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lent, dont la couleur, le goût & l’odeur sont admirables. On ne peut en effet, refuser son admiration à un arbre qui conserve pendant toutes les saisons, une verdure des plus brillantes ; qui réunit les agrémens divers d’être en même tems chargé de fleurs & de fruits, dont les uns sont naissans & les autres en maturité ; & dont toutes les parties, telles que le jeune bois, la feuille, la fleur & le fruit, ont une odeur suave & aromatique des plus agréables. L’oranger a encore le mérite d’être de très-longue durée ; & quoiqu’il soit souvent renfermé, & toujours retenu dans d’étroites limites, on a vu de ces arbres subsister en caisse pendant deux siecles & au-delà.

L’oranger est plus aisé à multiplier, à élever & à cultiver qu’on ne se l’imagine communément. Tous les Jardiniers y mettent beaucoup de mystere, supposent qu’il y faut un grand art, & prétendent que cet arbre exige une infinité de préparations, de soins & de précautions. Cependant voici à quoi se réduit cet art si mystérieux de la culture des orangers. 1°. Leur faire une bonne préparation de terre, qui est fort simple ; 2°. leur donner des caisses proportionnées à leur grosseur ; 3°. leur former une tête réguliere ; 4°. les placer dans la belle saison à une exposition favorable ; 5°. les mettre pendant l’hiver dans une orangerie suffisamment aërée, mais où la gelée ne puisse pénétrer ; 6°. les arroser avec ménagement ; 7°. les r’encaisser au besoin ; 8°. les rétablir des maladies ou accidens qui leur surviennent ; 9°. enfin les garantir des insectes qui leur sont nuisibles. Avant d’entrer dans le détail de ces différens articles, il faut indiquer les moyens de se procurer des plants d’oranger. On y parvient de deux façons, ou en semant des pepins que l’on greffe ensuite, ou en achetant des plants greffés, que les marchands génois viennent vendre tous les ans, dans la plupart des grandes villes du royaume.

Pour élever de graine & greffer les orangers, je vais donner la pratique que conseille M. Miller, auteur anglois, très-versé dans la culture des plantes. Comme ses ouvrages n’ont point encore été traduits en notre langue, il sera avantageux de faire connoître sa méthode de cultiver les orangers. On pourra même s’en relâcher à quelques égards sans inconvénient, en raison de la différence du climat qui est un peu plus favorable dans ce royaume qu’en Angleterre.

Pour se procurer des sujets propres à greffer les différentes especes d’orangers, il faut, dit M. Miller, semer les pepins que l’on tire des citrons qui se trouvent pourris au printems. Les plants qui en viennent valent mieux que ceux des oranges, ni des limons pour servir de sujet ; parce que le citronier croît le plus promptement, & qu’il est propre à greffer toutes les différentes especes de ces arbres. Il faut donc semer au printems des pepins de citron dans des pots remplis de bonne terre, que l’on plongera dans une couche de fumier à l’ordinaire, ou de tannée qui sera encore plus convenable. On les arrosera souvent, on les couvrira de cloches un peu relevées pour laisser passer l’air, & on les garantira de la grande chaleur du jour avec des paillassons. Les graines leveront au bout de 3 semaines ; & si le semis a été bien conduit, les jeunes plants seront en état d’être transplantés un mois après dans des petits pots d’environ 5 pouces de diametre.

La terre dont on se servira pour cette plantation, & pour tout ce qui concernera les orangers, sera composée de 2 tiers de terre de pré la moins légere, & cependant la moins dure, mais qui soit grasse & limonneuse, qu’il faudra faire enlever avec le gazon de 10 pouces d’épaisseur ; on y ajoutera une troisieme partie de fumier de vache bien pourri ; on mêlera le tout ensemble, même avec le gazon, pour le faire

pourrir, & on laissera reposer ce mélange pendant un an avant de s’en servir. Mais on aura soin de remuer le tout une fois le mois pour completer le mélange, pour faire pourrir les racines, pour bien rompre les mottes & rendre cette terre bien meuble. Il faudra la cribler avant de s’en servir pour en ôter sur-tout les racines ; il ne faut cependant pas que cette terre soit trop fine, car l’excès à cet égard est préjudiciable à la plupart des plantes, & particulierement aux orangers.

En tirant les jeunes plants du pot où ils ont été semés, il faudra conserver le plus qu’il se pourra la terre qui tiendra aux racines. On mettra ces petits pots sous un chassis, dans une couche qui aura été renouvellée ; on les arrosera souvent & légérement ; on leur fera de l’ombre dans la grande chaleur du jour ; & en y donnant les soins convenables, les plants auront 2 piés de haut dans le mois de Juillet de la même année. Alors on les laissera se fortifier en élevant par degré les chassis de la couche. On profitera ensuite d’un tems favorable pour les ôter & les mettre à une exposition où la grande chaleur ne puisse pas les endommager. Vers la fin de Septembre, il faudra les mettre à l’orangerie, dans l’endroit le plus aëré, & les arroser souvent, mais modérement.

Au printems suivant, on les lavera pour ôter la poussiere & la moisissure ; & on les mettra encore dans une couche d’une chaleur moderée, ce qui les hâtera considérablement. Mais au commencement de Juin on cessera de les délicater, afin qu’ils soient propres à être écussonnés au mois d’Août. Alors on choisira sur des arbres fertiles & vigoureux de l’espece qu’on voudra multiplier, des rameaux ronds & forts, dont les boutons se levent plus aisément que ceux des branches foibles, plates ou anguleuses ; & on les écussonnera à l’ordinaire. Ces greffes étant faites on les mettra dans l’orangerie pour les défendre de l’humidité ; on tournera les écussons à l’opposite du soleil ; on leur donnera de l’air le plus qu’il sera possible, & on les arrosera légérement & souvent. On pourra s’assurer un mois après des écussons qui auront réussi ; alors il faudra couper la ligature.

On ne sortira ces arbres de l’orangerie qu’au printems suivant, & après avoir coupé les sujets à 3 pouces au-dessus de l’écusson ; on les plongera avec leur pot dans une couche d’écorce d’une chaleur temperée ; on leur donnera de l’air & de l’eau à proportion de la chaleur : mais il faudra les garantir avec soin de l’ardeur du soleil. En les conduisant ainsi, les greffes qu’ils pousseront vigoureusement auront au mois de Juillet 3 piés d’élévation pour le moins. Il faudra commencer à les accoutumer dans ce tems à la fatigue, afin qu’ils puissent mieux passer l’hiver dans l’orangerie. Comme la hauteur qu’ils auront prise sera suffisante pour la tige, on pourra arrêter le montant, afin de lui faire pousser des branches latérales. Il ne faudra pas manquer de les tenir chaudement pendant l’hiver qui suivra cette premiere pousse ; car la couche de tannée les rend délicats en forçant leur accroissement : mais on ne peut guere se dispenser de les avancer ainsi, afin de leur faire prendre une grande élévation en une seule seve ; car quand ces arbres sont plusieurs années à former leurs tiges, elles sont rarement droites. On conduira ces arbres ensuite de la même façon que les orangers qui ont pris leur accroissement, & dont il sera parlé après avoir donné la maniere de cultiver ceux que l’on achete des marchands génois.

Le plus court moyen d’avoir de beaux orangers, c’est de les acheter de ces marchands ; car ceux que l’on éleve de graine dans ce climat, ne deviennent pas à beaucoup près si gros en 18 ou 20 ans : & quoique les têtes de ceux qu’on apporte d’Italie