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avoir énoncé l’avis & le consentement des évêques & grands, fait mention qu’il a pris aussi l’avis & consentement d’Adélaïde sa femme, & de Philippe son fils, désigné roi. Cependant cette princesse ni son fils ne signerent point non plus que le roi ; il n’y eut que trois des grands officiers de la couronne. Il est dit que l’office de grand-maître n’étoit point rempli, dapifero nullo, & l’on ne fait point mention du chancelier.

Dans des lettres que ce même prince donna en 1134, il dit, annuente Ludovico nostro filio in regem sublimato ; dans celles de 1137, il dit assentiente. Ces dernieres lettres sont faites en présence de deux sortes de personnes ; les unes à l’égard desquelles il est dit in præsentiâ, & qui ne signent point ; savoir, l’évêque de Chartres, légat du saint siége, Etienne évêque de Paris, Sugger abbé de saint Denis, c’étoit le ministre de Louis le Gros, Girard abbé de Josaphat, Algrin qui est qualifié à secretis nostris, c’est-à-dire secrétaire du roi. A l’égard des autres personnes, ce sont les grands officiers de la couronne, qui sont dits astantibus in palatio nostro, & dont les noms & seings se trouvent ensuite. Ceux ci étoient aux côtés du prince, les autres étoient présens, mais n’approchoient pas si près de la personne du roi ; cette distinction se trouve observée dans plusieurs autres lettres & ordonnances.

L’ordonnance de 1190, connue sous le nom de testament de Philippe Auguste, ne fait point mention qu’il eût pris l’avis d’aucun des grands ; le roi dit qu’il l’a fait consilio altissimi. Elle est néanmoins signée des grands officiers de la couronne, quoiqu’elle ne soit pas dite faite publicè ; il s’en trouve plusieurs autres semblables, où ils ont pareillement souscrit ; celle-ci est donnée vacante cancellariâ, & est signée du roi.

Plusieurs anciennes ordonnances ne font aucune mention des signatures & seings, soit que cette partie de la piece ait été adhirée, soit parce qu’elles aient été extraites d’autres ordonnances où l’on avoit retranché cette forme comme inutile.

Quelquefois tous les grands qui étoient présens à la confection d’une ordonnance, y apposoient leurs sceaux avec les grands officiers de la couronne ; cela se pratiquoit sur-tout dans les établissemens, comme il paroît par celui de 1223, fait par Louis VIII. touchant les Juifs. Il est dit que tous les comtes, barons, & autres, qui y sont dénommés, y ont fait mettre leurs sceaux. C’étoit ainsi que l’on souscrivoit alors les actes ; car l’ignorance étoit si grande, sur-tout chez les laïcs, que peu de personnes savoient écrire. On faisoit écrire le nom de celui qui vouloit apposer son sceau, en ces termes, signum Hugonis, ou autre nom ; & ensuite celui dont le nom étoit écrit apposoit son sceau à côté de ce nom.

Quand le roi ne se trouvoit pas accompagné des grands officiers de la couronne, à leur défaut on appelloit d’autres personnes à la confection des ordonnances, pour y donner la publicité ; on prenoit ordinairement les personnages les plus notables du lieu ; dans quelques occasions de simples bourgeois furent appellés.

Par exemple, dans l’ordonnance que saint Louis fit à Chartres en 1262 touchant les monnoies, il est dit qu’à la confection de cette ordonnance, assisterent plusieurs bourgeois qui y sont dénommés, & qui sont dits jurati, c’est-à-dire, qui avoient prêté serment ; savoir trois bourgeois de Paris, trois bourgeois de Provins, deux bourgeois d’Orléans, deux de Sens, & deux de Laon. Il paroît assez singulier que l’on eût ainsi rassemblé à Chartres des bourgeois de différentes villes, & qu’il n’y en eût aucuns de la ville même ; on n’avoit apparemment appellé que

ceux qui étoient le plus au fait des monnoies.

Au reste, il se trouve fort peu d’ordonnances du tems de saint Louis, qui fassent mention que l’on y ait apposé d’autres sceaux que celui du roi.

La formule de la plûpart des ordonnances de ce regne, de celui de Philippe le Hardy, & de celui de Philippe-le-Bel, énonce qu’elles furent faites au parlement ; le roi étoit présent à ces délibérations, & les ordonnances que l’on y proposoit y étoient corrigées quand il y avoit lieu.

Le roi Jean finit une ordonnance en disant, que s’il y a quelque chose à y ôter, ajouter, changer, ou interpréter, cela sera fait par des commissaires qu’il députera à cet effet, & qui en délibéreront avec les gens du parlement ; elles sont relatées dans le registre des enquêtes, ou dans les registres olim dont elles tirent toute leur authenticité.

Ce que l’on trouve de plus remarquable du tems de Philippe-le-Bel par rapport à la maniere dont se faisoient les ordonnances, c’est premierement celle de 1287, qui fut faite au parlement touchant les bourgeoisies ; il est dit qu’elle fut faite par la cour de notre seigneur le roi ; mais il y a tout de suite ces mots, & de son commandement.

On trouve au bas d’une ordonnance de 1288, qu’elle fut registrée inter judicia consilio & arresta expedita in parlamento omnium sanctorum.

Celle de 1291, touchant le parlement, fut faite au parlement même tenu à Paris.

Philippe-le-Bel en fit une autre à Paris en 1295, par laquelle il promit de dédommager ceux qui prendroient de sa nouvelle monnoie ; il y obligea son domaine, ses héritiers & successeurs, & généralement tous ses biens & les leurs, & spécialement tous ses revenus & produits de la province de Normandie, & ce de la volonté & consentement de sa très chere femme Jeanne reine de France. Il finit en ordonnant l’apposition de son sceau ; ensuite la reine parle à son tour, & ratifie le tout, & y fait mettre son scel avec celui du roi ; il y a encore une ordonnance semblable de la même année.

Celle de 1298, concernant le jugement des hérétiques, fut donnée en présence d’un archevêque, & de trois évêques.

Dans un mandement du 25 Août 1302, il dit qu’il a été accordé ensemblement de plusieurs de ses amés & féaux prélats & barons avec son conseil ; il y en a un semblable de 1303, & deux ordonnances de 1306, qui sont faites de même.

L’ordonnance du mois de Novembre concernant le châtelet, fut faite par le roi & son conseil ; mais il paroît que ce conseil n’étoit autre chose que le parlement que l’on appelloit encore communément le conseil du roi. Dans quelques ordonnances postérieures, il est dit qu’elles furent faites par délibération du grand conseil du roi ; & dans quelques-unes, il ajoute & de ses barons.

Depuis que le parlement eut été rendu sédentaire à Paris, les ordonnances ne se firent plus guere au parlement, mais dans le conseil particulier du roi. Il fut même ordonné en 1359, que dorénavant il ne se feroit plus aucunes ordonnances, que ce ne fût par délibération de ceux du conseil ; quelquefois ce conseil se tenoit en la chambre des comptes ; quelquefois dans la chambre du parlement ; c’est pourquoi l’on trouve encore quelques ordonnances qui furent faites au parlement jusqu’en 1388.

Dans ces premiers tems, le roi envoyoit quelquefois ses ordonnances à la chambre des comptes pour y être registrées ; on en trouve des exemples en 1320, 1323, & 1361 : il chargeoit même aussi quelquefois la chambre d’en envoyer des copies vidimées aux baillifs & sénéchaux. On appelloit vi-