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ter à deux genres differens des animaux qui ne différent que par le sexe. Pour éviter ce grand inconvénient dans la division méthodique des papillons, il faut observer le mâle & la femelle de chaque espece, & lorsqu’il y a des differences dans le port des aîles en faire mention, ou composer dans chaque classe des genres particuliers pour les especes de papillon, qui sont dans le cas dont il s’agit.

Les papillons étant sous la forme de chrysalides, ont toutes leurs parties très-molles ; elles nagent, pour ainsi dire, dans une liqueur qui doit les nourrir & fortifier ; il y a des papillons qui ne restent en chrysalides que dix, quinze, vingt jours, &c. d’autres sont en cet état pendant plusieurs mois, & même pendant une année presqu’entiere. Lorsque les parties du papillon ont pris de la solidité dans la chrysalide, il peut facilement déchirer la membrane qui l’enveloppe ; au moindre mouvement qu’il fait au-dedans elle se fend, & le papillon sort par l’ouverture qu’il se fait : plusieurs fentes concourent à former cette ouverture, & se font toujours dans les mêmes endroits. La tête du papillon est la premiere partie qui paroisse hors de la dépouille ; peu-à-peu il s’en retire en entier, mais il lui faut du tems, car il trouve de la difficulté à se dégager des étuis qui enveloppent chaque partie de son corps en particulier, & qui ne laissent pas de l’arrêter, quoiqu’ils soient très minces.

Le papillon, au sortir de sa dépouille, reste dessus, ou ne s’en éloigne que très-peu ; ce n’est qu’au bout d’un quart-d’heure ou d’une demi-heure que ses aîles ont toutes leur grandeur ; elles sont d’abord extrémement petites, sans former aucun pli sensible ; elles n’ont que la cinquieme ou la sixieme partie de l’étendue qu’elles doivent prendre, mais elles sont fort épaisses ; à mesure qu’elles s’étendent, leur épaisseur diminue ; durant cette opération les aîles se contournent en differens sens, & paroissent difformes ; l’insecte les agite de tems-en-tems, & les fait frémir avec vîtesse : ce chiffonnement & cette difformité ne sont que passagers ; en un quart d’heure ou une demi-heure la forme des aîles est réguliere, & l’étendue complette. On peut accélerer cette opération en tirant doucement avec les doigts en differens sens l’aîle d’un papillon qui vient de quitter ses dépouilles ; on amincit & on agrandit cette aîle en un instant. Lorsque cet agrandissement se fait avec le tems nécessaire, l’aîle se séche & se durcit ; elle se durciroit même sans s’agrandir, si elle trouvoit des obstacles, & ne pourroit plus s’agrandir après : c’est ce qui arrive aux papillons, dont l’aîle reste pendant quelque-tems en partie engagée dans la dépouille ; la portion de l’aîle qui est exposée à l’air hors de la dépouille, se chiffonne en s’étendant, & se séche sans avoir pu se redresser ; elle est difforme pour toujours.

Les papillons qui, sous la forme de chrysalide, sont renfermés dans des coques de soie, ou de quelqu’autre matiere difficile à rompre, ont plus de peine à sortir de cette coque, qu’à se débarrasser de leur enveloppe qui est au-dedans de la coque, & dont il a déja été fait mention sous le nom de dépouille. Par exemple, il n’est pas possible que le papillon du ver à soie perce le cocon qui est composé d’un tissu de soie, en le comprimant ou en le frappant avec sa tête ; cependant il n’a ni dents, ni serres pour le déchirer : on a cru que ce papillon commençoit par humecter avec une liqueur qui sortoit de sa bouche l’endroit qu’il avoit à enfoncer avec sa tête ; mais on sait que d’autres papillons, qui ont aussi des coques de soie à percer, ne les humectent pas. M. de Réaumur a soupçonné que ces papillons liment la coque avec leurs yeux, qui en effet sont taillés à facettes, comme une sorte de lime. Il y a des coques qui

sont naturellement ouvertes par un bout comme une nasse.

Les femelles des papillons, comme celles de presque tous les autres insectes, sont plus grosses que les mâles ; le corps de ceux-ci est plus petit & plus éfilé, & leur partie postérieure est plus pointue. Ces differences sont plus sensibles dans les phalenes que dans les autres papillons ; il y a des phalenes femelles, dont le corps est une fois plus long que celui des mâles, & encore plus gros à proportion de la longueur ; mais la plûpart des papillons, soit mâles, soit femelles, se ressemblent à-peu-près pour les couleurs des aîles.

Les femelles de quantité de genres de phalenes ne vivent que peu de tems ; elles fécondent leurs œufs par l’accouplement ; elles pondent, & elles meurent sans avoir pris de nourriture ; aussi n’ont-elles ni trompe, ni autres organes pour prendre des alimens. Les papillons du ver à soie sont un exemple de ceux qui perpétuent leur espece sans prendre de nourriture. Les papillons femelles des chenilles à oreille du chêne, ne volent jamais quoiqu’elles aient de grandes & belles aîles ; elles marchent au sortir de leur fourreaux ; mais elles ne vont pas loin, car elles sont lourdes & pesantes : elles restent à deux ou trois piés au plus de distance de leur dépouille, & attendent le mâle, qui, au contraire, est fort vif ; il vole continuellement, mais dès qu’il rencontre une femelle ; il se place ordinairement à son côté droit, de façon que les parties postérieures de leurs corps soient aussi à côté l’une de l’autre ; le mâle allonge & recourbe l’extremité de cette partie pour la joindre à celle de la femelle : l’accouplement dure souvent une demi-heure, & même quelquefois une heure. La femelle ne s’accouple ordinairement qu’une fois ; peu de tems après elle commence sa ponte ; mais le mâle s’accouple plusieurs fois. Les papillons des vers à soie sont posés dans l’accouplement, de façon qu’ils se trouvent sur une même ligne, ayant les têtes tournées vers des côtés diamétralement opposés, & ne se touchent que vers la partie postérieure de leur corps ; le mâle agite ses aîles avec vîtesse à diverses reprises. Des papillons d’autres especes qui s’accouplent de la même maniere restent toujours tranquilles : il y en a qui se posent sur le corps de la femelle, & il arrive qu’elle prend son essort, & qu’elle emporte le mâle pendant l’accouplement. D’autres sont placés de façon que leur corps fait un angle avec celui de la femelle, &c.

Les œufs des papillons ont différentes formes ; ceux de la plûpart sont ronds ou arrondis ; il y en a d’applatis, de sphéroïdes, de cylindriques, de coniques, de cannelés, &c. On en voit qui ressemblent à des segmens de sphere, à des barrillets, des timballes ou marmites sans piés, &c. leur couleur est ordinairement blanchâtre ou jaunâtre ; il y en a aussi de plusieurs autres couleurs, & qui changent de couleurs en differens tems, & même de forme & de grandeur ; ces changemens sont causés par ceux qui arrivent à la petite chenille qui est dans l’œuf. Presque tous les papillons déposent leurs œufs sur la plante qui peut fournir une bonne nourriture aux chenilles qui en doivent sortir ; on a remarqué qu’ils ne prennent pas tant de précautions pour les chenilles qui marchant aisément peuvent aller chercher leur nourriture au loin. Quelques papillons dispersent leurs œufs sur les feuilles des plantes ; il y en a qui les arrangent les uns contre les autres en forme de plaques ; ces œufs sont attachés par une couche de colle dont ils sont enduits en sortant de l’ovaire ; on en voit qui sont enchâssés dans cette colle ; par exemple, ceux qui sont rangés autour d’une petite branche d’arbre en forme de bague ou de brasselet,