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La troisieme espece de panaris a son siége dans la gaîne des tendons fléchisseurs des doigts ; en recherchant la structure naturelle des organes affectés, on verra que tout y est un appareil de douleur par la quantité de nerfs qui s’y distribuent. Le pus se manifeste quelquefois près les articulations, & même dans la main par une fluctuation (voyez Fluctuation), qu’on ne sent point dans la longueur des phalanges, parce que la gaîne des tendons & les bandes ligamenteuses sont d’un tissu fort serré. La douleur est très violente & se fait sentir au principe du muscle ; par cette raison, lorsque le pouce est affecté, la douleur ne passe pas la moitié de l’avant-bras ; & quand cette espece de panaris arrive aux quatre derniers doigts, on ressent de la douleur au condile interne de l’humerus, à l’attache fixe des muscles fléchisseurs de ces doigts. L’inflammation se communique fort souvent & forme des abscès au-dessus du ligament annulaire dans les cellules graisseuses qui sont sous les tendons des muscles profond & sublime, & qui recouvrent le muscle quarré pronateur, quelquefois même la continuité de la douleur & les accidens produisent des abscès à l’avant-bras, au bras, & même jusqu’au-dessous de l’aisselle.

La quatrieme espece de panaris est une maladie de l’os & du périoste ; on la reconnoît à une douleur profonde & vive, accompagnée d’une tension & d’un gonflement inflammatoire, qui se borne assez communément à la phalange affectée, & qui ne passe guère le doigt. La fievre, les insomnies, les agitations, & le délire accompagnent plus particulierement la troisieme & la quatrieme espece de panaris,

Les causes des panaris sont externes & internes, une piqure, un petit éclat de bois qui sera entré dans le doigt, une contusion, une brûlure, l’irritation de quelques fibres qu’on aura tiraillés en arrachant quelques-unes des excroissances appellées vulgairement envies, sont les causes externes des panaris ; le virus vénérien, le scrophuleux, & le cancéreux, en sont quelquefois les causes internes.

Quoique les panaris different par leurs sieges & par leurs symptomes, ils présentent les mêmes indications curatives dans le commencement ; la saignée réitérée à proportion de la violence des accidens, la diette, les cataplasmes anodins, émolliens & résolutifs, & tout ce qui est propre à calmer l’inflammation, convient lorsque le mal n’a pas fait encore de progrès considérables : quelques personnes ont été guéries en trempant plusieurs fois le doigt dans de l’eau chaude, & l’y tenant aussi long-tems qu’il est possible. Riviere rapporte dans ses Observations deux cas assez singuliers de personnes attaquées de panaris, qui en furent guéries, l’une par résolution, & l’autre par suppuration en tenant le doigt dans l’oreille d’un chat. La chaleur modérée de cette partie, & la qualité de l’humeur cérumineuse qui exude des glandes peuvent ouvrir les pores du doigt, en relâcher les parties trop tendues par la constriction inflammatoire, & dissiper l’humeur qui y est arrêtée, ou bien en procurer une bonne & louable suppuration, si par l’état des choses la tumeur est disposée à cette terminaison.

Après avoir employé inutilement les remedes anodins & résolutifs, on a recours aux maturatifs. Voyez Maturatifs. Quand le panaris est de la seconde espece, le pus se manifeste bien-tôt par une petite tumeur avec fluctuation, il faut en faire l’ouverture avec le bistouri ou la lancette. Voyez Absces. Quand le panaris est de la troisieme espece, il ne faut pas attendre que le pus se fasse appercevoir ; les accidens sont trop violens, & on risque beaucoup en différant l’ouverture. Il faut y déterminer le malade & le mettre en bonne situation, de maniere qu’il ait le coude appuyé contre quelque chose de ferme : le

malade ne pourra retirer sa main si le coude ne peut reculer. Alors on prend un bistouri avec lequel on fend le doigt & la gaîne ; dès qu’on a pénétré jusqu’au tendon, on se sert d’une sonde cannelée fort déliée, qu’on introduit dans la gaîne pour conduire le bistouri qui doit la débrider dans toute son étendue, tant supérieurement qu’inférieurement : l’ouverture qui suffit pour donner issue à la matiere, n’est pas suffisante pour le traitement : il faut en outre couper les deux levres de l’incision pour que les pansemens soient plus commodes & moins douloureux ; on panse la plaie en premier appareil avec de la charpie séche ; on applique des cataplasmes pour procurer la détente des parties & soulager le malade, & l’on en continue l’usage jusqu’à ce que les accidens soient passés & que la suppuration soit bien établie.

On se sert dans la suite des pansemens d’un petit plumaceau trempé dans l’esprit de térébenthine qui s’applique immédiatement sur le tendon, & on fait suppurer les tégumens par les remedes digestifs. Il se fait souvent exfoliation du tendon, & le malade perd la flexion du doigt ; c’est un inconvénient de la maladie, & non la faute de l’opération ni de l’opérateur.

Lorsque l’on fait l’opération à tems, l’ouverture de la gaîne arrête le progrès du mal ; mais si l’étranglement causé par les bandes ligamenteuses qui entrent dans la structure de cette partie n’a pas été détruit avant la formation du pus, il faut prolonger l’incision jusque dans le creux de la main quand il s’y est fait un abscès. S’il y avoit du pus sur le muscle quarré pronateur, il faudroit pour donner issue à la matiere faire fléchir le poignet, & introduire sous le ligament annulaire, par l’ouverture de l’intérieur de la main, une sonde cannelée, au moyen de laquelle on fera une incision qui pénétrera entre les tendons fléchisseurs des doigts, jusqu’au foyer de l’abscès. On passe ensuite un seton de la main au poignet ; c’étoit la pratique de M. Thibaut, premier chirurgien de l’hôtel-dieu de Paris. Si les accidens continuoient & qu’on jugeât qu’ils vinssent de l’étranglement causé par le ligament annulaire commun, il faudroit le couper ; le chirurgien doit avoir dans ce cas la prudence d’avertir que le malade en demeurera estropié, & qu’il ne se détermine à faire cette opération que pour lui sauver la vie. Si les accidens venoient du tendon, on pourroit l’emporter entierement. M. Petit a pratiqué cette opération avec succès, en coupant d’abord l’attache du tendon à la phalange, il le tiroit ensuite de dessous le ligament annulaire, & le coupoit dans son corps charnu.

Lorsque l’affection de la gaîne & du tendon forme un panaris de la troisieme espece, ces parties sont quelque fois affectées consécutivement dans le panaris de la seconde espece, lorsque l’ouverture n’en a pas été faite à propos. Si l’on tarde trop, le pus qui est sous la peau comme dans un abscès ordinaire, la perce ; la partie la plus séreuse dilacere & souleve l’épiderme, & forme une tumeur transparente qui ressemble au panaris de la premiere espece. Lorsqu’on a enlevé l’épiderme, on apperçoit à la peau un petit trou par où le pus sort. Il faut y introduire une sonde cannelée, & à sa faveur ouvrir la tumeur dans toute son étendue, avec les attentions que nous avons décrites. Le séjour du pus a souvent altéré la gaîne & le tendon, & il y a des panaris de la seconde espece dont la matiere est de si mauvais caractere qu’elle altere les os, d’où s’ensuit la perte des doigts.

Pour la quatrieme espece de panaris, on doit mettre en usage dans le commencement les secours indiqués généralement pour calmer l’inflammation ; si la tumeur suppure, on en fait l’ouverture ; on est souvent obligé de faire une incision de chaque côté du doigt ; il est bien rare que le malade conserve la phalange : cet os est si spongieux qu’il est presque