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la terre étant une fois parvenue en ♋, le soleil paroîtra pour lors au commencement du ♑ de la sphere des étoiles fixes. D’ailleurs, l’axe de la terre n’ayant point changé sa direction, puisqu’il a conservé son parallélisme, la terre se présentera pour lors au soleil avec la même inclinaison de son axe, qu’elle s’y présentoit six mois auparavant, lorsqu’elle étoit au commencement du ♑, mais avec cette différence qu’au lieu que la région renfermée dans le cercle KL, étoit éclairée du soleil lorsque la terre passoit au point ♑ de son orbite ; au contraire la terre étant en ♋, cette même région se trouvera entierement plongée dans l’ombre, & enfin celle qui lui est opposée, ou qui est terminée par le cercle FG, se trouvera éclairée du soleil dans toute son étendue, au lieu qu’elle étoit six mois auparavant dans une nuit profonde, parce qu’elle ne recevoit point les rayons du soleil.

De même tous les paralleles qui sont entre l’équateur & le pole septentrional B, seront alors pour la plus grande partie plongés dans l’ombre au contraire de ce qu’on remarquoit six mois auparavant ; au lieu que vers le pole méridional A, plus de la moitié de la circonférence de ces cercles paralleles sera éclairée du soleil, là où six mois auparavant on a pu remarquer que c’étoit la plus grande partie de la circonférence de ces mêmes cercles qui étoit plongée dans l’ombre. Enfin, le soleil paroîtra pour lors à plomb du vertical aux habitans du tropique MN, comme s’il avoit effectivement descendu à l’égard de la surface de la terre, depuis le parallele ou tropique qui répond à TC, jusqu’à l’autre tropique céleste qui répond à MN, c’est-à-dire selon l’arc CQN, de 47°. Il n’est pas moins évident que des deux diverses manieres dont la terre se présente au soleil tous les six mois, il en doit résulter cette regle générale ; savoir que dans les lieux de l’hémisphere septentrional ou méridional, compris entre les poles & les tropiques, le soleil doit paroître de 47°. plus près du zénith dans un tems de l’année, que dans l’autre, c’est-à-dire qu’il doit s’approcher du pole, ou monter tous les jours dans le méridien depuis le solstice d’hiver jusqu’à celui d’été, comme s’il ne parcouroit autre chose que l’arc de ce méridien, lequel est d’environ 47°. Il ne faut donc pas s’imaginer pour cela que c’est la terre qui tantôt s’éleve, & tantôt s’abaisse par un mouvement particulier ; au contraire ces changemens n’arrivent que parce qu’elle ne s’éleve, ni ne sauroit s’abaisser, mais qu’elle se présente toujours de la même maniere par rapport au reste de l’univers, ou plutôt à l’égard des étoiles. Il n’y a qu’à l’égard du soleil qu’elle est inclinée différemment, parce qu’elle parcourt chaque année (son axe étant dans une inclinaison constante) une orbite à l’entour de cet astre, & qu’elle doit par conséquent lui présenter ce même axe sous différentes obliquités à mesure qu’elle tourne.

On peut faire une expérience assez simple pour mieux comprendre ce que nous venons de dire : elle consiste à exposer dans une chambre obscure un globe à une bougie, qui dans ce cas représentera le soleil ; si l’on prend ce globe pour la terre, & que l’on y marque les poles, l’équateur, le méridien, & quelques-uns des paralleles ; qu’enfin on le suspende de maniere que son axe au lieu d’être perpendiculaire au plan de l’horison, qu’il faut regarder ici comme l’écliptique, il soit incliné de plusieurs degrés ; alors tournant ce globe de maniere qu’un de ses poles regarde le nord, & l’autre le midi, & que la lumiere de la bougie éclaire également l’un & l’autre pole, (il faut tâcher de conserver exactement dans cette opération le parallélisme ou la même position de l’axe) ; on le fera tourner ainsi autour de la circonférence d’un plan circulaire parallele à l’horison, au

centre duquel la bougie est immobile ; & dès-lors on pourra observer à loisir la maniere dont le pole, les paralleles, & l’équateur de ce globe seront éclairés ; car il sera facile de remarquer les mêmes phénomenes que nous venons d’expliquer par rapport à la terre & au soleil. Cet article, comme nous l’avons déja annoncé, est entierement tiré de l’Astronomie de Keill, traduite par M. le Monnier.

