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rel, ils s’en servent pour peindre ; en le mêlant avec de l’indigo, ils en font du verd.

L’orpiment étoit le seul arsenic que connussent les anciens, il ne paroît point qu’ils eussent connoissance de l’arsenic que nous connoissons dans différens états. Comme à l’article Arsenic dans le premier volume de cet ouvrage on n’a donné qu’une description très-incomplete de cette substance, nous allons tâcher d’y suppléer & d’entrer dans quelques détails sur une des substances les plus importantes du regne minéral.

L’arsenic est un demi-métal d’un gris luisant, à-peu près comme le fer, mais composé d’un amas de lames ou de feuillets. Il perd son éclat & se noircit à l’air, il se dissout dans tous les dissolvans & les liqueurs, il entre en fusion dans le feu, & il s’y dissipe sous la forme d’une fumée blanche, épaisse, accompagnée d’une odeur d’ail très-forte, c’est surtout à cette odeur que l’on peut reconnoître sa présence : c’est un poison très-violent.

On voit par ces propriétés de l’arsenic qu’il est un vrai protée, qui à de certains égards, approche de la nature des sels, tandis que par d’autres il a des caracteres qui conviennent aux métaux & aux demi-métaux, c’est ce qu’on verra encore plus clairement par les détails que nous donnerons de ses effets. M. Brandt, savant chimiste suédois, est le premier qui a fait voir que l’arsenic étoit un demi-métal ; avant lui on ne savoit point dans quel rang on devoit le placer. Voyez Acta litteraria Upsaliensia anni 1733.

L’arsenic se trouve sous différentes formes dans le sein de la terre. 1°. Il se trouve tout pur, c’est ce qu’on nomme arsenic natif ; alors il n’est combiné avec aucune autre substance du genre minéral ; on le reconnoît à sa couleur grise, à la fumée blanche qu’il répand dans le feu, & à son odeur d’ail : cet arsenic exposé au feu se sublime entierement sans laisser aucun résidu. On le trouve aussi tout pur sous la forme d’un crystal blanc & transparent, semblable à du verre blanc ; enfin on le trouve encore tout pur sous la forme d’une poudre blanche ou d’une farine.

2°. L’arsenic se trouve combiné avec du soufre, & alors il est ou jaune citron, ou d’un jaune orangé, ou d’un rouge quelquefois aussi vif que celui d’un rubis ; alors on le nomme arsenic jaune, orpiment, risigallum ; sa couleur plus ou moins rouge vient du plus ou du moins de soufre avec lequel il est combiné. On a trouvé que l’arsenic d’un jaune de citron pouvoit contenir un dixieme de soufre, & que l’arsenic rouge en contenoit un cinquieme. Wallerius donne le nom d’orpiment à de l’arsenic jaune, renfermé dans une pierre talqueuse ou par feuillets comme le mica ; il paroît que cela ne change point la nature de cette mine.

3°. L’arsenic se trouve dans une pierre noire, mêlée de bitume, que l’on nomme pierre arsenicale, il paroît qu’il y est tout pur, puisque cette pierre cassée est luisante comme du plomb fraîchement coupé. Les Allemands l’appellent fliegen stein, pierre aux mouches, parce qu’on la pulvérise, on la mêle avec de l’eau & du sucre, & on la met sur une assiette, & ces insectes vont en manger, ce qui les fait périr. C’est à cette mine d’arsenic que l’on donne quelquefois le nom de cobalt écailleux ou cobalt testacé, parce qu’elle a la forme d’écailles. En général il faut observer que les mineurs d’Allemagne, peu exacts dans leurs dénominations, donnent le nom de cobalt à presque toutes les mines d’arsenic.

4°. L’arsenic se trouve dans la pyrite blanche, que les Saxons nomment mispikkel ou pyrite arsenicale. Cette mine est composée d’un assemblage de

lames ou de feuillets blancs comme de l’étain ou de l’argent. L’arsenic y est combiné avec le fer & le soufre.

5°. L’arsenic se trouve dans une mine que les Allemands appellent kupfernikkel, qui est d’un rouge semblable à celui du cuivre, & que l’on doit nommer mine d’arsenic d’un rouge cuivreux.

6°. Il se trouve mêlé ou combiné avec de la terre que l’on nomme terre arsenicale ; on peut la reconnoître à la fumée qu’elle répand dans le feu & à son odeur d’ail.

Voilà les principales mines de l’arsenic ; mais outre cela, il se trouve dans un nombre infini de mines des autres métaux, & sur-tout dans les mines d’argent, dans les mines de cuivre, dans les mines de plomb, de fer & d’étain ; il joue aussi bien que le soufre le principal rôle dans la minéralisation des métaux, c’est-à-dire qu’il leur fait prendre des formes tout-à-fait étrangeres. C’est ainsi que l’arsenic combiné avec de l’argent le change en crystaux rouges & transparens, que l’on nomme mine d’argent rouge. Il fait prendre à l’étain une forme crystallisée, voyez Etain ; il change le plomb en crystaux blancs & verds, voyez Plomb, d’où l’on voit que l’arsenic a la propriété de s’unir très intimement avec les substances métalliques, desquelles on a beaucoup de peine de le dégager par le grillage & par les travaux de la Métallurgie. Voyez Mine, Minéralisation, Métallurgie.

L’arsenic est très-volatil, & il s’éleve très-facilement sous la forme de vapeurs dans les souterreins des mines ; c’est à lui que sont dûes en partie les effets funestes des exhalaisons minérales. Voyez cet article. Toutes ces propriétés de l’arsenic l’ont fait regarder comme un générateur des métaux & comme un mercure coagulé. Le célebre Henckel dit avoir obtenu de l’argent en traitant un mélange de craie & d’arsenic. Les Alchimistes ont cherché la pierre philosophale dans cette substance, & lui ont attribué des vertus tout-à-fait extraordinaires.

Pour séparer l’arsenic des substances auxquelles il est joint dans le sein de la terre, on calcine ces substances dans un fourneau de réverbere, que Kunckel a décrit le premier, & la fumée qui s’en éleve est reçue dans une cheminée horisontale, qui est faite de planches & soutenue par des piliers : cette cheminée a quelquefois plusieurs centaines de piés de longueur, on en peut voir la représentation dans celle des Planches de Minéralogie & de Métallurgie, qui représente le grillage du cobalt ; AB représente la perspective du fourneau, G montre sa coupe. Par la calcination, l’arsenic se dégage sous la forme d’une fumée blanche épaisse ; cette fumée est reçue dans la cheminée CD, ou dans le boyau horisontal, aux parois duquel elle s’attache & se condense sous la forme d’une farine légere, que des ouvriers vont balayer & ramasser lorsqu’il s’y en est accumulé une certaine quantité. Ces ouvriers entrent dans la cheminée par des portes marquées EEE, que l’on tient fermées dans le tems que la fumée arsenicale est reçue : H montre la coupe de cette cheminée ; les ouvriers ont la précaution de se mettre un linge devant le nez & la bouche lorsqu’ils vont balayer cette poudre arsenicale, qui est une poison très-subtile.

Quand on a recueilli l’arsenic qui s’étoit amassé dans la cheminée qui vient d’être décrite, on porte cette poudre dans un autre attelier représenté au bas de la même Planche. Là on a un fourneau, que l’on verra dans cette Planche aux lettres A & B ; CCC sont des capsules de tôle ou de fer, dans lesquelles on met l’arsenic en poudre, on place au-dessus de ces capsules ou écuelles des tuyaux de tôle ou de fer mince battu, marqués DDD ; on