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ditaires ; & les enfans d’un homme en place se trouvent souvent réduits aux fonctions les plus viles pour gagner leur subsistance. Les nays s’enrichissent par les extorsions qu’ils font souffrir au peuple, que le despote livre à leur avidité, sans que les opprimés aient de ressource contre leurs oppresseurs.

NAZAREAT ou NAZAREISME, (Hist. judaïq.) état ou condition des Nazaréites ou Nazaréens parmi les Juifs.

Le nazaréat consistoit à être distingué du reste des hommes, principalement en trois choses : 1°. à s’abstenir de vin ; 2°. à ne se point faire raser la tête, à laisser croître ses cheveux ; 3°. à éviter de toucher les morts, de peur d’en être souillé.

Il y avoit de deux sortes de nazaréat ; l’un pour un tems, qui ne duroit qu’un certain nombre de jours ; l’autre pour la vie. Les rabbins ont cherché combien duroit le nazaréat pour un tems, & l’ont déterminé d’après leurs idées cabalistiques. Il est dit dans le livre des nombres, ch. VI. n. 5. Domino sanctus erit. Or, comme le mot hébreu erit est en quatre lettres, dont la premiere & la troisieme, prises pour des lettres numerales, font chacune dix, & les deux autres chacune cinq, le tout ensemble trente, ils en ont conclu que le terme du nazaréat pour un tems, étoit trente jours. Voyez Cabale. (G)

NAZARÉEN, adj. & subst. (Hist. judaïq.) est un terme employé dans l’ancien Testament, pour signifier une personne distinguée & séparée des autres par quelque chose d’extraordinaire, comme par sa sainteté, par sa dignité, ou par des vœux. Voyez Nazareat.

Ce mot vient de l’hébreu nazar, distinguer, séparer ; aussi ce mot étoit-il distingué chez les Hébreux du mot nazaréen, habitant ou natif de Nazareth, qui vient de natzar ou netzer, sauver, préserver.

Dans le livre des nombres, ch. vj. on trouve le détail des vœux des Nazaréens, c’est-à-dire, des vœux pour lesquels un homme ou une femme se consacroient particulierement à Dieu, les conditions & suites de ces vœux, comme l’abstinence, &c.

Quand le tems du nazaréat étoit accompli, le prêtre amenoit la personne à la porte du temple, & cette personne offroit au Seigneur un mouton pour l’holocauste, une brebis pour le sacrifice d’expiation, & un bélier pour l’hostie pacifique. Il offroit aussi des pains & des gâteaux, avec le vin nécessaire pour les libations. Après que tout cela étoit immolé & offert au Seigneur, le prêtre ou quelqu’autre rasoit la tête du nazaréen à la porte du tabernacle, & en brûloit les cheveux sur le feu de l’autel. Alors le prêtre mettoit entre les mains du nazaréen l’épaule cuite du bélier, un pain & un gâteau ; puis le nazaréen les remettoit sur les mains du prêtre, qui les élevoit en sa présence, & les offroit à Dieu : dès-lors le nazaréen pouvoit boire du vin, & son nazaréat étoit accompli. Mais les nazaréens perpétuels qui avoient été consacrés par leurs parens, renonçoient pour jamais à l’usage du vin.

Ceux qui faisoient le vœu de nazaréat hors de la Palestine, & qui ne pouvoient arriver au temple à la fin des jours de leur vœu, se contentoient de pratiquer les abstinences marquées par la loi, & de se couper les cheveux au lieu où ils se trouvoient, se réservant d’offrir leurs présens au temple par eux-mêmes, ou par d’autres, lorsqu’ils en auroient la commodité. C’est ainsi que saint Paul en usa à Unchée, act. xviij. v. 18.

Lorsqu’une personne ne se trouvoit pas en état de faire le vœu du nazaréat, ou n’avoit pas le loisir d’en observer les cérémonies, elle se contentoit de contribuer aux frais des offrandes & des sacrifices

de ceux qui avoient fait & accompli ce vœu ; & de cette sorte elle avoit part au mérite de leur nazaréat. Maimonid. in num. 6.

