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peut jamais y avoir de parage légal ou conventionnel, que dans le partage ou acquisition d’un seul & même fief, en quoi l’un & l’autre parage conviennent entr’eux ; mais ils différent en deux points essentiels.

L’un est que le parage conventionnel ne finit jamais, si ce n’est par une convention contraire, au lieu que le partage légal a une fin déterminée ; savoir, lorsque les co-seigneurs du fief sont si éloignés, qu’ils ne peuvent plus montrer ni prouver le lignage : dans quelques coutumes, il finit au sixieme degré inclusivement ; dans d’autres du quatrieme au cinquieme : il finit aussi quand une portion du fief sort de la ligne à laquelle il a commencé.

L’autre différence est, que dans le parage conventionnel le jeu de fief ne concerne que le port de foi, au lieu que le parage légal tend à une sous-inféodation des portions des puînés ; sous-inféodation qui a lieu, lorsque le parage est fini sans que le seigneur dominant puisse l’en empêcher : la coutume de Poitou veut même qu’on l’appelle pour voir le puîné faire la foi à l’aîné ; autrement, lors de l’ouverture de la portion chemiere, le seigneur dominant pourroit exercer tous les droits, tant sur la portion chemiere que sur les portions cadettes.

Dans toutes les coutumes qui n’admettent point expressément le parage, on ne peut l’y introduire, soit dans les acquisitions en commun, soit dans les partages de successions directes ou collatérales, il n’a point lieu au préjudice du roi ni de tout autre seigneur dominant ; car en ce cas ce seroit un parage conventionnel, lequel est encore plus exorbitant du droit commun que le parage légal ; de sorte qu’il ne peut avoir lieu s’il n’est expressément admis par la coutume ; ainsi dans ce cas le seigneur seroit en droit de faire saisir le fief entier, & de refuser l’hommage qui lui seroit offert par l’aîné ou autres, dont les copropriétaires seroient convenus.

Il y a néanmoins deux exceptions à cette regle.

L’une est que si les puînés étoient mineurs, le seigneur seroit tenu de leur accorder souffrance.

L’autre est que dans certaines coutumes, l’aîné est autorisé à porter la foi pour la premiere fois que le fief est ouvert par le décès du pere commun ; mais cela ne tire pas à conséquence pour la suite, & n’opere point un parage.

Le parage conventionnel, suivant l’art. 107 de la coutume de Poitou, se forme par convention, soit par le contrat d’acquisition d’un fief par plusieurs personnes, soit lors de la dissolution de la communauté, suivant l’article 243, où la femme pendant qu’elle s’unit, tient la moitié des acquêts en part prenant des héritiers du mari, qui font les hommages pendant l’indivision, soit quand on aliene une partie de son fief à la charge d’un devoir, & de le garantir sous son hommage. Le parage se forme aussi par longue usance, dit l’art. 107, c’est-à-dire, quand un des ayans part au fief a fait & été reçu en hommage pour tous pendant un long-tems.

Il y a deux sortes de parage conventionnel, suivant les coutumes de Poitou, Angoumois & Saint Jean d’Angely : l’une s’appelle tenir en part prenant, ou part mettant : l’autre se dit tenir en gariment.

Tenir en part prenant, par mettant, ou en gariment, c’est tenir par plusieurs propriétaires du même fief à autre titre que successif sous la convention que l’un d’eux fera la foi pour tous les autres, & qu’il les garantira sous son hommage ; & que par ce moyen il couvrira la portion des autres : ils sont part prenans, parce qu’ils prennent part au fief ; ils sont part mettans, parce qu’ils contribûent au devoir ; ils sont en gariment, parce qu’ils sont sous sa foi.

Tous ceux qui tiennent en part prenant & part mettant tiennent aussi en gariment. Mais il y a une tenure particuliere en gariment qui n’est point en part prenant ni en part mettant, c’est lorsque quelqu’un aliene une partie de son fief à certain devoir, à la charge de la garantir sous son hommage. Celui qui tient cette portion de fief moyennant un devoir est en gariment ; mais il n’est pas en parage : il n’est pas égal à celui dont il tient sa portion ; il est sous lui & dépendant de lui, au lieu que dans le parage légal ou conventionnel tous ceux qui ont part au fief sunt pares in feudo, si ce n’est qu’un seul fait la foi pour tous, tandis que le parage dure.

Les coutumes de parage n’admettent pas à ce genre de tenure toutes sortes de personnes indistinctement.

Suivant l’usage de Saintes, le parage légal n’a lieu qu’entre nobles, parce que le droit d’aînesse, dont le parage n’est qu’une suite & une conséquence, n’y a lieu qu’entre nobles, & par une suite du même principe, l’usance accordant le droit d’aînesse à la fille aînée à défaut de mâles, le parage y a lieu entre filles.

Les coutumes d’Anjou & Maine n’admettent aussi le parage, légal qu’entre nobles, & il n’y a lieu principalement qu’à l’égard des filles, parce que les puînés n’y ont ordinairement leur portion qu’en bien faire, c’est-à-dire, par usufruit, au lieu que les filles l’ont par héritage, c’est-à-dire en propriété.

Mais comme le pere ou le frere nobles peuvent donner au puîné sa portion dans le fief par héritage, ils peuvent aussi la lui donner en parage, de maniere que le puîné soit garanti sous l’hommage de son aîné.

Dans l’ancienne coutume de Normandie, le parage avoit lieu entre mâles, aussi-bien qu’entre les femelles ; mais dans la nouvelle, il n’a plus lieu qu’entre filles & leurs représentans, parce que cette coutume n’admet plus le partage des fiefs qu’entre filles.

Cette coutume ne distingue point entre le noble & le roturier ; il en est de même en Poitou, & dans quelques autres coutumes de parage.

Quoiqu’en parage ce soit à l’aîné seul à faire la foi, néanmoins les puinés ne doivent pas souffrir de sa négligence ; de sorte que pour couvrir leurs portions ils pourroient offrir la foi, & dans ce cas il seroit juste que le seigneur les reçût à la foi, ou qu’il leur accordât souffrance.

Le parage légal n’a lieu communément qu’en succession directe ; mais dans les coutumes de Poitou, Tours & quelques autres où le droit d’aînesse a lieu en collatérale, le parage a également lieu en collatérale.

La donation faite au fils en avancement d’hoirie, soit en faveur de mariage ou autrement, donne lieu au parage, de même que la succession directe.

Il en faut dire autant du don fait à l’héritier présomptif en collatérale dans les coutumes où le parage a lieu en collatérale.

Le parage légal a lieu, comme on le dit, dans le partage d’un même fief, lorsque l’ainé donne partie de son fief à son puîné, & non lorsqu’il donne à chacun des puînés un fief entier, ou lorsqu’il leur donne pour eux tous un fief autre que le sien.

Néanmoins dans les coutumes de Poitou & Blois il y a une espece de parage pendant que la succession est indivise, l’aîné fait la foi pour tous, & couvre tous les fiefs tant qu’il n’y a point de partage. A Blois, quand la succession se divise, il n’y a plus de parage, au lieu qu’en Poitou, il y a encore parage quand l’aîné donne part aux puînés dans son fief.

Ce n’est que dans les simples fiefs que le parage lé-