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le signe représentatif le plus commode des richesses.

Jusqu’à présent on n’a point encore trouvé l’or minéralisé, c’est-à dire dans l’état de mine, ou combiné avec le soufre ou l’arsenic ; il se montre toujours dans l’état métallique qui lui est propre, & il est d’un jaune plus ou moins vif en raison de sa pureté, c’est ce qu’on appelle de l’or vierge ou de l’or natif. Ce métal se trouve dans cet état joint avec un grand nombre de pierres & de terres ; il y est sous une infinité de formes différentes qui n’affectent jamais de figure réguliere & déterminée. En effet, il est tantôt en masses plus ou moins considérables, tantôt en grains, tantôt en feuillets, tantôt en filets & en petits rameaux ; tantôt il est répandu dans les pierres, les terres & les sables en particules imperceptibles.

La pierre dans laquelle on trouve l’or le plus communément, c’est le quartz blanc & gris, & on peut le regarder comme la matrice ou la miniere la plus ordinaire de ce métal. Wallerius & quelques autres minéralogistes ont prétendu qu’il se trouvoit aussi dans le marbre & dans de la pierre à chaux, mais cette idée n’est point conforme à l’expérience : il y a lieu de croire que les mines d’or de cette espece ont été faites à plaisir & dans la vûe de tromper des connoisseurs superficiels. C’est donc dans le caillou ou dans des pierres de la nature du caillou que l’or se trouve le plus ordinairement ; on en rencontre aussi dans la pierre cornée qui est une espece de jaspe : cependant on trouve de l’or quelquefois dans des minieres beaucoup moins dures, & même dans de la terre, comme nous aurons occasion de le dire. C’est mal-à-propos que l’on donne le nom de mines d’or à ces sortes de pierres, puisque l’or, comme nous l’avons déja remarqué, s’y trouve sous la forme & sous la couleur qui lui sont propres, & sans être minéralisé. Il y a cependant en Hongrie une mine que l’on nomme mine d’or couleur de foie, dans laquelle quelques auteurs prétendent que l’or est comme minéralisé, on la dit fort rare, & Henckel paroît douter du fait, peut-être que l’or qui s’y trouve y est répandu en particules si déliées que l’œil ne peut point les appercevoir.

Quoique l’on n’ait point encore trouvé d’or dans l’état de mine, on n’est point en droit de nier absolument qu’il soit impossible que ce métal se minéralise ; en effet, suivant la remarque de M. de Justi, quoique le soufre ne puisse point se combiner avec l’or, l’arsenic ne laisse pas de pénétrer ce métal, & le foie de soufre, qui est une combinaison de soufre & de sel alkali fixe, agit très-puissamment sur l’or : d’où il conclud que, comme nous ignorons toutes les voies que la nature peut employer dans ses opérations, il ne faut point se hâter d’établir des regles trop générales. Tout ce qu’on peut dire, c’est que jusqu’à présent on n’a point trouvé de mine d’or proprement dite.

On trouve des particules d’or mêlées accidentellement avec des mines d’autres métaux ; c’est ainsi qu’en Hongrie on rencontre du cinabre qui contient quelquefois une quantité d’or assez considérable, qui non-seulement s’y montre en petites paillettes ou en filets, mais encore qui y est mêlé, de façon que l’œil ne peut point l’appercevoir. Il y a aussi en Hongrie une espece de pyrite, que l’on appelle gelft ou gilft, dont quelques-unes donnent à l’essai, suivant M. de Justi, une ou deux onces d’or au quintal ; il ajoute que la même chose se voit dans des pyrites qui se trouvent dans la mine d’Adelfors en Suede, ce qui contredit le sentiment du célébre Henckel, qui prétend dans le xij. chapitre de sa Pyritologie, que les pyrites ne contiennent jamais une certaine quantité d’or, & que celui qu’on en tire, y a été produit dans l’opération que l’on a faite pour

le tirer. Outre cela, on trouve encore de l’or, dans quelques mines d’argent, de cuivre, de plomb, & sur-tout dans des mines de fer qui semble avoir une affinité particuliere avec ce métal précieux.

L’or se trouve le plus communément dans plusieurs especes de terres & de sables ; il y est répandu en masses qui pesent quelquefois plusieurs marcs, mais le plus souvent il est en paillettes & en molécules de différentes formes & grandeurs ; quelquefois ces particules ressemblent à des lentilles, & ont été arrondies par le mouvement des eaux qui les ont apporté dans les endroits ou on les trouve ; quelquefois elles sont recouvertes de différentes terres & de substances qui masquent leur couleur d’or, & le rendent méconnoissable. Il y a des auteurs qui prétendent qu’il est très-rare de trouver du sable qui ne contienne point quelque portion d’or ; c’est sur cette idée qu’est fondé le travail que le fameux Beccher proposa aux Hollandois, & qu’il commença même à mettre en exécution ; il consistoit à faire fondre le sable de la mer avec de l’argent, pour unir à ce métal l’or contenu dans ce sable que l’on pouvoit ensuite séparer part le départ. Voyez Beccheri minera arenaria perpetua. Cependant il paroît que ce procédé doit difficilement fournir assez d’or pour payer les frais du travail.

Il est certain qu’un grand nombre de rivieres charrient des paillettes d’or avec leur sable ; c’est une vérité dont on ne peut point douter. Cependant quelques-unes de ces rivieres en charrient une plus grande quantité que les autres ; c’est ainsi que chez les anciens le Pactole étoit fameux pour la quantité d’or qu’il rouloit avec ses eaux ; le Tage a aussi été renommé par cet endroit. Le Rhin, le Danube, le Rhône &c. en fournissent une assez grande quantité. Dans l’Afrique, dans les Indes orientales & dans l’Amérique, plusieurs rivieres roulent une très grande quantité d’or avec leur sable, & celui qui contient de l’or, est communément mêlé de particules ferrugineuses, attirables par l’aimant.

Plusieurs auteurs ont prétendu que les pays les plus chauds étoient les plus propres à la production de l’or, mais il ne paroît point que la chaleur du soleil contribue plus à la génération de ce métal qu’à celle des autres : en effet, on trouve des mines d’or fort abondantes en Hongrie & en Transylvanie, on en trouve aussi, quoiqu’en petite quantité, dans la Suède, dans la Norwege, en Sibérie, & dans les pays froids & septentrionaux ; plusieurs rivieres de France & d’Allemagne en roulent avec leurs sables, & l’or qui s’y trouve doit avoir été détaché des montagnes & des filons des environs, d’où l’on voit que l’or se trouve dans des pays froids ; néanmoins il faut avouer que le métal ne s’y rencontre point en aussi grande abondance que dans les climats les plus chauds. En effet, on trouve des mines d’or très-abondantes dans les Indes orientales ; c’est ce pays qui, suivant toute apparence, étoit l’ophir d’où Salomon tiroit ce métal précieux, & comme nous l’avons remarqué à l’article Mine, on y donne encore dans les Indes le nom d’ophir à toute mine d’or. L’Afrique est remplie de mines d’or ; c’est sur-tout du Sénégal, du royaume de Galam & de la côte du Guinée, appellée aussi Côte-d’or, qu’on en tire la plus grande quantité ; les habitans ne se donnent point la peine d’aller chercher l’or dans les montagnes, & de le détacher des filons qui le contiennent, ils se contentent de laver la terre & le sable des rivieres qui en sont remplis ; & c’est de-là qu’ils tirent la poudre d’or qu’ils donnent aux nations européennes en échange d’autres marchandises, dont ils font plus de cas que de ce métal qui fait l’objet de notre cupidité.

Les relations des voyageurs nous apprennent que