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tiensis porta, porte de la ville de Rome du côté d’Ostie : on la nommoit aussi porta trigencina ; c’est aujourd’hui la porte de S. Paul.

Ostienne, voie (Topograph. de Rome) via ostiensis, grande route qui menoit de Rome à Ostie. Dans le tems que ce port étoit florissant, toute cette route longue de douze mille pas, étoit bordée de maisons de plaisance & d’hôtelleries.

OSTIPPO, (Géog. anc.) ancienne ville d’Espagne dans la Bétique : elle est nommée Astupa par Tite-Live, liv. xxviij. ch. xxij. c’est présentement Estepa en Andalousie, à près de trois lieues d’Exija. (D. J.)

OSTISE, (Jurisprud.) signifie demeure, & peut venir du latin ostium, qui veut dire l’entrée de la maison ; ou plutôt du latin hospes, dont on a fait en françois hoste & hostise, & par corruption ostise. Droit d’ostise est le droit de demeurer quelque part : on entend aussi par-là le devoir annuel que le sujet paye à son seigneur pour le fouage ou tenement. Voyez Galland, trait. du Franc-aleu, & Lauriere en son glossaire, au mot Ostise. (A)

OSTRACINE ; (Géog. anc.) nom d’une ancienne ville d’Egypte, d’une montagne du Péloponnese dans l’Arcadie, & d’un quartier de la ville d’Antioche de Syrie.

OSTRACISME, s. m. (Polit. d’Athènes.) loi par laquelle le peuple athénien condamnoit sans flétrissure ni deshonneur, à dix ans d’exil, les citoyens dont il craignoit la trop grande puissance, & qu’il soupçonnoit de vouloir aspirer à la tyrannie.

Cette loi fut appellée ostracisme, du mot grec ὄστρακον, qui signifie proprement une écaille, ou une coquille ; mais qui dans cette occasion, est pris pour le bulletin, s’il m’est permis de me servir de ce terme, sur lequel les Athéniens écrivoient le nom du citoyen qu’ils vouloient bannir. Peut-être que ὄστρακον désignoit un morceau de terre cuite faite en forme d’écaille ou de coquille, du-moins les Latins ont traduit le mot grec par testula.

Le ban de l’ostracisme n’avoit d’usage que dans les occasions où la liberté étoit en danger ; s’il arrivoit par exemple, que la jalousie ou l’ambition mît la discorde parmi les chefs de la république, & qu’il se formât différens partis qui fissent craindre quelque révolution dans l’état, le peuple alors s’assembloit, & délibéroit sur les moyens qu’il y avoit à prendre pour prévenir les suites d’une division qui pouvoit devenir funeste à la liberté. L’ostracisme étoit le remede ordinaire auquel on avoit recours dans ces sortes d’occasions ; & les délibérations du peuple se terminoient le plus souvent par un decret, qui indiquoit à certain jour, une assemblée particuliere pour procéder au ban de l’ostracisme. Alors ceux qui étoient menacés du bannissement, ne négligeoient rien de ce qui pouvoit leur concilier la faveur du peuple, & le persuader de l’injustice qu’il y auroit à les bannir.

Quelque tems avant l’assemblée, on formoit au milieu de la place publique, un enclos de planches dans lequel on pratiquoit dix portes, c’est-à-dire autant de portes qu’il y avoit de tribus dans la république ; & lorsque le jour marqué étoit venu, les citoyens de chaque tribu entroient par leur porte particuliere, & jettoient au milieu de cet enclos, la petite coquille de terre sur laquelle étoit écrit le nom du citoyen qu’ils vouloient bannir. Les archontes & le sénat présidoient à cette assemblée, & comptoient les bulletins. Celui qui étoit condamné par six mille de ses concitoyens, étoit obligé de sortir de la ville dans l’espace de dix jours ; car il falloit au moins six mille voix contre un athénien pour qu’il fût banni par l’ostracisme.

