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Sur le seuil cd de la presse, est un chantier V où posent de niveau deux ou trois pieces de bois Tu, Tu, Tu, qu’on nomme poulains, sur lesquels on pose une forte planche Q qu’on appelle drapan, sur laquelle on couche entre des étoffes de laine les feuilles de papier, à mesure qu’elles sont fabriquées.

Fabrique de papier. Les bras nuds jusqu’au coude, l’ouvreur, figure 1. Pl. X. après avoir brassé & délayé dans l’eau chaude de sa cuve, la quantité de matiere & de qualité convenable à la sorte de papier qu’il veut faire, & dont il a toujours une provision en réserve dans la bachole g qui est à côté de lui ; prend une des deux formes, garnie de sa couverte, par le milieu des petits côtés, & appuyant avec les pouces il fait joindre la couverte sur la forme, il la plonge obliquement à quatre ou cinq pouces de profondeur dans la cuve, en commençant par le long côté qui est tourné vers lui ; après l’immersion il la releve de niveau, par ce moyen il prend sur sa forme comme dans un filet de pêcheur, un grand nombre des parties de la matiere qui flotte & est délayée dans la cuve ; l’eau s’écoule à-travers le tamis de la forme, le superflu de la pâte par-dessus les bords de la couverte, & la feuille de papier est faite. C’est de la quantité de matiere que la cuve contient relativement à la même quantité d’eau & de la quantité qu’il en laisse sur sa forme, que dépend le plus ou le moins d’épaisseur de papier ; les parties fibreuses de la matiere s’arrangent sur le tamis de la forme à mesure que l’eau s’écoule à-travers, & l’ouvreur favorise cet arrangement par de petites secousses en long & en large de la forme, pour faire souder les unes aux autres les parties de cette pâte ; ensuite ayant posé sa forme sur la planchette ae, ensorte qu’elle y soit en équilibre, les longs côtés croisées en angles droits par la planchette, il ôte la couverte ou cadre volant, & lance en glissant cette forme du côté du coucheur, qui ayant étendu auparavant sur le drapan Q une piece d’étoffe de laine qu’on appelle flautre qui est de serge, leve de la main gauche cette forme pour en faire reposer un des longs côtés sur l’égoutoir s, pendant cette opération, l’ouvreur, fig. 1. applique sa couverte ou cadre volant sur une autre forme, & recommence à lever dans la cuve une autre feuille de papier ; le coucheur prend la forme qui est appuyée sur l’égouttoir, & l’ayant retournée sens-dessus-dessous de la main gauche & amenée devant lui, il la reprend de la main droite par le milieu du long côté qui s’applique sur l’égouttoir, & avec la main gauche qu’il met sur le milieu du côté opposé, il s’incline, applique & appuie la feuille de papier sur la flautre ou étoffe de laine qui couvre le drapan Q. S’étant relevé & ayant retourné la forme, il la glisse & lance le long du drapan de la cuve M d, fig. 6. ensorte qu’elle arrive vis-à-vis de la nageoire de l’ouvreur, qui la reprend & y applique la couverte, après avoir lancé le long de la planchette la seconde forme du côté du coucheur, qui du même tems la releve sur l’égouttoir pour la laisser égoutter.

Pendant que cette forme égoutte, & que l’ouvreur leve une nouvelle feuille de papier sur la forme que le coucheur lui a renvoyé ; celui-ci prend une flautre F sur la planche BC qui est entre les jumelles de la presse & l’étend sur la feuille de papier qu’il a couchée sur la premiere flautre ; c’est cet instant que la vignette représente. L’ouvreur leve sur la seconde forme la premiere qui est sur l’égouttoir, & le coucheur étend une flautre :ces différentes opérations qui s’exécutent avec beaucoup de célérité se réiterent, jusqu’à ce que toutes les flautres au nombre de deux cens soixante soient employées, ce qui compose une porce ou demi rame.

