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ce en nourrit plus de cent mille dans des monasteres ou couvens ; l’Italie n’en a pas moins ; & les cloîtres en Espagne tiennent lieu d’une mortalité qui détruit insensiblement la nation. Ces familles éternelles où il ne naît personne, dit l’auteur de l’esprit des Lois, & qui subsistent perpétuellement aux dépens du public, ont des maisons toujours ouvertes, comme autant de goufres, où s’ensevelissent les races futures. Le Chevalier de Jaucourt.

Ordre d’un état, (Droit Polit.) on appelle ordres dans un état, différentes classes & assemblées des hommes, avec leurs différens pouvoirs & privileges. Il n’est pas possible de détruire & de changer essentiellement les ordres d’un état, tandis que l’esprit & le caractere du peuple demeurent dans la pureté & la vigueur de son origine ; mais ils seroient essentiellement altérés, si l’esprit & le caractere du peuple étoit perdus ; cette altération des ordres entraîneroit plus certainement la perte de la liberté, que s’ils étoient anéantis. (D. J.)

Ordre blanc ; on appelle ordres blancs dans l’église romaine les ordres religieux, dont les membres sont vêtus de blanc, tels que les chanoines réguliers de S. Augustin, autrement Génovefains, les Prémontrés, les Trinitaires ; & par opposition on appelle ordres noirs ceux qui sont tous vêtus de noir, tels que les Bénédictins, les Augustins, &c. Voyez Ordre.

Ordre militaires, (Hist. mod.) les ordres militaires sont certains corps de chevaliers, institués par des rois ou des princes, pour donner des marques d’honneur & faire des distinctions dans leur noblesse.

Il y a eu en France quatre ou cinq ordres de chevalerie purement militaires.

Charles Martel institua l’ordre de la genette, qui ne dura point.

S. Louis fonda en 1269 l’ordre du navire & du croissant, qui fut aussi de courte durée.

En 1350 le roi Jean institua l’ordre de l’étoile, en faveur des plus grands seigneurs ; la devise étoit monstrant regibus astra viam, par allusion à l’étoile des mages : cet ordre dont le siége étoit à Saint-Ouen près Paris, s’avilit dans la suite par le trop grand nombre de chevaliers, & fut abandonné aux chevaliers du guet.

En 1389 Charles VI. fonda l’ordre de la ceinture de l’espérance, dont on ne sait aucun détail.

En 1469. Louis XI. institua l’ordre de S. Michel, parce que celui de l’étoile étoit tombé en discrédit. Il fixa le nombre des chevaliers à trente-six, & ce fut au traité de Noyon, que Charles-Quint & François I. se donnerent mutuellement l’un l’ordre de la toison, l’autre celui de S. Michel, mais François II. en 1559 ayant créé à la fois dix-huit chevaliers de S. Michel, cette promotion commença à avilir cet ordre. Les marques d’honneur, dit M. de Sainte-Palaye, sont la monnoie de l’état ; il est aussi dangereux de la hausser à l’excès que de la baisser.

Enfin, l’an 1693 est la date de l’institution de l’ordre de S. Louis.

Loin d’entrer dans les détails sur ces divers ordres, je me borne à deux réfléxions.

1°. Les ordres militaires de chevalerie, comme ceux du temple, ceux de malthe, l’ordre teutonique & tant d’autres, sont une imitation de l’ancienne chevalerie qui joignoit les cérémonies religieuses aux fonctions de la guerre. Mais cette espece de chevalerie fut absolument différente de l’ancienne. Elle produisit en effet les ordres monastiques & militaires fondés par les papes, possédant des bénéfices, astreints aux trois vœux des moines. De ces ordres singuliers, les uns ont été grands conquérans, les autres ont été abolis pour leurs débauches ou

leur puissance ; d’autres ont subsisté avec éclat.

2°. Les souverains ont dans leur main un moyen admirable de payer les services considérables que les sujets ont rendus à l’état, en honneurs, en dignités, & en rubans, plutôt qu’en argent ou autres semblables récompenses. « Ç’a été, dit Montagne, une belle invention, & reçûe en la plûpart des polices du monde, d’établir certaines marques vaines & sans prix, pour en honorer & récompenser la vertu ; comme sont les couronnes de laurier, de chêne, de myrte, la forme de certain vêtement, le privilege d’aller en coche par ville, ou de nuit avec flambeau, quelque assiette particuliere aux assemblées publiques, la prérogative d’aucuns surnoms & titres, certaines marques aux armoiries, & choses semblables, de quoi l’usage a été diversement reçu, selon l’opinion des nations, & dure encore. Nous avons pour notre part & plusieurs de nos voisins, les ordres de chevalerie qui ne sont établis qu’à cette fin. Il est beau de reconnoître la valeur des hommes, & de les contenter par des payemens qui ne chargent aucunement le public, & qui ne coûtent rien au prince, & ce qui a été toujours connu par expérience ancienne, & que nous avons autrefois aussi pû voir entre nous, que les gens de qualités avoient plus de jalousies de telles récompenses, que de celles où il y avoit du gain & du profit, cela n’est pas sans raison & sans apparence. Si au prix qui doit être simplement d’honneur, on y mêle d’autres commodités & de la richesse, ce mélange au lieu d’augmenter l’estimation, il la ravale, & en retranche...... La vertu embrasse & aspire plus volontiers à une récompense purement sienne, plutôt glorieuse qu’utile ; car à la vérité les autres dons n’ont pas leur usage si digne, d’autant qu’on les emploie à toutes sortes d’occasions. Par des richesses on satisfait le service d’un valet, la diligence d’un courier ; le danser, le voltiger, le parler, & les plus vils offices qu’on reçoive : voire & le vice s’en paye, la flaterie, le maquerélage, la trahison ; ce n’est pas merveille, si la vertu reçoit & desire moins volontiers cette sorte de monnoie commune, que celle qui lui est propre & particuliere, toute noble & généreuse ». (D. J.)

Ordre militaire ; c’est en France l’ordre de S. Louis que Louis XIV. établit en 1693, pour récompenser les officiers de ses troupes, & leur donner une marque de distinction particuliere sur les autres états. Ceux qui sont revêtus de cet ordre font appellés chevaliers de S. Louis : ils portent à la boutonniere de leur habit & sur l’estomac une croix d’or, sur laquelle il y a l’image de S. Louis, elle y est attachée avec un ruban couleur de feu.

Il y a dans l’ordre de S. Louis huit grands-croix & vingt-quatre commandeurs. Les grands-croix portent leur croix attachée à un ruban large de couleur de feu qu’ils mettent en écharpe ; & outre cela, ils portent une croix en broderie d’or sur leur habit & sur leur manteau. Pour les commandeurs, ils portent aussi leur croix en echarpe, mais ils n’en ont point de brodée sur leurs habits. Le roi est le grand maître de cet ordre, M. le Dauphin en est revêtu, & tous les héritiers présomptifs de la couronne doivent la porter.

Il y a des commandeurs qui ont 4000 l. de pension & d’autres 3000 liv. il y a aussi un nombre de simples chevaliers qui ont des pensions, mais elles sont moins considérables. (Q)

Ordre de Calatrava, (Hist. des ordres.) je n’ajoute qu’un mot ; cet ordre n’est plus aujourd’hui ni religieux ni militaire, puisqu’on peut s’y marier une fois, & qu’il ne consiste que dans la jouissance