Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/757

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les arriere-fiefs formerent des pairies subordonnées ; il n’y eut plus de pairs relativement à la couronne du roi, que les barons du roi, nommés barons du royaume, ou pairs de France : mais il y en avoit bien plus de douze, & chaque baron, comme on l’a dit, avoit lui-même ses pairs.

Les plus anciens pairs sont donc ceux auxquels on donnoit cette qualité du tems de la premiere & de la seconde race, & même encore au commencement de la troisieme ; tems auquel la pairie étoit encore personnelle : on les appelloit alors principes, ou primates, magnates, proceres, barones ; ces différentes dénominations se trouvent employées indifféremment dans plusieurs chartes & anciennes ordonnances, notamment dans un acte où Eudes, comte de Chartres, se plaignant au roi Robert de Richard duc de Normandie, se sert des termes de pair & de prince en un même sens. Boulainvilliers, de la Pairie.

L’origine de la pairie réelle remonte aussi loin que celle des fiefs ; mais les pairies ne devinrent héréditaires, que comme les fiefs auxquels elles étoient attachées ; ce qui n’arriva que vers la fin de la seconde race, & au commencement de la troisieme.

M. de Boulainvilliers, en son histoire de la Pairie, prétend que du tems de Hugues Capet, ceux que l’on appelloit pairs de France, n’étoient pas pairs du roi ; que c’étoient les pairs de Hugues Capet, comme duc de France ; qu’ils étoient pairs de fiefs, & ne se mêloient que du domaine du roi & non du reste de l’état ; le duc de Bourgogne, les comtes de Flandres & de Champagne, ayant de même leurs pairs.

Quoi qu’il en soit de cette opinion, on entend communément par le terme d’anciens pairs de France, les douze barons auxquels seuls le titre de pairs de France, appartenoit du tems de Louis VII. dit le Jeune.

L’institution de ces douze anciens pairs ne doit point être attribuée à Charlemagne ; c’est une fable qui ne mérite pas d’être refutée sérieusement.

Viguier dit qu’avant Louis le Begue, presque toutes les terres du royaume étoient du domaine royal ; le roi en faisant la part à ses sujets comme bon lui sembloit ; mais sous Charles III. dit le Simple, le royaume fut distribué en sept grandes & principales provinces, & en plusieurs moindres & petites comtés, qui dépendoient des grandes seigneuries.

Ces sept principales seigneuries furent données aux maisons les plus puissantes de l’état.

Tel étoit encore l’état du royaume à l’avenement de Hugues Capet à la couronne ; il n’y avoit en tout que sept pairies qui étoient toutes laïques ; savoir, le duché de France, qui étoit le domaine de Hugues Capet, les duchés de Bourgogne, de Normandie, & de Guyenne, & les comtés de Champagne, de Flandres, & de Toulouse. La pairie de France ayant été réunie à la couronne, il ne resta plus que les six autres pairs.

Favin & quelques autres pensent que la pairie fut instituée par le roi Robert, lequel établit un conseil secret d’état, composé de six ecclésiastiques & de six lais qu’il honora du titre de pairs. Il fixe cette époque à l’an 1020, qui étoit la vingt-quatrieme année du regne de ce prince ; mais cet auteur ne s’appuie d’aucune autorité ; il n’a pas fait attention qu’il n’y avoit pas alors six pairs ecclésiastiques : en effet, l’évêque de Langres relevoit encore du duc de Bourgogne sous Louis VII. lequel engagea le duc de Bourgogne à unir le comté de Langres à l’évêché, afin que l’évêque relevât du roi ; ce prince étant alors dans le dessein de faire sacrer son fils Philippe-Auguste, & de rendre cette cérémonie mémorable

par la convocation des douze pairs.

Ainsi l’évêque de Langres n’étant devenu propriétaire du comté de Langres qu’en l’année 1179 il est certain que l’époque où on le comptoit pair, ne peut être antérieure à cette époque, soit que Louis VII. ait institué les douze anciens pairs, ou qu’il ait seulement réduit le nombre de pairs, à douze.

Plusieurs tiennent que ce fut Louis VII. qui institua les douze anciens pairs ; ce qui n’est fondé que sur ce que les douze plus anciens pairs connus, sont ceux qui assisterent sous Louis VII. au sacre de Philippe Auguste, le premier Novembre 1179, & qui sont qualifiés de pairs ; savoir Hugues III. duc de Bourgogne ; Henri le jeune roi d’Angleterre, duc de Normandie ; Richard d’Angleterre son frere, duc de Guyenne, Henri I. comte de Champagne ; Philippe d’Alsace, comte de Flandres ; Raymond vicomte de Toulouse ; Guillaume de Champagne, archevêque duc de Reims ; Roger de Rosay, évêque duc de Laon ; Manassés de Bar, évêque duc de Langres ; Barthélemi de Montcornet, évêque comte de Beauvais ; Gui de Joinville, évêque comte de Châlons ; Baudouin, évêque & comte de Noyon.

Mais on ne peut pas prétendre que ce fut Louis VII. qui eût institué ces douze pairs ; en effet, toutes les anciennes pairies laïques avoient été données en fief long-tems avant le regne de Louis VII. savoir le comté de Toulouse en 802, le duché d’Aquitaine en 844, le comté de Flandres en 864, le duché de Bourgogne en 890, celui de Normandie en 912, le comté de Champagne en 999. Il ne faut pas croire non plus que Louis le jeune eût fixé ou réduit les pairs au nombre de douze, si ce n’est que l’on entende par-là qu’aux onze pairs qui existoient de son tems, il ajouta l’évêque de Langres qui fit le douzieme ; mais le nombre des pairs n’étoit pas pour cela fixé ; il y en avoit autant que de vassaux & immédiats de la couronne ; la raison pour laquelle il ne se trouvoit alors que douze pairs, est toute naturelle ; c’est qu’il n’y avoit dans le domaine de nos rois que six grands vassaux laïques, & six évêques aussi vassaux immédiats de la couronne, à cause de leurs baronies.

Lorsque dans la suite il revint à nos rois d’autres vassaux directs, ils les admirent aussi dans les conseils & au parlement, sans d’autre distinction que du rang & de la qualité de pair, qui appartenoit privativement aux anciens. Traité de la Pairie de Boulainvilliers.

Quoi qu’il en soit, ces anciennes pairies parurent avec éclat sous Philippe Auguste ; mais bien-tôt la plûpart furent réunies à la couronne ; en sorte que ceux qui attribuent l’institution des douze pairs à Louis VII. ne donnent à ces douze pairs qu’une existence pour ainsi dire momentanée. En effet, la Normandie fut confisquée sur Jean sans Terre, par Philippe Auguste ; ensuite usurpée par les Anglois sous Charles VI. & reconquise par Charles VII.

L’Aquitaine fut aussi confisquée en 1202, sur Jean sans Terre, & en 1259, saint Louis en donna une partie à Henri roi d’Angleterre, sous le titre de duché de Guyenne. Le comté de Toulouse fut aussi réuni à la couronne sous saint Louis en 1270, par le décès d’Alphonse son frere sans enfans ; le comté de Champagne fut réuni à la couronne en 1284, par le mariage de Philippe le Bel, avec Jeanne reine de Navarre & comtesse de Champagne.

Lettres d’érection. Les anciens pairs n’avoient point de lettres d’érection de leur terre en pairie, soit parce que les uns se firent pairs eux-mêmes, soit parce que l’on observoit alors peu de formalités dans la concession des titres & dignités ; on se passa même encore long-tems de lettres, après que la pairie eut