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couvre ces tuyaux avec des calottes de fer E, qui les ferment bien exactement, alors on fait aller le feu, & l’arsenic se sublime & s’attache dans l’intérieur de la calote sous la forme d’une masse de verre blanc & transparent, c’est là ce qu’on appelle arsenic crystallin.

Quand on veut faire de l’arsenic jaune ou de l’orpiment factice, on joint à l’arsenic en poudre environ un dixieme de soufre, que l’on mêle bien exactement avec lui, & l’on sublime ce mélange qui forme une masse opaque & jaune, qui n’est jamais d’une combinaison aussi parfaite que celle de l’orpiment naturel. Si on veut avoir de l’arsenic rouge, on augmente la dose de soufre, & l’on en mêle un cinquieme avec l’arsenic en poudre pour le faire sublimer. Mais pour que la combinaison du soufre & de l’arsenic se fasse plus intimement, il sera bon de faire fondre de nouveau ce qui se sera sublimé, alors l’arsenic rouge deviendra transparent comme un rubis.

On voit par-là que l’arsenic a la propriété de se combiner avec le soufre ; il a aussi celle de se combiner avec les métaux. Si on le joint avec du cuivre, il formera un alliage blanc comme de l’argent, mais il rend le cuivre aigre & cassant, & cet alliage noircit à l’air ; l’arsenic rend l’or & l’argent très-cassant, mais il a sur-tout beaucoup de disposition à s’unir avec le fer ; il s’unit aussi avec le plomb, mais il ne s’unit point avec le mercure. L’arsenic fondu avec le soufre & le régule d’antimoine fait une masse vitrifiée, que l’on nomme aimant d’arsenic ou magnes arsenicalis, on lui donne aussi le nom de lapis pyrmiéson ou lapis de tribus. Pour le faire, on fond ensemble parties égales d’arsenic jaune ou d’orpiment, & d’antimoine crud qui contiennent l’un & l’autre du soufre. On prétend que la masse vitreuse qui résulte de cette opération, est propre à décomposer ou à détruire les métaux. Cet aimant d’arsenic est un puissant escarotique, il fait entrer en suppuration les bubons pestilentiels & empêche leur propagation, il entre dans l’emplâtre magnétique.

M. Meuder, médecin de Dresde, a fait un pyrophore en sublimant ensemble parties égales d’arsenic & de limaille de fer, & en mêlant dix parties de ce sublimé avec douze parties de vitriol de lune, c’est-à-dire avec le sel qui résulte de la combinaison de l’argent avec l’acide nitreux ; on triture ce mélange sur un porphyre, & on l’échauffe sur un poële ou de quelqu’autre maniere, & il s’enflamme sur le champ. Voyez la Pyritologie de Henckel, chapitre x.

Pour essayer si une substance contient de l’arsenic, il n’y aura qu’à la mettre dans une cornue de terre au fourneau de réverbere, on donnera le feu par degrés, & il passera dans le récipient des fleurs ou une poudre blanche qui n’est autre chose qu’une chaux d’arsenic ; on trouvera dans le cul de la cornue une poudre grise, qui est une chaux d’arsenic qui n’est point encore entierement privée de son phlogistique ; enfin on y trouve aussi du régule d’arsenic en forme de crystaux prismatiques, dont les angles sont arrondis.

La chaux d’arsenic est extrèmement volatile, elle se sublime à une chaleur médiocre, & forme des crystaux qui sont solubles dans l’eau. Pour réduire la chaux d’arsenic & lui rendre l’état de régule, on n’aura qu’à mêler ensemble parties égales de chaux d’arsenic & de savon noir, & la moitié d’alkali fixe, on mettra le tout dans un creuset fermé d’un couvercle, au milieu duquel il y aura un petit trou, on lutera bien ce couvercle avec de la terre glaise, le régule d’arsenic se sublimera sur le couvercle du creuset.

