Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/674

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques compositions officinales, telles que le sirop de guimauve composé, l’onguent martiatum, &c.

Ortie puante, (Botan.) genre de plante nommée par Tournefort galeopsis. Voyez ce mot.

Les deux principales especes de ce genre de plante, sont la grande & la petite ortie puante.

La grande ortie puante, galeops procerior, fœtida, sulcata, J. R. H. 185, pousse une racine qui rampe sur terre, & donne quelques fibres grêles qui sortent de ses nœuds. Ses tiges sont hautes d’une coudée ou d’une coudée & demie, quarrées, velues, creuses, branchues. Ses feuilles sont deux-à-deux, opposées, un peu plus larges que celles de la grande ortie ordinaire, pointues, couvertes d’un duvet mol, dentelées à leur bord, portées sur de longues queues, mêmes celles qui naissent des tiges. Ses fleurs naissent à l’extrémité des tiges & des rameaux, disposées par anneaux écartés, & forment des épis longs & grêles : elles sont d’une seule piece, en gueule, purpurines ; la levre supérieure est creusée en cuilleron, & marquée en-dessus de lignes blanches ; & l’inférieure est partagée en trois, dont le segment du milieu est obtus, long, large, réfléchi des deux côtés, & les deux autres sont petits & courts. Les étamines sont purpurines, & répandent une odeur fétide & forte. Le calice est découpé en cinq parties, court, évasé ; il en sort un pistil attaché à la partie postérieure de la fleur en maniere de clou, & comme accompagné de quatre embryons qui se changent en autant de graines oblongues, d’une grandeur médiocre, noires quand elles sont mûres, cachées dans le fond du calice. Toute cette plante a une odeur fétide & fort désagréable : elle est d’usage. Elle vient communément aux environs de Paris. Cette ortie a une odeur fétide de bitume, avec un goût d’herbe un peu salé & astringent. On met cette plante au rang des vulnéraires, & on emploie l’huile dans laquelle on a macéré ses feuilles & ses fleurs pour la brûlure.

La petite ortie puante, galeopsis palustris betonicæ folio, flore variegato, J. R. H. 185, jette une racine noueuse, rampante, inégale & bosselée. Ses tiges sont hautes de deux ou trois coudées, un peu rougeâtres, velues, rudes, quarrées, creuses. Ses feuilles naissent des nœuds, opposées, étroites, pointues, velues, molles, traversées en-dessous par une côte rougeâtre, un peu rudes, dentelées à leurs bords, d’une odeur forte, d’une saveur un peu amere. Ses fleurs sont disposées en épi & par anneaux, d’une seule piece, en gueule, purpurines, ayant les lévres panachées : leur calice est court, partagé en cinq quartiers : les graines sont au nombre de quatre, noires, luisantes, presque triangulaires. Cette plante vient naturellement dans les forêts humides, & sur le bord des ruisseaux.

Les feuilles de petite ortie puante sont ameres & fétides ; leur suc ne change presque point le papier bleu : elle paroissent contenir un sel essentiel ammonical, enveloppé dans beaucoup d’huile. On donne à cette plante les mêmes vertus qu’à la précédente. (D. J.)

Orties de mer, poissons-fleurs, urticæ, (Hist. nat. Ichtiolog.) insectes de mer dont il y a un grand nombre d’especes qui different entr’elles par la forme, par la couleur & par la nature de leur substance. Les anciens auteurs, tels qu’Aristote, Pline, &c. prétendoient que la plûpart des orties de mer restoient toujours attachées aux rochers, comme les plantes marines. M. de Réaumur a reconnu qu’elles avoient toutes un mouvement progressif. Il les a divisées en deux classes ; la premiere comprend toutes les especes d’orties qui restent toujours appliquées contre les rochers ; la seconde classe renferme les orties erran-

tes, c’est-à-dire, celles que l’on trouve flottantes.

M. de Réaumur a donné a celles-ci le nom de gelée de mer. La plûpart des orties de la premiere classe, se mouvent avec une telle lenteur, qu’on ne peut reconnoître leur mouvement progressif, qu’en marquant l’endroit où la partie de l’ortie la plus alongée est à une certaine heure, & celui où cette même partie se trouve quelque tems après ; elles parcourent à peine la longueur d’un pouce en une heure. Rondelet dit qu’on a donné à ces corps marins le nom d’orties, parce qu’ils causent une démangeaison cuisante, & semblable à celle que l’on ressent quand on touche la plante qui porte le même nom. M. de Réaumur n’a pas éprouvé cet effet dans les especes d’orties de mer qu’il a eu occasion de voir sur les côtes du Poitou & d’Aunis.

Il n’est guere possible de déterminer la figure de ces orties de mer, parce qu’elles changent très-souvent de forme ; la figure extérieure de leur corps approche de celle d’un cône tronqué, dont la base est appliquée contre les rochers : cette base qui paroît souvent circulaire, est aussi elliptique, ou de figure irréguliere ; quelquefois le cône est perpendiculaire à sa base, & d’autresfois oblique. Sa hauteur diminue ou augmente à mesure que la base a plus ou moins d’étendue ; la surface supérieure est ordinairement convexe ; il y a au milieu de cette surface une ouverture que l’ortie rend plus ou moins grande à sa volonté : pour prendre une idée plus juste de ce méchanisme, on peut comparer l’ortie à une bourse à jettons ; elle se ferme de même ; mais l’extérieur ne forme point de plis comme la bourse. Plus l’ouverture est grande, & plus on voit de parties intérieures. Si l’ortie replie en-dehors la partie qui correspond au contour d’une bourse, la surface intérieure se trouve alors à l’extérieur, & l’on voit toutes les cornes de cet insecte, qui ressemble dans cet état à une fleur épanouie, ce qui lui a fait donner le nom de poisson-fleur. Les contours varient non seulement dans les différentes especes d’orties de mer, mais encore dans les individus de la même espece. Il y en a de verdâtres, de blanchâtres, d’autres de couleur de rose, ou d’un brun de différentes teintes. Il y a quelques orties dont toute la surface est d’une seule couleur ; d’autres ont plusieurs couleurs par taches ou par raies qui sont distribuées ou régulierement, ou irrégulierement. Les orties vertes ont ordinairement une bande bleue qui a une ligne de largeur, & qui s’étend tout autour de leur base. Les orties de mer paroissent sensibles lorsqu’on les touche. Elles se nourrissent de la chair de petits poissons & de différens coquillages qu’elles font entrer tout entier dans l’ouverture dont nous avons parlé plus haut, & qu’elles élargissent à mesure de la grosseur du coquillage ; alors elles rétrecissent cette ouverture, & sucent l’animal de la coquille bivalve ou autre ; ensuite elles rejettent la coquille par la même ouverture. Les orties sont des animaux vivipares ; car les petites sortent du corps de leur mere aussi-bien formées qu’elle.

Les orties que M. de Réaumur appelle gelée de mer, différent à tous égards de celles dont nous venons de parler ; elles sont d’une substance très-molle, qui a ordinairement la couleur & toujours la consistance d’une vraie gelée : si on en prend un morceau avec les doigts, la chaleur seule de la main suffit pour dissoudre cette substance, comme une gelée de bouillon qu’on mettroit sur le feu. Ces gelées sont de vrais animaux dont il y a plusieurs especes très-différentes les unes des autres par leur conformation. Les individus de la même espece ont exactement la même figure : il y a de ces gelées qui sont d’une couleur verdâtre, semblable à celle de la mer ; d’autres ont tout-au-tour de leur circonférence