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orties en mâle & en femelle. L’ortie mâle porte sur des piés qui ne fleurissent point, des capsules pointues, formées en fer de pique, brulantes au toucher, qui contiennent chacune une semence ovale applatie, luisante. L’ortie femelle ne porte que des fleurs, & ne produit aucun fruit ; ce qui est une maniere de parler usitée seulement chez le vulgaire : car les Botanistes appellent proprement fleurs mâles celles qui ne sont point suivies de graines, & leurs semelles celles qui en sont suivies.

Cette plante croit presque par tout en abondance, particulierement aux lieux incultes & sabloneux, dans les hayes, dans les fossés, contre les murailles, dans les bois mêmes & dans les jardins ; elle fleurit en Juin, & la graine mûrit en Juillet & Août. Ses feuilles se flétrissent ordinairement tous les ans en hiver ; mais sa racine ne périt point, & repousse de nouvelles feuilles dès le premier printems. On fait usage en médecine de ses racines, de ses feuilles & de ses semences. On peut aussi faire de la toile de ses tiges, comme l’on en fait de celles de chanvre. L’ortie commune varie quelquefois pour la couleur de ses tiges, de ses racines & de ses feuilles ; on l’appelle alors ortie rouge, ortie jaune ou panachée.

La petite ortie, ou l’ortie griesche, est nommée urtica urens minor, par C. B. P. 232, & par Tournefort. Inst. R. H. 535. Sa racine est simple, assez grosse, blanche, garnie de petites fibres, annuelle. Elle pousse des tiges hautes d’un demi pié, assez grosses, quarrées, dures, cannelées, rameuses, piquantes, moins droites que celle de la précédente. Ses feuilles naissent opposées deux à deux, plus courtes & plus obtuses que celles de la grande ortie, profondément dentelées le long des bords, fort brulantes au toucher, d’un verd-brun enfoncé, attachées à de longues queues. Ses fleurs sont à étamines disposées par petites grappes en forme de croix dans les aisselles des feuilles, de couleur herbeuse, les unes mâles ou stériles, les autres femelles ou stériles, toutes sur le même pied. Lorsque ces dernieres sont passées, il leur succede de petites capsules formées à deux feuillets appliqués l’un contre l’autre, qui enveloppent chacune une semence menue, oblongue, applatie, luisante, roussâtre. Cette plante croît fréquemment le long des maisons, parmi les décombres des bâtimens, dans les jardins potagers, où elle se renouvelle tous les ans de graine, ne pouvant endurer la rigueur de l’hiver. L’herbe est sur tout d’usage en Médecine.

L’ortie romaine, autrement l’ortie grecque, ou l’ortie mâle, est nommée urtica urens, pilulas ferens, prima Dioscoridis, semine lini, par C. B. P. 232, & par Tournefort, I. R. H. 535. Ses feuilles sont larges, pointues, profondément dentelées en leur bord, couvertes d’un poil rude, brillant & brûlant. Ses fleurs naissent des aisselles des feuilles vers les sommités de la tige & des branches, semblables à celles des deux especes précédentes. Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des globules ou pilules vertes, qui sont autant de petits fruits ronds gros comme des pois, tout hérissés de piquans, attachés à de longs pédicules, composés de plusieurs capsules qui s’ouvrent en deux parties, & renferment chacune une semence ovale, pointues, applatie, lisse, glissante & douce au toucher comme de la graine de lin. Cette plante croît aux pays froids, comme aux pays chauds, dans les hayes, dans les prés, dans les bois taillis & ombrageux, est plus rare que les deux autres, & on la seme pour le plaisir dans les jardins ; elle fleurit en été, & sa graine mûrit en Juillet & Août ; elle ne soutient point l’hiver, & périt tous les ans.

Sa semence est sur-tout en usage.

J’ai répété continuellement, que les feuilles d’orties piquantes sont chargées de pointes aiguës qui penetrent la peau quand on les touche, & causent de la chaleur, de la douleur & de l’enflure. On croyoit autrefois que ces symptômes devoient s’attribuer aux piquans qui restoient dans la blessure qu’ils faisoient, mais le microscope a découvert quelque chose de bien plus étonnant dans cette plante. Il montre que ces piquans sont formés pour agir de la même maniere que les aiguillons des animaux. En effet chacun de ces piquans est un corps roide, creux, & terminé dans une pointe très-aiguë, avec une ouverture à son extrémité. Au fond de cette pointe est une vésicule pellucide contenant une liqueur limpide, qui lors qu’on touche le moins du monde, coule à l’extrémité ; & si cette liqueur entre dans la peau, elle produit les accidens ci-dessus mentionnés par la pointe de ses sels, de-là vient que les feuilles d’ortie, quand elles ont été un peu séches au soleil, ne piquent presque point du tout. (D. J.)

Ortie, (Méd.) On emploie indifféremment en médecine trois especes d’ortie ; la grande ortie piquante, ou ortie commune ; la petite ortie ou ortie grieche ; & l’ortie romaine, ortie grecque, ou ortie mâle.

On croit que l’ortie en latin urtica, a été ainsi nommée du mot latin urere, bruler, parce que cette plante est courte, d’un poil fin, aigu & roide, qui étant appliquée à la peau fait éprouver un sentiment de brulure, & excite en effet de la chaleur, de la rougeur, de la démangeaison & des pustules. Ces accidens sont passagers, & on peut les adoucir chez ceux qui sont très-délicats ou très-impatiens, en frottant legerement la partie avec de l’huile d’olive, d’autres disent le suc de tabac, une feuille d’ortie pilée, ou le suc exprimé de la même plante : mais ce dernier secours a quelque chose de mystérieux, d’occulte, capable d’ébranler la confiance des personnes raisonnables, & celles qui sont versées dans ces matieres peuvent conjecturer avec vraissemblance qu’un suc purement extractif quelconque, feroit ici tout aussi-bien que le suc d’ortie. Au reste cet effet de l’ortie appliquée à la peau, a été procuré à dessein par les anciens Médecins & par quelques modernes, & mis au rang des ressources thérapeutiques ou des remedes. Ce secours est connu dans l’art sous le nom d’urtication. Voyez Urtication.

Les feuilles & les racines d’ortie ont un goût fade, gluant & legérement stiptique. Le suc de ces parties dépuré par le repos ou à l’aide d’une courte ébullition, est employé fort communément à la dose de deux jusqu’à quatre onces dans le crachement de sang, l’hémorragie habituelle du nez, & le flux trop abondant des hémorrhoïdes. On le donne aussi pour les fleurs blanches, mais ordinairement avec beaucoup moins de succès.

L’infusion théïforme des feuilles d’ortie est d’ailleurs recommandée contre le rhumatisme, la goutte, la gravelle, &c. & sa décoction pour boisson ordinaire pour les fievres malignes, la petite-verole & la rougeole ; ses feuilles pilées & réduites en cataplasme, & appliquées sur le côté contre la plurésie, &c. mais tous ces éloges sont peu confirmés par l’expérience, & l’ortie est peu employée dans tous ces cas.

On emploie aussi quelquefois cette plante réduite sous forme de cataplasme pour les affections inflammatoires extérieures, & c’est encore-là un secours peu usité.

La semence d’ortie qui est peu ou point employée dans les prescriptions magistrales, entre dans