Parallélisme des rangées d’arbres. L’œil placé au bout d’une allée bordée de deux rangées d’arbres, plantés en lignes paralleles, ne les voit jamais paralleles ; mais elles lui paroissent toujours inclinées l’une vers l’autre, & s’approcher à l’extrémité opposée.

De-là les Mathématiciens ont pris occasion de chercher sur quelle ligne il faudroit disposer les arbres, pour corriger cet effet de la perspective & faire que les rangs parussent toujours paralleles. Il est évident que pour qu’ils paroissent tels il ne faut pas qu’ils soient paralleles, mais divergens, c’est-à-dire, plantés sur des lignes qui aillent toujours en s’écartant. Mais suivant quelle loi réglera-t-on leur divergence ? Il est évident que la solution de ce problème dépend d’une question physique encore contestée sur la grandeur apparente des objets. Voyez Apparent & Vision. Si on savoit bien pour quelle raison deux allées d’arbres paralleles semblent divergentes, ou plutôt si on savoit quelle doit être la grandeur apparente des intervalles de deux suites d’arbres ou d’objets placés sur deux lignes droites ou courbes quelconques, il seroit facile alors de trouver la solution cherchée : car on n’auroit qu’à planter les arbres sur deux lignes, qui fussent telles que la grandeur apparente de l’intervalle entre les arbres fût toujours la même ; mais la question de la grandeur apparente des objets est une de celles sur lesquelles les auteurs d’Optique sont le moins d’accord. Tous ceux qui ont anciennement écrit de cette science, prétendent que la grandeur apparente est toujours proportionnelle à l’angle visuel ; mais cette proposition ainsi énoncée généralement, est évidemment fausse, comme le pere Malebranche l’a remarqué, puisqu’un homme de six piés, vû à six piés de distance, paroît beaucoup plus grand qu’un homme de deux piés, vû à deux piés de distance, quoique l’un & l’autre puissent être vûs sous des angles égaux. Cependant, malgré l’incertitude, ou plutôt la fausseté du principe des anciens sur la grandeur apparente, il y a eu des auteurs qui se sont servis de ce principe pour résoudre le problème dont il s’agit ici. Il est évident que dans cette hypothèse les deux rangs doivent être tels, que les intervalles des arbres opposés ou correspondans, soient apperçus sous des angles visuels égaux.

Sur ce principe, le P. Fabry a assuré sans le démontrer, & le P. Tacquet après lui, a démontré par une synthèse longue & embarrassée, que les deux rangs d’arbres doivent être deux demi-hyperboles opposées.

Depuis, M. Varignon, dans les Mémoires de l’académie des Sciences, en 1717, a trouvé la même solution par une analyse simple & facile. Mais M. Varignon, connoissant le peu de sûreté du principe, s’est contenté de dire que les intervalles des arbres paroîtroient alors sous des angles égaux, & il s’est abstenu de décider si ces intervalles seroient égaux en effet ; c’est-à-dire, que ne pouvant résoudre la question d’Optique, il en a fait une pure question de Géométrie, qui, au moyen de l’analyse, devient fort facile à résoudre. M. Varignon ne s’en tient pas là : il rend le problème beaucoup plus général, & exige non-seulement que les angles visuels soient égaux, mais encore qu’ils croissent ou décroissent en quelque raison donnée, pourvû que le plus grand n’excede point un angle droit. Il suppose que l’œil