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la premiere, cette seconde peau s’appelle le contre-sommier ; l’une & l’autre servent de soutien à la peau que le parcheminier se dispose d’apprêter. La herse étant ainsi préparée, l’ouvrier étend dessus une peau qu’il attache par le haut avec un morceau de bois plat par un bout & arrondi par l’autre, & assez semblable pour la grosseur & pour la forme à la molette dont on se sert pour broyer les couleurs ; une rainure profonde de trois pouces & large d’un doigt, pratiquée dans le milieu, du côté qui est applati, & qui le traverse dans toute sa longueur, sert à retenir la peau qui se trouve saisie dans cette rainure avec le sommier & le contre-sommier ; le dedans de cette rainure ou mortaise est garni & comme rembouré d’un morceau de parchemin, afin que cet instrument contienne la peau davantage, & que le fer qu’on passe dessus à force de bras, ne la puisse faire glisser ; on nomme cet instrument un clan ou un gland, nom qu’on lui a peut-être donné de sa forme qui approche effectivement assez de celle d’un gland.

La peau étant ainsi bien contenue & appuyée sur le sommier & le contre-sommier, l’ouvrier la rature à sec avec un fer semblable à celui dont se servent les Mégissiers, à l’exception cependant qu’il est plus fin & plus tranchant ; ce fer porte environ 10 pouces de longueur sur 7 de largeur, & ressemble assez à une beche qui n’auroit point de manche & dont les côtés seroient tant-soit-peu arrondis ; le fil de son tranchant est un peu recourbé afin qu’il morde davantage ; pour se servir de ce fer on l’enchâsse par le dos dans une hoche pratiquée dans un morceau de bois long de douze à quinze pouces, tourné en forme de bobine, un peu plus enflé vers son milieu qui est l’endroit où se trouve la hoche qui enferre l’outil ; cette hoche ou rainure est garnie en-dedans d’un petit morceau de parchemin simple ou double, afin que l’outil soit mieux assujetti & qu’il ne vacille point ; les deux bouts de ce morceau de bois servent de poignée, celui d’en-haut que l’ouvrier tient de la main gauche est un peu plus court que l’autre, de sorte que cette main dont l’action est de pousser le fer de haut en bas, est d’autant plus sure de son coup qu’elle est plus proche de l’outil ; on fait passer ce fer à force de bras depuis le haut de la peau jusqu’en bas, & on en enleve à plusieurs reprises environ la moitié de son épaisseur, tant du côté de la fleur que du côté du dos ; la peau ayant été ainsi raturée à sec sur toute sa superficie, & le plus également qu’il a été possible, on la leve de dessus la herse, & on l’étend sur une espece de banc long de trois piés, large de quinze à dix-huit pouces, couvert dans le milieu d’une peau de parchemin rembourée, & que l’on nomme selle à poncer, parce que c’est effectivement sur ce banc qu’on fait passer la pierre-ponce sur les deux côtés de la peau, afin d’en faire disparoître toutes les petites inégalités que le fer auroit pu laisser, & de l’adoucir : la façon de raturer les peaux à sec sur le sommier est la plus difficile de toutes celles que l’on donne au parchemin, & il est même surprenant comment le parcheminier peut, sans couper la peau, faire couler dessus du haut en bas, en appuyant de toutes ses forces un fer qui coupe comme un rasoir, & dont le tranchant recourbé devroit faire une incision à la peau aussi-tôt qu’on le pose dessus, ce qui arrive cependant très-rarement.

Aussi-tôt que le parchemin est poncé, l’ouvrier lui met sa marque particuliere, & alors il est en état d’être vendu. On le livre ou à la botte contenant trente-six peaux, ou au cent en compte ; on se sert de parchemin dans toutes les expéditions de justice, mais pour-lors il faut qu’il soit équarrié, c’est-à-dire coupé sous la regle de différentes grandeurs, suivant les différens usages auxquels il est destiné.

Pour les quittances de ville il doit porter six pou-

ces huit lignes de longueur sur quatre pouces & neuf

lignes de largeur.

Pour les quittances de tontine, il doit avoir huit pouces de long sur six de large.

Pour brevets d’apprentissage dix pouces & demi de longueur sur sept de largeur.

Les feuilles du parlement pour procédures portent neuf pouces & demi de longueur & sept & demi de largeur.

Les feuilles du conseil ont dix pouces & demi de long sur huit de large.

Les feuilles de finance qui servent aux contrats, soit de mariage, soit de rente, doivent porter douze pouces & demi de long & neuf & demi de large.

Pour la grande chancellerie on se sert de demi-peaux longues de dix-huit pouces & larges de dix.

Enfin pour les lettres de grace on emploie des peaux entieres & équarriées, longues de deux piés deux pouces environ, & larges d’un pié huit pouces. Voyez dans nos Planches de Parcheminier, les figures des outils mentionnés dans cet article, & la représentation des principales manœuvres.

La regle dont l’ouvrier se sert porte trois piés & demi de longueur, trois pouces de largeur, & trois lignes d’épaisseur ; elle est bordée des deux côtés d’une petite bande de fer qui y est attachée avec de petites pointes à tête perdue, afin que la direction du couteau n’en soit point arrêtée ; il pose un genou sur un bout de la regle qu’il contient par l’autre bout avec sa main, & avec un couteau dont la lame a cinq pouces de longueur & un & demi de largeur, il coupe le parchemin de telle grandeur qu’il est à propos, selon les différentes expéditions auxquelles il le destine ; le tranchant de ce couteau est droit depuis la sortie de son manche jusqu’au bout, comme aux couteaux ordinaires, mais le dos de la lame est arrondi par le bout & finit en pointe d’arc, son manche est environ long de quatre pouces ; les Parcheminiers le nomment couteau à rogner. Le parchemin dont on se sert dans les expéditions de justice & dont nous avons designé les différentes grandeurs, est timbré & marqué d’une marque particuliere à chaque fermier de chaque généralité du royaume, portant outre cela les armes du roi, le nom de la généralité & le prix qu’il doit être vendu, selon qu’il est plus ou moins grand. On fait aussi du parchemin avec la peau d’un agneau mort-né, mais il est extrèmement mince & ne sert qu’aux ouvrages délicats, comme à faire des éventails ; on le nomme parchemin vierge ; quelques-uns croyent que cette espece de parchemin est fait de la coëffe que quelques enfans apportent en naissant ; mais c’est une erreur que la superstition a enfantée.

Parchemin, Ratissure de (Parcheminier.) c’est la raclure du parchemin, ou plutôt cette superficie que les Parcheminiers enlevent de dessus les peaux de parchemin, en cosse ou en croute, lorsqu’ils les raclent à sec avec le fer sur le sommier, pour en diminuer l’épaisseur, afin de le mettre en état de recevoir l’écriture. Les Parcheminiers lui donnent aussi le nom de colle de parchemin, parce qu’elle sert à plusieurs ouvriers, pour faire une sorte de colle très-claire qu’ils emploient dans leurs ouvrages. Ceux qui s’en servent le plus, sont les Manufacturiers d’étoffes de laine, pour empeser les chaînes de leurs étoffes ; les Papetiers, pour coller leur papier ; & les Peintres en détrempe ou peintres à la grosse brosse, pour faire tenir le blanc, l’ocre & les autres couleurs, dont ils impriment ou barbouillent les murailles & planchers. La colle de ratures qui se fait pour empeser dans les manufactures les chaines de serges, doit bouillir pendant environ deux heures, & ensuite se passer dans un tamis ; pour une