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une force exactement proportionnée à la vîtesse avec laquelle l’orage descend, c’est à-dire à la diminution plus ou moins prompte de la fermentation qui le soutient. Mais quel sera l’effet de cette pression ? & que doit devenir cette grande colonne d’air ainsi poussée contre la surface de la terre qu’elle ne peut pénétrer ? La réponse est aisée. Elle doit s’échapper de tous côtés en se répandant du centre à la circonférence de l’orage ; ensorte qu’on doit se représenter cette ligne qui tombe du centre de gravité de l’orage perpendiculairement sur la surface de la terre, comme environnée dans toute sa longueur de petits filets de vent coulant horisontalement jusque par-delà les extrémités de l’orage, & se repliant ensuite vers l’espace que l’orage laisse après lui. Il n’y aura donc point de vent au pié de cette ligne (non plus que dans toute sa longueur) ; & celui qui soufflera tout proche ne sera presque rien, & ne pourra devenir sensible qu’à une certaine distance, comme vers les extrémités, & tout autour de cet endroit de la terre sur lequel l’orage descend.

Mais il est moralement impossible que la fermentation diminue en même tems & dans la même proportion dans toutes les parties de l’orage, ainsi qu’on vient de le supposer ; il faudroit pour cela que les fermens eussent été distribués par-tout également, qu’ils eussent par-tout la même force & la même activité, & que la matiere qui fermente fût par-tout également disposée & susceptible du même degré de fermentation dans le même tems. Ainsi ce cas-là doit presque être regardé comme un cas chimérique.

Supposons donc ce qui doit presque toujours arriver, que la fermentation s’affoiblisse sensiblement dans une partie de l’orage, tandis qu’elle se soutient ou qu’elle diminue beaucoup moins dans les autres : alors il est évident non-seulement que le corps de l’orage doit faire un mouvement vers cet endroit devenu plus foible, mais encore que toute l’action de l’air environnant, qui jusque-là a été tellement dirigée vers le centre de l’orage, qu’elle l’a tenu immobile en le pressant également de tous corés, doit maintenant suivre ce centre qui s’échappe, & se déployer de ce côté avec d’autant plus de force, que la résistance de la partie de l’orage qui s’affoiblit, diminue avec plus de promptitude.

Et ce qui doit donner lieu à cet air de se jetter du même côté avec encore plus de force, & d’accélérer d’autant plus le mouvement progressif de l’orage, c’est que la fermentation ne peut s’affoiblir dans une de ses parties sans que cet affoiblissement se communique en quelque façon à tout le corps de l’orage ; je m’explique. La partie qui s’affoiblit ne peut descendre sans entraîner tout l’orage, qui doit descendre aussi en s’inclinant sur elle. Donc la fermentation doit aussi s’affoiblir dans le corps de l’orage ; la conséquence est évidente, car il ne peut descendre sans prendre la place d’un volume d’air plus pesant ; il doit donc devenir lui-même plus pesant. Donc son volume doit diminuer ; ce qui ne peut se faire sans que la fermentation diminue aussi dans la même proportion : de sorte que ces deux choses, savoir la diminution de la fermentation & la descente de la matiere qui fermente, seront la cause & l’effet l’une de l’autre en différens endroits de l’orage.

Cependant comme l’orage n’est forcé de descendre qu’en s’inclinant sur la partie foible, la diminution de la fermentation occasionnée par cette descente, ne doit pas être égale dans toutes ses parties, mais plus ou moins considérable dans chacune, selon qu’elle se trouve plus ou moins proche de la partie foible qui entraîne tout. On voit même que le progrès que cet affoiblissement fera dans cette par-

tie, doit se communiquer aux autres de la même

maniere & avec la même gradation. Voyez ci-après pag. suiv. phénom. 3.

Il y aura donc cette différence du premier cas à celui-ci, que dans le premier le corps de l’orage doit descendre directement vers le centre de la terre, au lieu que dans le second il doit plonger obliquement entraîné par la partie foible qui est la premiere à descendre, & forcé d’obéir au mouvement que lui imprime l’action de l’air, qui le suit & le pousse devant lui, ainsi qu’on vient d’expliquer.

Ce n’est donc plus directement vers la terre que sa chute doit pousser l’air intermédiaire, comme dans le cas précédent, mais obliquement & suivant la direction de sa ligne de route. Or la surface de la terre ne sauroit empêcher l’effet de cette pression, qui dans ce cas doit être suivie d’un vent plus ou moins impétueux, selon que le mouvement progressif de l’orage est plus ou moins hâté par l’affoiblissement de la fermentation, & par la facilité que cet affoiblissement trouve à se communiquer d’une extrémité de l’orage à l’autre.

Ouragans. C’est la direction oblique de ce vent, ainsi excité par la translation précipitée du corps de l’orage, qui est cause de ces tourbillons que l’on voit quelquefois arracher des arbres, renverser des maisons, &c. car cette direction étant composée de l’horisontale & de la perpendiculaire, la surface de la terre est entierement opposée à l’une ; & les montagnes, les édifices, les forêts, &c. s’opposent à l’autre, & même en différens sens & de différentes façons, selon leur différente position & la différente inclinaison de leurs surfaces, par rapport au mouvement direct du vent que l’orage pousse devant lui. Ainsi, par exemple, différens ruisseaux de vent réfléchis en arriere & du haut en bas par différentes montagnes, différens édifices, &c. différemment situés & différemment inclinés, peuvent concourir en un même point comme en un foyer. Là ils seront croisés par d’autres ruisseaux réfléchis en avant & de bas en haut par la surface de la terre, & les uns & les autres seront encore traversés par des troisiemes qui n’ayant point rencontré d’obstacle, ont suivi jusques-là leur premiere détermination.

On voit assez que le concours, l’opposition, la différente inclinaison de tous ces ruisseaux, les uns à l’égard des autres, peut produire dans l’air qui les compose, un mouvement spiral ou circulaire extrêmement violent, & que si quelque obstacle, par exemple, un arbre se trouve dans l’enceinte de ce tourbillon, il en deviendra bientôt le centre, & qu’il sera arraché avec d’autant plus de facilité que ses branches & son feuillage donneront plus de prise au vent qui roule tout autour avec une rapidité inconcevable.

Grêle. Ce phénomene, tout étrange qu’il est, l’est cependant moins que celui qu’à juste titre on peut appeller le fléau de nos contrées ; on voit bien que c’est de la grêle qu’il est ici question. En effet, il n’est pas mal-aisé de comprendre que plusieurs courans d’air, qui se choquant les uns aux autres, s’empêchent mutuellement de continuer leur mouvement en ligne droite, & par-là même s’obligent à tourner circulairement autour d’un centre commun ; peuvent envelopper un arbre & le déraciner. Mais comment concevoir que des vapeurs & des exhalaisons suspendues sur nos têtes, & échauffées à un tel point, que le lieu d’où elles sortent nous paroît bien souvent tout en feu, puissent se convertir subitement en pieces de glace plus compactes & plus solides que celle que nous voyons se former durant l’hiver le plus rude ? On dira sans doute que ce qui glace & durcit ainsi les parties liquides qui se détachent d’un orage, & le convertit en grêle, c’est la