sortes de prisons, comme si le gouvernement n’étoit pas un ; la prison du roi, celle s du parlement, la conciergerie & le châtelet ; & celle de l’archevêché, l’officialité.

Les principaux hôpitaux sont l’hôtel-dieu, & l’hôpital-général qui en comprend d’autres.

Les célebres manufactures de Paris sont celles des glaces dans le fauxbourg S. Antoine, & celle des Gobelins pour les belles tapisseries, dans le fauxbourg S. Marceau.

Louis XIV. a fait bâtir près de la porte S. Jacques un observatoire consacré à l’Astronomie. Ce noble, utile, grand & simple édifice s’abîmera incessamment, si l’on n’en prévient la ruine prochaine.

Parmi les grands établissemens faits à Paris, on doit mettre celui des Invalides ; c’est un hôtel magnifique fondé par Louis XIV. pour servir de retraite aux officiers & soldats qui ont passé vingt ans au service, ou qui ont été estropiés, & hors d’état de servir davantage. Louis XV. a fait un nouvel établissement plus utile. C’est une école militaire consacrée à l’éducation de cinq cens jeunes gentilhommes, qui sont entretenus & instruits dans toutes les sciences convenables à leur état.

Personne n’ignore qu’il y a dans Paris un grand nombre de jurisdictions, parlement, le plus ancien & le plus étendu du royaume, chambre des comptes, cour des aides, grand-conseil, cour des monnoies, bureau des finances, chambre du domaine, jurisdiction des eaux & forêts, châtelet, consuls, bailliage du palais, connétablie, maréchaussée, élection, gremer à sel, &c.

On a tenu plusieurs conciles à Paris ; le premier, un des plus considérables, se tint contre les Ariens, en 362. Le roi Gontran assembla, en 575, le quatrieme concile de Paris, pour terminer le differend entre Chilperic & Sigebert ; mais cette assemblée fut sans aucun effet. Le cinquieme concile de Paris fut convoqué en 624 par les soins de Clotaire II. pour la réforme des abus ; 79 évêques y assisterent, & l’on ne reforma rien. Philippe-Auguste fit tenir en 1186 & 1187, deux conciles à Paris pour délibérer sur le moyen de sécourir la Terre-sainte. Dans le dernier, on lui accorda la dixme dite saladine, parce que les deniers en devoient être employés contre le sultan Saladin. Les légats du pape célebrerent, en 1196, un concile dans la même ville, pour contraindre Philippe à quitter Agnès de Méranie. En 1202, on en tint un dans lequel on défendit la lecture d’Aristote. Jean de Nanton, archevêque de Sens, présida au concile de Paris de l’an 1429 pour la réforme de l’office divin, des ministres de l’église, des abbés & des religieux.

La situation de Paris est très-heureuse. Quatre rivieres, l’Yone, la Seine, la Marne & l’Oise lui apportent les denrées des provinces les plus fertiles ; les greniers de la Beauce sont presque à ses portes. La Seine qui depuis qu’elle est sortie de Paris, va toujours en serpentant comme un méandre, & qui, par des contours de près de cent lieues, se rend à la mer qui n’en est pas éloignée de plus de quarante-

deux, devient ainsi fort aisée à remonter, & apporte à Paris les commodités & les richesses de la Notmandie & de la mer. Cette abondance des choses nécessaires à la vie, a fait accourir à Paris une grande affluence de peuple. La résidence des rois, la proximité de Versailles, la dépendance où l’on est des ministres, le luxe, l’amour des plaisirs ont augmenté cette affluence, qui n’aura bientôt plus de bornes ; mais aussi Paris voit naître dans son sein plus de savans & de grands artistes que tout le reste du royaume.

Passons au détail de la description de cette grande ville.

Nous ignorons le tems de sa fondation, & de celui de ses premiers agrandissemens ; cependant Raoul de Presles nous fournira dans la suite quelques faits curieux. Grégoire de Tours nomme seulement les fondateurs des deux églises de S. Pierre & de S. Vincent : de sorte que si l’on peut tirer des écrits de cet auteur, quelques éclaircissemens sur l’état de la ville de Paris, ce n’est qu’en rapprochant des passages épars çà & là, en les comparant entr’eux, & avec ce que nous apprenons des écrivains qui ont vécu de son tems, ou qui sont venus après lui.

On lit dans les commentaires de César, l. VI. le premier des auteurs anciens qui a parlé de Paris, qu’il transféra l’assemblée générale de la Gaule dans la ville de Lutece des Pariens, Lutetia Parisiorum. César la nomme Oppidum, ce qui prouve qu’elle étoit déja la capitale d’un peuple, avant que ce grand capitaine en eût fait la conquête. Le transport de l’assemblée générale de la Gaule de Lutece marque que cette ville avoit pour lors une certaine considération, & des facilités de subsistance, par la fertilité du pays. Aussi les Lutéciens se conduisirent avec beaucoup de courage contre l’armée de Labienus ; ce général s’étant approché de Lutece, les habitans mirent le feu à la ville, c’est-à-dire, selon les apparences, aux maisons qui étoient près de la riviere, rompirent les ponts, & se camperent sur les bords de la Seine, ayant la riviere entr’eux & le camp de l’ennemi. Strabon & Ptolomée, qui ont écrit depuis César, honorent aussi Lutece du nom de ville ; il est vraissemblable que Lutetia est un pur nom gaulois, ou celtique.

On a découvert une inscription du tems de l’empereur Tibere sur une pierre qu’on trouva en 1710 sous l’église métropolitaine de Notre-Dame. On y lit ces mots, Nautæ Parisiaci, ce qui doit s’entendre des marchands ou notoniers de la province des Parisiens, qui formant un corps de communauté à Lutece, avoient consacré ce monument pour conserver à la postérité la mémoire de quelque evénement singulier arrivé sous Tibere, ou pour quelques actions de graces à Jupiter. Voici l’inscription. Tib. Cæsare. Aug. Jovi. Optimo. Maximo. Nautæ, Parisiaci Publicè Posuerunt.

Les Luteciens étoient les habitans de la capitale de la province des Parisiens ; mais on ignore le tems où le nom de la province est devenu celui de la capitale. Les auteurs qui dérivent le mot de Parisii de παρὰ, & d’Ἶσις, peuples sous la protection d’Isis, débitent une pure fiction, la déesse Isis n’avoit jamais été adorée dans la province des Parisiens ; & l’on n’a pas un seul ancien auteur qui le dise.

L’empereur Julien cherchant un asyle dans les Gaules, choisit Paris pour y faire sa demeure ordinaire : voici ce qu’il en raconte lui-même dans le Misopogon.

« J’étois, dit-il, en quartier d’hiver dans ma chere Lutece ; c’est ainsi qu’on appelle dans les Gaules la petite capitale des Parisiens. Elle occupe une île peu considérable, environnée de murailles, dont la riviere baigne le pié. On y entre des deux côtés