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» Il est sans difficulté que les palissades de la troisieme & quatrieme especes sont les meilleures, mais l’une & l’autre ont de très-grands défauts ; la derniere est à préférer à l’autre, parce qu’on hasarde moins à défendre le chemin couvert de pié ferme à celle-ci ; la place pouvant en certains cas, & en plein jour, hasarder de tirer par-dessus la tête de ceux qui la défendent, parce qu’ils sont plus bas, mais non à l’autre où on est plus élevé. La meilleure défense des chemins couverts n’est pas à mon sens celle de pié ferme, il en coûte trop, & tôt ou tard vous en êtes chassés avec perte : j’aimerois mieux la défendre en cédant les parties plus à portée de l’ennemi, & y revenant après lui avoir fait essuyer une demi-heure ou trois quarts d’heure le feu de la place & des dehors, dont les défenses étant bien bordées & non contraintes, doivent pour-lors faire un grand effet : on pourroit au plus soutenir les places d’armes de pié ferme au moyen des doubles palissades, pendant que le feu de la place agissant à droite & à gauche sur les angles saillans, ne laisseroit pas d’être encore fort dangereux, même de jour, parce que le soldat est maladroit & ne prend pas assez garde où il tire ; c’est pourquoi je tiens que le meilleur parti à prendre, du-moins le plus sûr, est de ne tenir que peu de monde dans le chemin couvert, avec ordre de se retirer aux places d’armes plus voisines de la gauche des attaques, où il faudroit tenir de forts détachemens prêts pour revenir de part & d’autre, les uns par-dessus le glacis, & les autres par le chemin couvert, ce qui sera bon à répéter diversement, tant qu’elles réussiront.

» Le vrai parti à prendre en ce fait, est de planter la haute palissade, quand on gasonne le parapet du chemin couvert tout autour de la place, de l’entretenir à perpétuité, & de tenir la basse en reserve dans des magasins ou en piles de charbonnier couvertes de paille, pour ne la planter que dans le tems d’un siege, & seulement quand les attaques seront déclarées, & sur le long du front ; il n’en faudra pas pour cela mettre en provision davantage, je ne serois même d’avis de ne doubler la palissade qu’aux places d’armes des angles rentrans, comme les seules parties qu’on peut soutenir de pié ferme, ne me paroissant pas qu’il y en ait d’autres que celle-là qui le puisse être ; & quant à la haute palissade, on peut la corriger & la planter en espaçant, tant plein que vuide, un clou coudé avec une pointe élevée de trois pouces, occupant le milieu du vuide, & tenant dans le bois par une autre pointe à-peu-près de pareille grandeur, bien ébarbilée & enfoncée à force dans le linteau, après avoir été précédée d’un petit trou de villebrequin & battu jusqu’à ce que tout le coude soit entré dans le bois, pour lequel faciliter, il y faut une petite coche avec un fermoir ou ciseau ; la pointe dudit clou s’alignant avec la palissade dont le linteau doit être chevillé à un pié ou cinq pouces plus bas que le sommet du parapet, lequel sommet sera surmonté de neuf pouces par la pointe de la palissade qui sera aussi éguisée de douze de long, & plantée de six ou huit pouces près du pié du parapet, ensorte que de ladite palissade au sommet, il y ait un pié & demi de distance mesuré horisontalement, l’épaisseur de la palissade non compris ; ce qui fera deux piés d’éloignement du soldat qui tire au sommet du parapet, supposant après que les sacs à terre un peu applatis occupent un pié de large ; le fusil qui en a trois & huit pouces de canon, passera de huit pouces au-delà des sacs à terre, ce qui est ce que l’on peut desirer de mieux en cas pareil ». Dissertation de M. de Vauban, sur la maniere de planter les palissades.

Il est incontestable qu’en ouvrant davantage l’entre-deux des palissades, en éguisant les pointes de plus loin, & en ne les faisant surmonter le parapet que de neuf pouces, on remédie, ainsi que dit M. de Vauban, aux éclats, au défaut de ne pouvoir assez biaiser du mousquet, & à la difficulté d’arranger les sacs à terre ; cependant dans les dernieres défenses des places, cette méthode n’a pas entierement été suivie ; on a supprimé le clou coudé & on a rapproché les palissades à la distance de quatre pouces les unes des autres.

M. de Coëhorn a donné une nouvelle maniere de palissades, faites en sorte qu’on les peut mettre debout & les baisser quand on veut. Elles sont attachées le long d’un arbre tournant, long environ de deux toises, & enclavé dans les têtes de deux pieux plantés en terre. Il fait grand cas de ces sortes de palissades ; premierement, pour l’épargne, parce qu’on ne les met qu’au tems d’attaque ; secondement, pour ne pouvoir être ruinées par le canon, parce qu’elles ne sont vûes des assiégeans pendant le jour que lorsqu’on donne l’assaut au chemin couvert. Tout ce qu’on peut dire contre ces palissades, c’est que si un poteau ou un pieux vient à être renversé par une bombe, l’espace de quatre toises se trouve sans palissades pendant un certain tems. Traité de la sureté des états par le moyen de forteresses. (Q)

Palissades tournantes, sont celles de l’invention de M. Coëhorn, qui se tournent de haut en bas. Voyez Palissades.

Palissade, s. f. (Jardin.) espece de barriere de pieux fichés en terre à claire voie, qu’on fait au lieu d’un petit fossé, aux bouts d’une avenue nouvellement plantée, pour empêcher que les charrois n’endommagent les jeunes arbres.

Palissade de jardin, c’est un rang d’arbres feuillus par le pié, & taillés en maniere de mur le long des allées, ou contre les murailles d’un jardin. Les palissades de charme sont celles qui viennent les plus hautes, & qui s’unissent le mieux. On fait de petites palissades avec de la charmille, des ifs, des buis, &c. pour les allées ; & des palissades à hauteur d’appui, avec du jasmin, des grenadiers, & sur-tout du filaria, qui est très-propre pour les palissades de moyenne hauteur. Il y a aussi des palissades à banquettes, qui n’excedent jamais trois piés & demi. Elles servent à borner les allées lorsqu’on ne veut plus borner toutes les vues d’un jardin. On y met des arbres d’espaces en en espaces, & quand on veut les décorer, on y enclave des ormes à tête ronde.

La hauteur d’une palissade en général, doit être les deux tiers de la largeur de l’allée. Les palissades plus hautes font paroître les allées étroites, & les rendent tristes. Leur beauté consiste à être bien garnies par le bas ; lorsqu’elles se dégarnissent, on y rémedie avec des ifs soutenus d’un petit treillage : on les tond ordinairement des deux côtés à-plomb.

Les utilités des palissades consistent, 1°. à couvrir les murs de clôture, pour boucher en des endroits des vûes désagréables, & en ouvrir d’autres : 2°. à corriger & à racheter les biais qui souvent se trouvent dans un terrein, & les coudes que forment certains murs : 3°. à servir de clôture aux bosquets, cloitres & autres compartimens qui doivent être séparés, & où l’on pratique d’espace en espace des renforcemens le long des allées : 4°. à revêtir le mur d’appui d’une terrasse : 5°. à former des niches qui décorent des jets d’eau, des figures, ou des vases : 6°. enfin à dresser des portiques, & à former des galeries & des arcades.

On appelle palissades crénelées les palissades qui sont couvertes d’espace en espace en maniere de créneaux au-dessus d’une hauteur d’appui, comme il y en a, par exemple, autour de la piece d’eau appellée l’île royale, à Versailles.