Nazaréens est aussi employé dans l’Ecriture pour marquer un homme élevé en dignité, comme il est dit du patriarche Joseph. Genes. xlix. V. 26. qu’il étoit nazaréen entre ses freres. On explique ce terme diversement. Les uns croient qu’il signifie celui qui est couronné, choisi, séparé, distingué, nezer en hébreu signifiant une couronne. Les septante traduisent ce terme par un chef, ou par celui qui est couronné. Le P. Calmet croit que nazir étoit un nom de dignité dans la cour des rois d’Orient. Encore aujourd’hui dans la cour du roi de Perse, selon Chardin, le nezir est le sur-intendant de la maison du roi, le premier officier de la couronne, le grand œconome de sa maison & de ses trésors. En ce sens Joseph étoit le nazir ou le nézir de la maison de Pharaon. Calmet, dictionn. de la bibl. tom. 3. pag. 21. au mot Nazaréen. (O)

NAZAREITES ou Nazaréens, s. m. pl. (Hist. ecclés.) secte d’hérétiques qui s’éleva dans les premiers siecles de l’Eglise.

Saint Epiphane nous apprend que les Nazaréens étoient entierement conformes aux Juifs dans tout ce qui avoit rapport à la doctrine & aux cérémonies de l’ancien testament. Ils n’en différoient que par la profession du christianisme, & la croyance que Jesus-Christ étoit le Messie. Ils furent aussi appellés Peratiques, parce qu’ils étoient en grand nombre à Pera ou Pella, ville de la Décapole ; & Symmachiens, parce qu’ils se servoient de la version de l’écriture faite par Symmaque.

Il y a eu de deux sortes de Nazaréites ; les uns purs, qui observoient ensemble la loi de Moïse & celle de Jesus-Christ ; les autres étoient les Ebionites. Voyez Ebionites.

Les auteurs ecclésiastiques nous apprennent que S. Matthieu prêcha l’évangile aux Juifs à Jérusalem dans leur propre langue, & dans le reste de la Palestine, & que ce fut aussi vers ce tems qu’il écrivit son évangile en hébreu. S. Epiphane ajoute, que cet évangile fut conservé entier parmi les Nazaréens. Ce Pere doute seulement s’ils n’en avoient point retranché la généalogie de Jesus-Christ, qui ne se trouvoit point dans l’exemplaire des Ebionites. S. Jerôme qui a traduit en grec & en latin l’évangile de S. Matthieu, nous dit qu’il y avoit beaucoup de gens qui prenoient l’évangile de S. Matthieu, dont les Nazaréens & les Ebionites faisoient usage, pour le vrai évangile de cet apôtre.

C’est pour cela que Baronius dit dans ses annales, que si on avoit à réformer la vulgate, ce devroit être plutôt sur l’original hebreu que sur le grec, qui n’est qu’une copie.

Casaubon traite d’impie cette opinion de Baronius, ne concevant pas comment l’autorité de la version grecque pourroit dépendre d’un texte entierement perdu. Il ajoute que jamais cet évangile n’a été d’usage que parmi les Nazaréens, les Ebionites & d’autres hérétiques, & qu’il étoit rempli de fables, ayant été altéré & corrompu par ces hérétiques. Voyez Matthieu.

Ces Nazaréens, quoique zelés observateurs de la loi de Moïse, avoient un très-grand mépris pour les traditions des Pharisiens. Cette secte subsista long-tems en Orient. Benschonah, auteur arabe, qui a écrit la vie de Mahomet, raconte que ce faux prophete fit l’an 4 de l’hégire, de Jesus-Christ 626, la guerre aux Nazaréens ou Nadaréens, qui étoient des Juifs établis en Arabie, & les vainquit. Le P. Calmet conjecture que ces Nazaréens pourroient bien être des descendans de ces chrétiens hébraïsans qui parurent dans les premiers siecles de l’Eglise.

Nazaréen est aussi un nom que les auteurs qui ont