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tête. Lorsque le papillon s’est posé sur une fleur pour la sucer, il déroule sa trompe & la fait entrer dans la fleur jusqu’au fond du calice, il la retire hors de la fleur, & l’y replonge jusqu’à sept ou huit fois avant de quitter la fleur, où il ne trouve sans doute plus de nourriture abondante pour passer à une autre fleur. On voit des papillons qui insinuent leur trompe dans les fleurs en se soutenant en l’air par le moyen de leurs aîles sans s’appuyer sur la fleur.

Il y a des papillons qui volent pendant la nuit, ou à l’entrée de la nuit, & qui viennent se brûler aux lumieres des chandelles pendant les soirées chaudes de l’été ; on les appelle phalenes ou papillons nocturnes ; ils sont en bien plus grand nombre d’especes que les papillons qui restent tranquilles pendant la nuit, qui ne volent que le jour, & que l’on nomme papillons diurnes. Pourquoi donc ces phalenes, qui semblent fuir la lumiere du jour, viennent-elles à celles des chandelles ? M. de Réaumur a soupçonné que c’est peut-être pour chercher leurs femelles, qu’elles peuvent reconnoître à quelque signe lumineux, qui n’est sensible qu’à leurs yeux : plusieurs de ces phalenes volent aussi pendant le jour dans les bois, & l’on croit que c’est pour s’approcher de leurs femelles qui sont cachées sous des feuilles.

Les papillons diurnes ont des antennes à bouton, en massue, ou en corne de bélier ; celles des phalenes sont prismatiques, à filets coniques ou en plumes. M. de Réaumur a trouvé une trompe dans tous les papillons diurnes qu’il a observés ; mais il n’en a point vu dans plusieurs genre de phalenes. Parmi celles qui sont pourvues d’une trompe sensible, les unes l’ont longue & applatie ; les autres l’ont plus courte & plus arrondie. La figure & le port des aîles sont des caracteres propres à faire distinguer plusieurs genres de papillons.

La classe des papillons à antennes en masse ou bouton comprend plus d’especes que les deux autres classes de papillons diurnes prises ensemble ; c’est pourquoi M. de Réaumur a divisé les papillons à antennes, à masse ou bouton en cinq classes, qui avec celle des antennes, en massue, & celles des antennes en corne de bélier, font en tout sept classes de papillons diurnes.

La premiere classe est composée des papillons qui ont les antennes en masse ou bouton, & qui tiennent le plan de leurs aîles perpendiculaire au plan sur lequel ils sont posés ; le bord inférieur des aîles de dessous embrasse le dessous du corps ; ils se soutiennent & ils marchent sur six jambes, le papillon blanc qui a quelques taches noires, & qui vient de la plus belle des chenilles du chou, est de cette premiere classe.

Les papillons de la seconde classe ne different de ceux de la premiere, qu’en ce qu’ils ne se posent & ne marchent que sur quatre jambes.

Les papillons de la troisieme classe ne different de ceux de la seconde ; qu’en ce que les deux premieres jambes sont conformées comme les quatre autres, mais si petites, que l’on a peine à les appercevoir.

La quatrieme classe comprend les papillons qui portent leurs quatre aîles perpendiculaires au plan de position, comme les papillons des trois premieres classes ; mais le bord des aîles inférieures de ceux de la quatrieme se recourbe, embrasse, & couvre le dessus du corps : ils ont six véritables jambes : chacune des aîles inférieures a vers le bout extérieur de sa base un long appendice, qui semble former une queue, aussi ces papillons sont appellés papillons à queue : si ce caractere manquoit, les autres suffiroient pour désigner les papillons de la quatrieme classe.

La cinquieme & la derniere des papillons est à antennes à masse ou bouton ; elle renferme ceux qui ont

six vraies jambes, & dont les aîles sont paralleles au plan de position, ou au moins ne se redressent jamais assez pour que les deux supérieures s’appliquent l’une contre l’autre au-dessus du corps. La forme des aîles & du bouton des antennes peut encore donner des caracteres pour distinguer les papillons de ces cinq premieres classes.

Ceux de la sixieme ont des antennes en massue ; ils insinuent leur trompe dans les fleurs en se soutenant en l’air, c’est pourquoi on les appelle éperviers, & on leur a aussi donné le nom de papillons-bourdons, parce qu’ils font du bruit en volant. Quand ils s’appuient, ils ont les aîles paralleles au plan de position ; le côté intérieur de leurs aîles est plus court que l’extérieur, & leur corps se termine par de longs poils en forme de queue. Il y a dans cette classe un genre de papillon que l’on peut nommer papillons-mouches, parce que leurs aîles ressemblent en partie à celles des mouches, n’étant pas couvertes en entier de poussiere : la partie qui reste à découvert, est transparente, & a fait donner à ces aîles le nom d’aîles vitrées.

La septieme classe comprend les papillons à antennes en cornes de bélier.

Quoique les especes de phalenes soient beaucoup plus nombreuses que celles des papillons diurnes, M. de Réaumur ne les a divisées qu’en sept classes, mais il a indiqué les caracteres d’un grand nombre de genres pour chacune de ces classes.

La premiere renferme les phalenes à antennes prismatiques ; elles doivent toutes avoir des trompes ; il y a de ces phalenes qui ne peuvent se soutenir en l’air sans agiter leurs aîles avec une grande vîtesse ; elles font beaucoup de bruit en volant.

Ceux de la seconde classe ont des antennes à filets coniques & une trompe.

Les phalenes de la troisieme classe ne different pas de celles de la seconde classe par les antennes, mais on ne leur trouve point de trompe.

La quatrieme classe comprend des phalenes qui ont des antennes en plumes & une trompe.

Les phalenes de la cinquieme classe ont aussi des antennes en plumes, mais elles manquent de trompe.

La sixieme classe comprend les phalenes dont les femelles n’ont point d’aîles sensibles.

Enfin, la septieme classe renferme tous les papillons dont les aîles ressemblent à celles des oiseaux, & paroissent composées de véritables plumes : ils ont des antennes à filets coniques comme des phalenes, cependant ils ne laissent pas de voler pendant le jour : ils font une classe particuliere, qui doit se trouver à la suite de celles des phalenes.

Les caracteres de genres qui se trouvent dans ces différentes classes sont tirés de la grandeur, de la figure & du port des aîles, de la forme & de la grandeur du corps, de la longueur & de la figure des trompes, de la structure des antennes, & des deux barbes ou cloisons charnues entre lesquelles la trompe est logée, des hupes de poils qui se trouvent sur le corcelet, & même sur le corps. Les différentes especes sont distinguées par les couleurs des papillons, par la distribution de ces couleurs, & par quelques-uns des caracteres précédens.

Mais toute méthode arbitraire pour la division des productions de la nature en classes, genres, &c. est sujette à errer : en voici un exemple bien marqué ; le port des aîles qui vient d’être donné comme un des principaux caracteres distinctifs des papillons, n’est pas le même pour le mâle & pour la femelle de certaines especes, de sorte que le mâle se trouveroit dans un genre, & la femelle dans un autre ; & ces deux genres seroient bien distingués par les différences qui se trouvent dans le port des aîles de ce mâle & de cette même femelle. Cependant c’est le comble de l’erreur dans une distinction méthodique de rappor-