Quoique nous n’ayons point de lumieres sur l’é-

poque précise de l’institution de l’ostracisme, il est

vraissemblable qu’il s’établit après la tyrannie des Pisistratides, tems où le peuple athénien ayant eu le bonheur de secouer le joug de la tyrannie, commençoit à goûter les douceurs de la liberté. Extrèmement jaloux de cette liberté, c’est alors sans doute qu’il dut redoubler son attention pour prévenir & éloigner tout ce qui pourroit y donner la moindre atteinte. Quoique Pisistrate eût gouverné la république avec beaucoup de douceur & d’équité, cependant la seule idée d’un maître causoit une telle horreur à ce peuple, qu’il crut ne pouvoir prendre d’assez fortes précautions, pour ne plus retomber sous un joug qui lui paroissoit insupportable. Attaché par goût à la démocratie, il jugea que l’unique moyen d’affermir & de conserver cette espece de gouvernement, étoit de maintenir tous les citoyens dans une parfaite égalité ; & c’est sur cette égalité qu’il fondoit le bonheur de l’état.

Ce fut sur de tels motifs que les Athéniens établirent l’ostracisme, au rapport d’Androtion cité par Harpocration : « Hipparchus, dit-il, étoit parent du tyran Pisistrate, & il fut le premier que l’on condamna au ban de l’ostracisme ; cette loi venoit d’être établie, à cause du soupçon & de la crainte qu’on avoit, qu’il ne se trouvât des gens qui voulussent imiter Pisistrate, qui ayant été à la tête des affaires de la république, & général d’armée, s’étoit fait tyran de la patrie ».

Les Athéniens prévirent sans doute les inconvéniens de cette loi ; mais ils aimerent mieux, comme l’a remarqué Cornélius Népos, s’exposer à punir des innocens, que de vivre dans des alarmes continuelles ; cependant, comme ils sentirent que l’injustice auroit été trop criante, s’ils avoient condamné le mérite aux mêmes peines dont on avoit coutume de punir le crime, ils adoucirent autant qu’ils pûrent, la rigueur de l’ostracisme : ils en retrancherent ce que le bannissement ordinaire avoit d’odieux & de deshonorant par lui-même. On ne confisquoit pas les biens de ceux qui étoient mis au ban de l’ostracisme ; ils en jouissoient dans le lieu où ils étoient relégués ; on ne les éloignoit que pour un tems limité, au lieu que le bannissement ordinaire étoit toujours suivi de la confiscation des biens des exilés, & qu’on leur ôtoit toute espérance de retour.

Malgré les adoucissemens que les Athéniens apporterent à la rigueur de leur loi, il est aisé de voir, que si d’un côté elle étoit favorable à la liberté, de l’autre elle étoit odieuse, en ce qu’elle condamnoit des citoyens sans entendre leur défense, & qu’elle abandonnoit le sort des grands hommes à la délation artificieuse, & au caprice d’un peuple inconstant & capricieux. Il est vrai que cette loi auroit été avantageuse à l’état, si le même peuple qui l’avoit établie, eût toujours eu assez de discernement & d’équité, pour n’en faire usage que dans les occasions où la liberté auroit été réellement en danger ; mais l’histoire de la république d’Athènes ne justifia que par trop d’exemples, l’abus que le peuple fit de l’ostracisme.

Cet abus ne fut jamais plus marqué que dans le bannissement d’Aristide. On en peut juger par l’aventure qui lui arriva dans l’assemblée du peuple, le jour même de son bannissement. Un citoyen qui ne savoit pas écrire, s’adressa à lui comme au premier venu, pour le prier d’écrire le nom d’Aristide. Aristide étonné, lui demanda quel mal cet homme lui avoit fait, pour le bannir. Il ne m’a point fait de mal, répondit-il ; je ne le connois même pas, mais je suis las de l’entendre par-tout nommer le juste. Aristide écrivit son nom sans lui répondre.

Ce sage fut banni par les intrigues de Thémistocle, qui débarrassé de ce vertueux rival, demeura