Quand on veut essayer une mine d’arsenic dans

un vaisseau ouvert, on lui joint de la limaille de fer pour servir d’intermede ; alors l’arsenic s’unit au fer, & il résiste au feu le plus violent sans se volatiliser.

Pour séparer le soufre de l’arsenic dans l’orpiment, on n’a que le triturer avec du mercure, & ensuite on met ce mélange en sublimation, l’arsenic se leve tout seul, & le soufre uni avec le mercure se sublime ensuite, & forme du cinnabre au-dessous de l’arsenic qui s’étoit sublimé.

Le régule d’arsenic détone avec le nitre, il s’unit avec la base de ce sel, & forme ce qu’on appelle l’arsenic fixé. Dans cette détonation, le nitre se gonfle, & il en part une flamme claire & très blanche, mais la chaux d’arsenic ne détone & ne s’embrase point avec le nitre. Si l’on broie ensemble deux parties de chaux d’arsenic & une partie de nitre dans un mortier de verre ou de marbre, & qu’on mette ce mélange en distillation dans une cornue de terre ou de grais, à laquelle on adaptera un ballon, on aura un acide nitreux de couleur bleue, dont les vapeurs briseroient les vaisseaux avec explosion, si les jointures étoient bien bouchées. Cette couleur bleue disparoît très promptement à l’air. Le célebre Sthal croit qu’elle est dûe à une portion de cobalt, qui étoit uni à l’arsenic. Il s’agiroit d’observer si la même chose arriveroit avec de l’arsenic qui n’auroit été uni avec aucune portion de cobalt, comme il y en beaucoup ; & M. Rouelle, à qui ces observations sont dûes, remarque avec raison que la couleur bleue peut aussi venir du fer & du cuivre.

L’arsenic combiné avec l’acide du sel marin forme ce qu’on appelle le beurre d’arsenic ; c’est une liqueur extremement volatile, & qui se dissipe à l’air sous la forme d’une fumée : il faut pour cela que l’acide du sel marin soit très-concentré.

En mêlant ensemble deux parties de chaux vive, & une partie d’orpiment, & en versant par dessus cinq ou six parties d’eau bouillante, il se fait une effervescence ; lorsqu’elle sera finie, on remuera le mélange, on le laissera reposer, on décantera ensuite la liqueur claire qui surnagera, & l’on aura ce qu’on appelle le foie de soufre arsénical, ou l’encre de sympathie. La vapeur seule de cette liqueur fait paroitre en noir les caracteres qui ont été tracés avec une dissolution de sel de Saturne. Cette liqueur s’appelle aussi liquor vini probatorius, parce qu’elle peut servir à découvrir si du vin a été frélaté ou adouci avec de la litharge ou avec du plomb ; car en y versant de cette encre de sympathie, le vin noircira sur le champ pour peu qu’il contienne de plomb.

L’orpiment mêlé avec de la chaux vive est un dépilatoire, c’est-à-dire, que ce mêlange fait tomber les poils du corps, mais il faut avoir soin de ne pas le laisser séjourner trop long-tems, de peur qu’il n’endommage la peau.

Nous avons déja suffisamment averti que l’arsenic, sous quelque forme qu’il se trouve, est un poison très-vif ; sa grande volatilité fait que l’on ne doit jamais le traiter qu’avec la plus grande précaution ; & l’on doit toujours se défier même de son usage extérieur. Les Peintres qui employent l’orpiment en sont souvent très-incommodés. Quelques gens avoient proposé une préparation d’arsénic comme un remede extérieur pour la guérison du cancer ; mais M. Rouelle rejette cet usage comme dangereux. Rien n’est donc plus téméraire que de donner sous quelque prétexte que ce soit, l’arsénic intérieurement ; la moindre quantité est infiniment dangereuse. En effet, c’est un violent corrosif d’un goût acerbe & austere ; ceux qui ont été empoisonnés par de l’arsénic, éprouvent d’abord de grandes envies de vo-