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sénat de Rome manda à Cépion d’envoyer tout cet argent à Marseille, ville amie & alliée du peuple Romain ; les conducteurs furent assassinés sur la route, & l’argent volé. On fit des grandes recherches, & Cepion fut accusé d’avoir lui-même fait assassiner ses gens, & s’être emparé du trésor. Ayant été banni de sa patrie avec toute sa famille, il mourut de misere dans son exil : cependant Cicéron assure qu’on fit un crime à Cépion de ce qui n’étoit que l’effet du caprice de la fortune, & que son désastre n’eut d’autre principe que la haine du peuple qu’on avoit séduit. Il fut jugé dans la derniere rigueur, parce qu’il eut pour juges les chevaliers qui le haïssoient mortellement. Leur haine venoit de ce que Cépion dans son consulat, avoit partagé la connoissance des causes entre le sénat & cet ordre de gens qui en étoit seul en possession depuis la loi de Caius Gracchus, & qui en jouit jusqu’au tems de la loi plautia. Quoi qu’il en soit, l’or de Toulouse passa en proverbe pour marquer quelque chose de funeste. Les Romains, pour le dire en passant, eurent encore dans la suite un autre proverbe qui revenoit au même sens que celui de l’or de Toulouse. Ils disoient d’un homme qui finissoit sa vie d’une façon misérable, qu’il avoit le cheval de Séjan, parce tous ceux à qui ce cheval avoit appartenu, étoient morts d’une maniere tragique. (D. J.)

Or, âge d’(Mytholog.) âge heureux où regnoit l’innocence & la justice, où jamais le souffle empoisonné des soucis rongeans ne corrompit l’air pur qu’on respiroit ! Dans cet âge, le sang humain n’étoit point formé de chair immonde. L’homme étranger aux arts cruels de la vie, aux rapines, au carnage, aux excès, aux maladies, étoit le maître, & non le bourreau des autres êtres de l’univers.

Le crépuscule éveilloit alors la race heureuse de ces hommes bienfaisans : il ne rougissoit point comme aujourd’hui, de répandre ses rayons sacrés sur des gens livrés à l’empire du sommeil, du luxe & de la débauche. Leur assoupissement léger s’évanouissoit encore plus légerement : renaissans entiers comme le soleil, ils se levoient pour admirer la beauté de la nature. Occupés de chants, de danses, & de doux plaisirs, leurs heures s’écouloient avec rapidité dans des entretiens pleins de douceur & de joie : tandis que dans le vallon semé de roses, l’amour faisoit entendre ses soupirs enfantins, libres de toute inquiétude, ils ne connoissoient que les tendres peines, qui rendent le bonheur encore plus grand. Ces fortunés enfans du ciel n’avoient d’autres lois que la raison & l’équité : aussi la nature bienfaisante les traitoit-elle en mere tendre & satisfaite.

Aucuns voiles n’obscurcissoient le firmament : des zéphirs éternels parfumoient l’air des présens de Flore : le soleil n’avoit que des rayons favorables : les influences du ciel répandues en douce rosée, devenoient la graisse de la terre. Les troupeaux mêlés ensemble bondissoient en sureté dans les gras pâturages, & l’agneau égaré dormoit tranquillement au milieu des loups. Le lion étincelant n’allarmoit pas les foibles animaux qui paissoient dans les vallons ; considérant d’abord dans sa retraite sombre le concert de la nature, son terrible cœur en fut adouci, & se vit forcé d’y joindre le tribut de sa triste joie : tant l’harmonie tenoit toutes choses dans une union parfaite : la flûte soupiroit doucement ; la mélodie des voix suspendoit toute agitation. L’écho des montagnes répétoit ces sons harmonieux, le murmure des vents & celui des eaux s’unissoient à tous ces accords.

Les orages n’osoient souffler, ni les ouragans paroître : les eaux argentines couloient tranquillement. Les matieres sulphureuses ne s’élevoient pas dans les airs pour y former les terribles météores : l’humi-

dité mal-saine, & les brouillards, encore plus dangereux,

ne corrompoient pas les sources de la vie. Tels étoient les premiers jours du monde en son enfance : alors, pour m’exprimer dans le langage des dieux,

La terre féconde & parée
Marioit l’autonne au printems ;
L’ardent Phœbus, le froid Borée
Respectoient l’honneur de nos champs.
Par-tout les dons brillans de Flore
Sous les pas s’empressoient d’éclore
Au gré des zéphirs amoureux ;
Les moissons inondant nos plaines
N’étoient ni le fruit de nos peines,
Ni le prix tardif de nos vœux.

Alors l’homme ne cherchoit pas sa félicité dans le superflu ; & la faim des richesses n’allumoit pas en lui des desirs insatiables.

Mais bien-tôt ces tems rapides & innocens ont fait place au siecle de fer : disciples de la nature, vous connoissez cependant encore cet âge brillant que les poëtes ont imaginé. Le ciel, il est vrai, ne vous a pas placé dans les vallées délicieuses de la Thessalie, d’où l’âge d’or tira son origine ; mais du moins la vertu vous fait trouver la santé dans la tempérance, le plaisir dans le travail, & le bonheur dans la modération. (Le chevalier de Jaucourt.)

ORACH, (Géog.) petite ville de la Turquie européenne dans la Bosnie, sur les confins de l’Hertzégovine. Long. 35. 30. lat. 42. 10. (D. J.)

ORACLE, s. m. (Théolog. payenne.) Séneque définit les oracles la volonté des dieux annoncée par la bouche des hommes. Quoique cette définition soit fort différente de celle que je donnerois, il est toujours constant que la plus auguste & la plus réligieuse espece de prédiction dans l’antiquité payenne étoit les oracles. Le desir si vif & si inutile de connoître l’avenir leur donna naissance, l’imposture les accrédita, & le fanatisme y mit le sceau.

On ne se contenta pas de faire rendre des oracles à tous les dieux, ce privilege passa jusqu’aux héros, tant on avoit besoin de mettre à profit l’insatiable curiosité des hommes. Outre les oracles de Delphes & de Claros que rendoit Apollon, & ceux de Dodone & d’Ammon en l’honneur de Jupiter, Mars eut un oracle dans la Thrace, Mercure à Patras, Vénus à Paphos & à Aphaca, Minerve à Micènes, Diane dans la Colchide, Pan en Arcadie, Esculape à Epidaure & à Rome, Hercule à Athènes & à Cadès, Sérapis à Alexandrie, Trophonius dans la Béotie, &c.

Ils ne se rendoient pas tous de la même maniere. Ici c’étoit la prêtresse ou le prêtre qui répondoit pour le dieu que l’on consultoit ; là c’étoit le dieu qui parloit lui-même. Dans un autre endroit on obtenoit la réponse du dieu par des songes. Ailleurs, l’oracle se rendoit sur des billets cachetés, ou par les sorts, comme à Préneste. Enfin, il falloit quelquefois, pour se rendre digne de l’oracle, beaucoup de jeûnes, de sacrifices, de lustrations, des mysteres, &c.

Mon dessein n’est pas de traiter ici directement l’histoire des oracles, on pourra consulter leurs articles particuliers ; mais je me propose principalement de combattre l’opinion qui les attribue aux démons, & l’effet cessé à la venue de J. C. L’Ecriture-sainte ne nous apprend en aucune maniere que les oracles aient été rendus par les démons, & dès-lors c’est un de ces sujets que la sagesse divine a jugé assez indifférens pour l’abandonner à nos petites recherches. Celles de M. de Fontenelle, sans être originales, sont si judicieusement écrites, que je les ai choisies pour en donner le précis dans ce