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reur général dit que, « plus les pairs de France sont près du roi, & plus ils sont grands dessous lui de tant ils sont tenus & plus astraints de garder les droits & l’honneur de leur roi & de la couronne de France, & de ce ils font serment de fidélité plus espéciale que les autres sujets du roi ; & s’ils font ou attentent à faire au contraire, de tant sont-ils plus à punir ».

Au sacre du roi les pairs font une fonction royale, ils y représentent la monarchie, & y paroissent avec l’habit royal & la couronne en tête, ils soutiennent tous ensemble la couronne du roi, & ce sont eux qui reçoivent le serment qu’il fait d’être le protecteur de l’Eglise & de ses droits, & de tout son peuple. Boulainv. tome I. en a même conservé dans cette cérémonie, suivant l’ancien usage, la forme & les termes d’une élection, ainsi qu’on le peut voir dans du Tillet ; mais aussi-tôt après cette action les pairs rentrent dans le devoir de véritables sujets ; ensorte que leur fonction au sacre est plus élevée que celle des électeurs, lesquels font simplement la fonction de sujets au couronnement de l’empereur. Boulainv.

Outre ces fonctions qui sont communes à tous les pairs, ils en ont encore chacun de particulieres au sacre.

L’archevêque de Reims a la prérogative d’oindre, sacrer, & couronner le roi ; ce privilege a été confirmé aux archevêques de Reims par le pape Sylvestre II. & par Alexandre III. l’évèque de Laon & celui de Beauvais accompagnent l’archevèque de Reims lorsqu’il va recevoir sa majesté à la porte de l’église la veille de la cérémonie ; & le lendemain ces deux évêques sont toujours députés, l’un comme duc, & l’autre comme premier comte ecclésiastique, pour aller querir le roi au palais archiépiscopal, le lever de dessus son lit & l’amener à l’église, enfin d’accompagner sa majesté dans toute la cérémonie de l’onction sacrée ; & dans la cérémonie l’évêque de Laon porte la sainte ampoule, celui de Langres le sceptre, & il a la prérogative de sacrer le roi en l’absence de l’archevêque de Reims ; celui de Beauvais porte & présente le manteau royal ; l’évêque de Châlons porte l’anneau royal ; l’évêque de Noyon la ceinture ou baudrier. Les six anciens pairs laïcs sont représentés dans cette cérémonies par d’autres pairs que le roi commet à cet effet ; le duc de Bourgogne porte la couronne royale & ceint l’épée au roi ; le duc de Guyenne porte la premiere banniere quarrée ; le duc de Normandie porte la seconde ; le comte de Toulouse les éperons ; le comte de Champagne la banniere royale où est l’étendart de la guerre ; le comte de Flandres l’épée du roi.

Anciennement les pairs étoient appellés aux actes publics de leur seigneur pour les rendre plus authentiques par leur souscription, & c’étoit comme pairs de fief, & comme gardiens du droit des fiefs que leur présence y étoit requise, afin que le seigneur ne le dissipât point ; tellement que pour rendre valable une aliénation, un seigneur empruntoit quelquefois des pairs d’un autre seigneur pour l’assister en cette occasion.

Le roi faisoit de même signer des chartes & ordonnances par ses pairs, soit pour les rendre plus authentiques, soit pour avoir leur consentement aux dispositions qu’il faisoit de son domaine, & aux réglemens qu’il faisoit, lorsque son intention étoit que ces réglemens eussent aussi leur exécution dans les terres de ses barons ou pairs.

Ce fut sans doute par une suite de cet ancien usage, qu’au traité d’Arras en 1482, l’empereur Maximilien demanda à Louis XI. pour garantie de ce traité l’engagement des princes du sang, subrogés, est-il dit, au lieu des pairs.

Les pairs sont aussi près du roi lorsqu’il tient ses états généraux.

Mais la principale cause pour laquelle les pairs de France ont été institués, a été pour assister le roi de leurs conseils dans ses affaires les plus difficiles, & pour lui aider à rendre la justice dans sa cour, de même que les autres pairs de fiefs y étoient obligés envers leur seigneur : les pairs de France étoient juges naturels des nobles du royaume en toutes leurs causes réelles & personnelles.

Charles V. dans des lettres de 1359, portant érection du comté de Mâcon en pairie, ad consilium & juramentum rei publicæ duodecim pares qui regni Franciæ in arduis consiliis & judiciis assisterint & statuerint.

Tous les pairs en général étoient obligés de juger dans la cour du seigneur, sous peine de saisie de leurs fiefs, & d’établissement de garde, se ainsi n’étoit (disent les assises de Jérusalem) le seigneur ne pourroit cour tenir telle comme il doit, ne les gens avoir leur raison, &c.

Ces pairs de fief étoient les juges du seigneur ; il en falloit au moins deux avec lui pour juger, Henaut. C’est peut-être de-là que quand le parlement eut été rendu sédentaire à Paris, & que le roi eut commis des gens de loi pour tenir ordinairement le parlement, il fut néanmoins ordonné qu’il y auroit toujours au moins deux barons ou pairs au parlement.

Personne, dit Beaumanoir, pour tel service qu’il eût, n’étoit excusé de faire jugement en la cour ; mais s’il avoit loyale exoine, il pouvoit envoyer un homme qui, selon son état, pût le représenter.

Mais ce que dit ici Beaumanoir des pairs de fief ; n’a jamais eu lieu pour les pairs de France, lesquels ne peuvent envoyer personne pour les représenter, ni pour siéger & opiner en leur place, ainsi qu’il fut déclaré dans un arrêt du parlement du 20 Avril 1458.

Séance au parlement. Les pairs étant les plus anciens & les principaux membres de la cour, ont entrée, séance & voix délibérative en la grand’chambre du parlement & aux chambres assemblées, toutes les fois qu’ils jugent à propos d’y venir, n’ayant pas besoin pour cela de convocation ni d’invitation.

La place des pairs aux audiences de la grand’chambre est sur les hauts sieges, à la droite du premier président ; les princes occupent les premieres places ; après eux sont les pairs ecclésiastiques, ensuite les pairs laïcs, suivant l’ordre de l’érection de leurs pairies.

Lorsque le premier banc ne suffit pas pour contenir tous les pairs, on forme pour eux un second rang avec des banquettes couvertes de fleurs-de-lis.

Le doyen des conseillers laïcs, ou autre plus ancien, en son absence, doit être assis sur le premier banc des pairs, pour marquer l’égalité de leurs fonctions ; le surplus des conseillers laïcs se place après le dernier des pairs laïcs.

Lorsque la cour est au conseil, ou que les chambres sont assemblées, les pairs sont sur les bas siéges.

Aux lits de justice, les pairs laïcs précédent les évêques pairs ; les laïcs ont la droite : les ecclésiastiques furent obligés au lit de justice de 1610, de la laisser aux laïcs. M. de Boulainv. croit que cela vient de ce que les laïcs avoient entrée aux grandes assemblées avant que les évêques y fussent admis.

Aux séances ordinaires du parlement, les pairs n’opinent qu’après les présidens & les conseillers clercs, mais aux lits de justice ils opinent les premiers.

Autrefois les pairs quittoient leur épée pour entrer au parlement ; ce ne fut qu’en 1551 qu’ils commencerent à en user autrement malgré les rémontrances du parlement, qui représenta au roi que de toute antiquité cela étoit reservé au roi seul, en signe de spéciale prérogative de sa dignité royale, & que le feu roi François I. étant dauphin, & messire Charles de Bourbon y étoient venus laissant leur épée à la porte. Voyez le président Henaut, à l’an 1551.