La porce est composée de dix quais, le quai tou-

jours de vingt-six flautres ; mais quand les papiers

sont d’une certaine grandeur, la porce est composée de moins de quais ou quarterons de feuilles de papier, car il en tient vingt-cinq entre vingt-six flautres.

Après que la porce qui est empilée sur le drapan Q, fig. 6. est remplie & qu’il ne reste plus de flautres F sur la planche B E, fig. 6. & que la derniere feuille de papier est couverte du dernier flautre ; les ouvriers après avoir ôté la planche BE, tirent le drapan Q par les poignées qu’on y voit & l’amenent sous le plateau de la presse, en le faisant glisser sur les poulains Tu, Tu, & la porce dont il est chargé. Là, ils mettent dessus un autre drapan q, fig. 3. & par-dessus, la piece de bois p qu’on appelle mise, sur laquelle en abaissant le plateau de la presse au moyen de la vis, & barrant fortement à trois, & en dernier lieu avec le tour ou cabestant xyz, dont la corde z s’attache à l’extrémité du levier de 15 piés de long qui entre dans les trous qui sont à la tête de la vis ; ils compriment fortement la porce, ce qui en exprime l’eau & donne plus de solidité au papier, qu’un troisieme ouvrier appellé leveur retire d’entre les flautres.

Le leveur, fig. 3. après avoir avec le coucheur desserré la porce, remis la mise p sur le billot o, scellé en terre vis-à-vis le milieu de la presse ; & après que le coucheur à l’aide de l’ouvreur, a mis le drapan q qui couvre la porce à la place du drapan Q, fig. 5. vis-à-vis de la nageoire du coucheur ; le leveur, dis-je, aidé du coucheur, prend le drapan qui porte la porce r qui est sous la presse & le place comme on voit en q sur la mise p ; alors ayant remis entre les jumelles de la presse la Planche DE qui repose sur des tasseaux, & dont les extrémités faites en tenons entrent dans les rainures des jumelles ; & cet ouvrier ayant mis devant lui une espece de chevalet de peintre tu qu’on appelle piquet, de 14 pouces de large & de 2 piés & demi de long, dont on voit la partie postérieure, fig. 4. sur les chevilles duquel il place une planche dont il mouille l’extrémité supérieure ; alors ayant levé la premiere flautre & l’ayant jettée sur la Planche DE de la presse, il leve de dessus la seconde flautre la feuille de papier qu’il étend sur la planche à lever, où l’adhérence que l’humidité occasionne la fait tenir ; il continue cette manœuvre & à placer des feuilles de papier s jusqu’à ce qu’il ait entierement levé la porce r & qu’il en ait rejetté toutes les flautres sur la planche de la presse, où le coucheur les prend à mesure que l’ouvreur lui donne occasion de les employer pour couvrir les nouvelles feuilles de papier qu’il fabrique, & former par ce moyen une nouvelle porce avec les mêmes flautres qui ont servi à former la premiere. Les opérations des deux premiers ouvriers sont nécessairement liées ensemble ; mais le leveur peut sans inconvénient aller plus vîte que les deux autres, dont la célérité est telle, qu’ils font par jour seize porces, ce qui fait huit rames de papier, composées chacune de cinq cens feuilles ; total 4000 feuilles, non compris dix feuilles qui sont surnuméraires dans chaque porce, ce qui fait 4160 feuilles en tout.

Après que huit porces sont faites, on les presse ensemble, ce qu’on appelle presser en porce blanche M ; pour cela on a d’autres presses, dont le seuil K & le sommier PR de 8 piés de long sur 12 pouces de gros, contient deux écrous, ce qui forme deux presses accollées ensemble, les deux montans EF des extrémités, dont on ne voit qu’un seul dans la figure, sont élégis sur 8 pouces de gros, avec renforts au-dessus & au-dessous du sommier & du seuil, le montant du milieu RH est assemblé haut & bas à queue d’arronde, & avec des coins G ; la table de ces presses de deux piés de large & à deux piés d’élévation au-dessus du rez-de-chaussée, est soutenue par une