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naire & ses successeurs rétablirent les anciennes coûtumes pour la liberté des élections.

Pendant les desordres du x. siecle sous la tyrannie des marquis d’Hétrurie & des comtes de Toscanelle, ces hommes puissans créoient & déposoient les papes comme il leur plaisoit. L’empereur Othon, ses fils & petit-fils soumirent de nouveau à leur autorité l’élection des papes, qui dépendoit absolument d’eux. Henri, duc de Baviere, leur successeur à l’empire, laissa la liberté de cette élection au clergé & au peuple romain, à l’exemple des empereurs françois. Conrard le Salique ne changea rien ; mais Henri III. son fils & Henri IV. son petit-fils, se remirent en possession du pouvoir de choisir eux-mêmes, ou de faire élire celui qu’ils voudroient pour papes : ce qui alluma d’horribles troubles dans l’Eglise, fit naître le schisme, & causa la guerre entre les papes & les empereurs au sujet des investitures.

Enfin l’Eglise ayant encore été troublée pendant l’espace d’un siecle par les anti-papes, la liberté des élections fut rétablie sous Innocent II. car, après que le schisme de Pierre de Léon, dit Anaclet, & de Victor IV. eut été éteint, tous les cardinaux réunis sous l’obéissance d’Innocent, & fortifiés des principaux membres du clergé de Rome, acquirent tant d’autorité, qu’après sa mort ils firent seuls l’élection du pape Célestin II. en 1143. Depuis ce tems-là ils se sont toujours maintenus dans la possession de ce droit : le sénat, le peuple, & le reste du clergé ayant enfin cessé d’y prendre part. Honorius III. en 1216, ou, selon d’autres, Gregoire X. en 1274, ordonna que l’élection se fît dans un conclave, c’est-à-dire un lieu fermé.

Le pape peut être considéré sous quatre sortes de titres : 1° comme chef de l’Eglise romaine ; 2° comme patriarche ; 3° comme évêque de Rome ; 4° comme prince temporel.

Pape, élection du, l’élection des papes a toujours été retenue dans l’Eglise ; mais elle a reçu divers changemens dans sa forme.

Anciennement elle se faisoit par le clergé, les empereurs, & par tout le peuple : au même tems que le pape étoit élu on le consacroit.

Telle fut la forme que l’on pratiqua jusqu’au viij. siecle, vers la fin duquel, si l’on en croit le canon Adrianus (mais qui est tenu pour apocryphe), le pape Adrien I. avec 150 évêques, & le peuple romain, accorda à Charlemagne la faculté de nommer & d’élire seul le souverain pontife.

Charlemagne ordonna que l’élection seroit faite par le clergé & le peuple, que le decret seroit envoyé à l’empereur, & que le nouveau pape élu seroit sacré si l’empereur l’approuvoit.

L’empereur Louis le débonnaire remit l’élection aux Romains, à condition seulement que quand le pape seroit élu & consacré, il enverroit ses légats en France.

Leon VII. remit ce même droit d’élire les papes à l’empereur Othon, & Nicolas II. dans un concile tenu à Rome l’an 1059, confirma le droit que les empereurs avoient d’élire les papes. Mais les empereurs ne jouirent pas long-tems de ce droit, sous prétexte de quelques inconvéniens que l’on prétendoit qui se rencontroient dans ces sortes d’élections. L’empereur Lothaire pour éviter les séditions qui arrivoient fréquemment dans ces occasions, fit une célebre ordonnance, portant que le pape ne seroit plus élu par le pape ; mais cette ordonnance ne fut point observée.

Les empereurs perdirent donc seuls le droit d’élire le pape. Les papes réserverent au clergé, au sénat, & au peuple de Rome le droit de faire conjointement cette élection, & ils réglerent qu’après l’élection, le pape seroit consacré en présence des ambas-

sadeurs de l’Empire : ce changement arriva sous le

pontificat d’Etienne X.

Vers l’an 1126, le clergé de Rome fut déclaré avoir seul le droit d’élire les papes, sans le consentement ni la confirmation de l’empereur.

Innocent II. s’étant brouillé avec les Romains qui le chasserent de la ville, les priva à son tour du droit d’élire les papes. Le clergé & le peuple de Rome furent donc exclus de cette élection ; mais ce changement ne fut entierement affermi que sous Alexandre III.

Ce pape en 1160, donna aux cardinaux seuls le droit de faire cette élection, & voulut qu’elle ne fût reputée valable qu’en cas que les deux parts des cardinaux fussent concordantes.

Le concile général de Lyon, tenu sous Grégoire X. & celui de Vienne, tenu sous Clément V. confirment cette forme d’élection, & c’est la même qui se pratique encore présentement.

Elle se fait donc par les cardinaux assemblés à cet effet dans le conclave. Voyez Conclave.

Aussi-tôt après l’élection du pape, il est exalté, c’est-à-dire porté sur les épaules. Etienne III. fut le premier pour qui cela fut pratiqué en 752, & depuis cette coutume a été suivie.

Le second concile de Lyon veut que les cardinaux laissent passer 10 jours après la mort du pape, avant que de procéder à l’élection : après ces 10 jours, les cardinaux présens doivent entrer au conclave, sans attendre les absens. Voyez Conclave.

Ce même concile déclare qu’ils ne sont tenus d’observer aucune des conventions particulieres qu’ils auroient pu faire, même avec serment, pour l’élection d’un pape, attendu qu’ils ne doivent avoir d’autre objet que de donner à l’Eglise celui qui est le plus digne d’en être le chef.

L’élection se fait ordinairement par la voie du scrutin, en mettant des billets dans un calice qui est sur l’autel de la chapelle du conclave.

Pour qu’un pape soit légitimement élu, il faut qu’il ait au moins les deux tiers des voix, autrement on doit recommencer à prendre les suffrages : cela fut ainsi ordonné des 1179.

Quand les voix sont trop long-tems partagées, il arrive quelquefois que plusieurs cardinaux conviennent d’un sujet, & sortent de leur cellule en publiant son nom. Si tous les autres nomment le même sujet, l’élection est canonique ; mais si quelqu’un des cardinaux garde le silence, on procéde de nouveau par la voie du scrutin.

Quelquefois on a nommé des compromissaires, auxquels on donne pouvoir d’élire un pape.

En 1314 les cardinaux assemblés à Lyon, après la mort de Clément V. étant embarrassés sur le choix d’un pape, déférerent l’élection à la voix de Jacques d’Ossat cardinal, qui se nomma lui-même, en disant, ego sum papa. Il fut appellé Jean XXII.

Depuis Sergius II. qui changea son nom en devenant pape, les successeurs ont coutume de faire la même chose.

La promotion d’un évêque à la papauté fait ouverture à la régale.

Confirmation. Dans tous les tems, les papes ont eu le pouvoir de gouverner l’Eglise aussi-tôt après leur élection ; en conséquence ils ont de ce moment, le droit de conférer tous les bénéfices qui sont à leur collation : ils sont même obligés de le faire dans les collations forcées, lorsqu’ils en sont requis.

Le pouvoir que le pape a dès le moment de son élection, est établi par deux textes précis.

L’un est dans une constitution d’un concile tenu à Rome en 1059, où il est dit que le siege apostolique ayant la prééminence sur toutes les Eglises de la terre, ne peut avoir de métropolitain au-dessus de lui,