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Pour rendre les anciens panégyriques plus solemnels, on avoit coutume de les commencer par l’éloge de la divinité, en l’honneur de laquelle on célébroit les fêtes ou les jeux. On passoit ensuite aux louanges du peuple ou du pays qui les célébroit, puis à celles des princes ou des magistrats qui y présidoient ; & enfin l’orateur prononçoit les athletes, & les vainqueurs qui avoient remporté le prix dans les exercices du corps.

Le P. de Colonia fait mention de deux méthodes qu’on a suivies dans les panégyriques ; l’une artificielle, suivant laquelle, sans avoir égard à l’ordre des tems ou des faits, on ramenoit toutes les parties de l’éloge à certains chefs généraux. C’est ainsi que dans son oraison pro lege maniliâ, Ciceron rapporte tout l’éloge de Pompée à son habileté dans l’art militaire, à sa vertu, à son pouvoir, & au bonheur qui l’accompagnoit dans toutes ses entreprises.

L’autre méthode qu’il nomme naturelle, est celle où l’on observe l’ordre des tems, ou l’ordre historique. En suivant cette derniere marche, le panégyrique se divise en trois périodes. Le tems qui a précédé la naissance de la personne dont on fait l’éloge, celui dans lequel elle a vécu, & si elle est morte, celui qui s’est écoulé après sa mort. On pourroit ajouter que cette sorte de division paroît plus propre à l’oraison funebre, qui est une espece de panégyrique, qu’au panégyrique proprement dit. Quoi qu’il en soit, elle demande moins de génie, & est beaucoup moins susceptible de variété que la premiere. Aussi voyons-nous que les grands orateurs modernes fondent leurs panégyriques des saints, des rois, des héros sur une ou deux vertus principales, auxquelles ils rapportent, comme à leur centre, toutes leurs autres vertus, & les circonstances glorieuses de leur vie ou de leurs actions. D’ailleurs il faut se garder d’entasser trop de faits dans un panégyrique. Ils doivent être comme fondus dans les réflexions & dans les tours oratoires, ce qui est comme impossible en suivant historiquement l’ordre des tems.

Les lieux communs d’où l’on peut tirer des éloges ou des matériaux pour le panégyrique, sont la famille, le pays, la naissance de la personne qu’on loue, les présages qui ont précédé cette naissance, ses vertus, ses avantages corporels, les qualités de son esprit & de son cœur, ses dignités, son autorité, son opulence, c’est-à-dire, l’usage noble & vertueux qu’elle en a fait, ses grandes actions, la maniere dont elle est morte, & les conséquences qu’on en peut tirer.

Le panégyrique est, dit-on, l’écueil des orateurs ; ceux qui ne roulent que sur des matieres profanes, ou des sujets imaginés, tels que ces déclamations qu’on prononce dans les colleges, ou les discours académiques, comportent toutes sortes d’ornemens : cependant ils ne doivent encore être embellis que jusqu’à une certaine mesure, & la grande difficulté est de s’arrêter à ce point fixe. On surcharge ordinairement son sujet de fleurs qui ne couvrent souvent que du vuide. Dans l’éloquence de la chaire, les sujets sont grands, respectables, féconds par eux-mêmes : cependant la trop grande abondance d’ornemens peut les défigurer, & leur faire perdre de leur majesté naturelle. D’un autre côté le défaut d’ornemens les desseche pour ainsi dire, & cesse de les rendre aussi intéressans qu’ils le seroient, s’ils en étoient revêtus avec mesure & avec discrétion.

Nous avons un recueil d’harangues latines, intitulé, panegyrici veteres, qui renferment les panégyriques de plusieurs empereurs romains. On trouve à la tête celui de Trajan, par Pline, qui le composa par ordre du sénat, & au nom de tout l’em-

pire. L’orateur y adresse toujours la parole au prince,

comme s’il étoit présent ; & s’il le fut en effet, (car on en doute), il en couta beaucoup à la modestie de cet empereur, de s’entendre ainsi louer en face & pendant long-tems… Le style de ce discours est élégant, fleuri, lumineux, tel que doit être celui d’un panégyrique, où il est permis d’étaler avec pompe tout ce que l’éloquence a de plus brillant. Les pensées y sont belles, solides, en grand nombre, & souvent paroissent toutes neuves. Les expressions, quoiqu’assez simples, n’ont rien de bas, rien qui ne convienne au sujet, & qui n’en soutienne la dignité. Les descriptions sont vives, naturelles, circonstanciées, pleines d’images naïves, qui mettent l’objet sous les yeux & le rendent sensible. Tout le discours est rempli de maximes & de sentimens dignes du prince qu’on y loue. M. de Sacy nous en a donné une fort belle traduction.

Dans ce même recueil, dont nous avons parlé, suivent onze autres pieces du même genre ; cette collection, outre qu’elle contient beaucoup de faits qui ne se trouvent point ailleurs, peut-être fort utile pour ceux qui sont chargés de faire des panégyriques. La bonne antiquité latine ne fournit point de ces sortes de discours, excepté la harangue de Ciceron pour la loi manilia, & quelques endroits de ses autres harangues, qui sont des chefs-d’œuvres dans le genre démonstratif, comme dans celles pour Marcellus & pour le poëte Archias. Il ne faut pas s’attendre à trouver la même beauté, ni la même délicatesse dans ces autres panégyriques. L’éloignement du siecle d’Auguste avoit fait déchoir beaucoup l’éloquence, qui n’avoit plus cette ancienne pureté de langage, cette finesse d’expression, cette sobriété d’ornemens, cet air simple & naïf, mais relevé, quand il le falloit, par une grandeur & une noblesse de style admirable. Mais on trouve dans ce discours beaucoup d’esprit, de fort belles pensées, des tours heureux, des descriptions vives, & des louanges très-solides. Rollin, hist. anc. tome 12. pag. 502 & 504.

Parmi nos Panégyristes modernes, M. Flechier est brillant, ingénieux ; Bourdaloue moins orné, mais plus grave & plus majestueux ; le caractere des panégyriques de Massillon sont un mêlange de ce qui domine dans les deux autres.

Panégyrique est aussi le nom d’un livre ecclésiastique à l’usage des Grecs. On l’appelle ainsi, parce qu’il contient plusieurs panégyriques composés à la louange de Jesus-Christ & de ses saints. On le trouve en manuscrit dans la plupart des églises greques, mais il n’est pas le même dans toutes ; chaque église ayant des saints qu’elle revere particuliérement, ou les compilateurs de ces sortes d’ouvrages, ayant fait ces recueils selon leur dévotion. Ils sont disposés selon l’ordre des mois, ensorte qu’ils contiennent souvent douze volumes qui répondent chacun à un des mois de l’année.

PANEGYRIS, s. f. (Antiq. grecq.) πανήγυρις, assemblée des Grecs, qui répondoit exactement aux foires des Romains.

PANEGYRISTE, s. m. (Gram. & Hist. anc. & mod.) magistrat dans les villes greques, qui célébroit au nom des peuples convoqués & assemblés, les fêtes & les jeux ordonnés en l’honneur des dieux & des empereurs, & qui en faisoit les harangues & les éloges devant l’assemblée.

Il se dit aujourd’hui de cette sorte d’orateurs qui consacrent particulierement leurs talens à immortaliser par leurs éloges les vertus des grands hommes.

PANELLE, s. f. (Blason.) c’est le nom qu’on donne aux feuilles de peuplier. La maison de Schreisbergdorf en Silésie porte de gueulles à trois panelles ou feuilles de peuplier d’argent, posées en payrle, les